Le renouveau du poker gagne la France. Deauville accueille, jusqu'à ce soir, l'European poker tour. Venus de toute l'Europe et des États-Unis, 250 joueurs, des professionnels en majorité, s'affrontent au casino. Parmi eux, une jeune femme : Isabelle Mercier, championne du monde Ladies. Elle ne conçoit pas une journée sans jouer.
Il ne faut pas se fier à Isabelle Mercier. Sous des allures de jeune femme frêle, minijupe en jean et petit sac-trousse Vuitton, elle a des nerfs d'acier. Et il en faut, dans son job qui n'est pas banal : elle est joueuse de poker professionnelle. Ses adversaires l'ont joliment surnommée 'Mercier sans merci'. Au casino de Deauville, on ne voit qu'elle sur des posters géants. Pas seulement parce qu'elle est jolie : la demoiselle est devenue championne du monde ladies aux États-Unis, en septembre.
Pas de petit ami, ni de vie de famille en dehors de quelques retours dans son Canada natal. Non, le poker occupe tout. Son temps et son espace. « Il n'y a pas un jour sans que je joue. Et si je n'ai pas d'adversaires, je joue sur le Net, avoue-t-elle dans son délicieux accent québécois. Je n'ai pas de domicile. Je vis dans mes valises (sic), dans les hôtels, toujours entre deux avions, pour participer à des tournois du world poker tour. Juste avant Vienne, je serai à Los Angeles. » Le 18 avril, elle participera à la finale à Las Vegas : 25 000 $ d'engagement mais 2 millions de dollars de gains à la clé. Heureusement, grâce à son titre de championne et ses performances, un site de poker on line (poker stars.com), en a fait son ambassadrice et la sponsorise. Pendant les tournois, elle mène une vie d'ascète. « Je ne sors pas, ne bois pas, mange léger. Deux heures avant la première partie, je me prépare tranquillement : un bon bain, je me maquille, tenue décontractée jean-basket et je suis prête... » Il faut ce confort et une bonne condition physique pour tenir jusqu'à douze heures de jeu d'affilée.
Sa passion pour le poker lui est venue très tôt. « Je n'avais pas 4 ans. Lorsque mes parents voulaient me demander quelque chose, ils n'avaient qu'à me promettre une partie. » Pour autant, Isabelle, élève et étudiante douée, suit son cursus universitaire jusqu'au diplôme d'avocat. « J'ai choisi le droit mais j'aurais aussi bien pu faire histoire... » Le jeu la rattrape complètement il y a cinq ans. Elle vient à Paris pour organiser les tables de jeu et les tournois de l'Aviation club : le temple du jeu, sur les Champs-Élysées. Depuis un an, elle a choisi de jouer pour son propre compte, enchaînant les gros tournois et « sept finales en neuf mois ».
Mais qu'est-ce que le poker a d'aussi extraordinaire ? « C'est un jeu qui fait appel à l'intelligence, à la rapidité d'analyse, à la mémoire et à la psychologie. Tout le monde a sa chance. Vous n'aurez jamais deux coups identiques. Vous avez beau les répéter, vous entraîner... rien n'y fait. » Face à des joueurs rompus à tous les tournois, la petite Isabelle ne se démonte pas. Elle est même très douée dans le bluff. « Tout compte. Un joueur débutant dans un tournoi de mille joueurs sera intimidé. Il faut avoir confiance en soi. La peur peut vous paralyser. Les plus roublards vous font croire qu'ils ont une bonne main alors qu'ils n'ont rien »... Isabelle est du genre à prendre l'initiative. « J'aime l'attaque. Lorsque je suis trop conservatrice, je perds. Il faut prendre beaucoup de risques pour gagner beaucoup ».
À Deauville, depuis mardi, l'ambiance de cet European poker tournoi confirme les impressions d'Isabelle : les joueurs (qui ont payé l'inscription 2 000 €) sont plutôt débonnaires, sans costume cravate. Malgré l'enjeu (le vainqueur remportera 25 % de la somme totale des inscriptions, soit 125 000 €), leur look tient plutôt de celui du touriste sous la tour Eiffel, portant casquette et sweat extra large floqué. Certains ont un walkman sur les oreilles. Des lunettes noires cachent leur regard. « Le but est de rester le plus 'illisible' possible », confirme Isabelle.
Ils sont venus des États-Unis, de Norvège, d'Angleterre, de Hongrie, d'Italie... mais tous se saluent amicalement et évoquent leurs derniers exploits en se donnant rendez-vous à Vegas ou Monte-Carlo. Le poker est une grande famille sans frontières.
(source : ouest-france.fr/Xavier)