A quel jeu joue l’Autorité Nationale des Jeux ?
A quel jeu joue l’Autorité Nationale des Jeux ? : Néo prohibition ou poudre de perlimpinpin* ?(I) (Première Partie)
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN jr. Sociologue (Université Lumière Lyon II, Centre Max Weber)
(décembre 2021)
* La poudre de perlimpinpin remède prétendument miraculeux mais totalement inefficace. L'expression fait référence aux diverses poudres vendues jadis par des bonimenteurs et des charlatans qui les présentaient comme dotées de vertus merveilleuses et guérissant toute sorte de maux, alors qu'elles n'avaient aucun effet bénéfique
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Résumé =
Après avoir rappelé dans le présent article (I-première partie) que les jeux de hasard et d’argent (JHA) sur différents registres ne sont pas en odeur de sainteté; que le grand procès fait aux jeux d’argent se situe désormais sur le registre thérapeutique (notamment depuis que le jeu a été introduit dans le DSM (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) en 1980 par l’APA (American Psychiatric Association ) - le manuel qui rend fou d’après un article du Monde(*) - et à cause de l’activisme intéressé d’une doxa multiforme en conflits d’intérêts (addictologues, psychiatres, psychologues, associations…) qui a construit une usine à gaz pour transformer le gambling et le egambling en problème de santé publique - afin d’exploiter de multiples manières le business du jeu compulsif - « construction sociale » que nous dénonçons depuis des années (**) - et nous ne sommes pas les seuls désormais (***) - car les concepts d’addiction ludique, d’addiction sans substance, de jeu « excessif » qualifié de « pathologique » par cette doxa font débat scientifique) nous nous interrogerons (II - 2° partie à paraître) pour savoir quelle politique mène l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ), quelles représentations elle donne de ces pratiques ludiques exercées par des millions de Français, quelle image elle renvoie de ces passions ordinaires & populaires, à travers les multiples « sondages » qu’elle commande à grand frais à Harris Interactive, des textes qu’elle publie, des « conventions » qu’elle signe (par exemple avec l’Observatoire des Drogues, l’UNAF (Union nationale des associations familiales)) avec ses « décisions », interventions, son site internet…. Cette autorité administrative indépendante ? (AAI) dirigée par un grand serviteur de l’Etat Isabelle FAULQUE-PIERROTIN (ex Présidente de la CNIL : Commission nationale de l'informatique et des libertés) poursuit-elle cette tradition d’ostracisation des JHA, en indiquant aux Français « tu ne joueras point » ? Pratique-t-elle au contraire un prosélytisme ludique invitant nos concitoyens à miser ? Se situe-t-elle sur le chemin de crête de la neutralité en arbitre indépendant correspondant à son statut d’AAI ? Où y a-t-il un loup ?
Au vu des décisions (actions, conventions, multiples sondages, textes… sur l’addiction, le jeu excessif, addictif, compulsif, impulsif… le jeu des mineurs, les interdits de jeu, mesures liberticides à venir sur les publicités précédé- dans un délire liberticide d’une proposition d’Agnès Thill, la députée UDI de l’Oise de carrément prohiber la publicité pour ces sites) entreprises par l’autorité de la Rue Leblanc (siège parisien de l’ANJ dans le XV°) et fortement affichées ; mais dans le même temps au regard des nombreuses autorisations de nouveaux jeux octroyées par le Collège de l’ANJ de manière plus discrète à la Française Des Jeux - dirigée par un autre grand serviteur de l’Etat Stéphane PALLEZ - qui a conservé son monopole pendant 25 ans malgré la privatisation en versant un chèque de 380 millions à BERCY, mais se trouve actuellement dans le collimateur de la Commission européenne qui a ouvert une enquête approfondie comme nous l’avions prévu dans de nombreux articles - nous sommes en droit de nous interroger : A quel(S) jeu(X) jouent l’ANJ ? : Néo prohibition, mesures liberticides, lutte contre l’addiction ou poudre de perlimpinpin ? (à suivre)
- (*) « Psychiatrie : DSM-5, le manuel qui rend fou = La cinquième mouture de la "bible" des psychiatres divise les spécialistes : outil d'évaluation précieux ou instrument de fabrication des maladies mentales ? (lemonde.fr, Sandrine Cabut, 13 mai 2013)
- (*) « Il y a danger scientifique à aborder les jeux de hasard à travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptés comme entité morbide individualisée, ces jeux sont analysés comme des formes plus ou moins aigües de jeu pathologique » (confer notre article : Jean-Pierre MARTIGNONI-HUTIN, "Une sociologie du gambling contemporain", paragraphe : jeu pathologique ou jeu dionysien ? Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques n°139, 2011/4, p.51-64. http://www.revue-pouvoirs.fr/Une-sociologie-du-gambling.html
- (*) (Confer : Revue « sciences du jeu » = « Addiction au jeu : réalité médicale ou pathologisation des pratiques ludiques ? Gambling and gaming addiction: medical reality or pathologization of playing practices? (Sous la direction de Aymeric Brody et Joël Billieux) ; Dossier de la revue numérique sciences du jeu n°13, 2020, https://doi.org/10.4000/sdj.2422) Ce dossier contient également un hommage au célèbre philosophe spécialiste du jeu Jacques HENRIOT : Gilles Brougère et Bernard Perron = In memoriam Jacques Henriot (1923 - 2020)
Dans cette deuxième partie (à paraître prochainement) nous regarderons notamment =
- les nombreuses publications de l’ANJ dont une grande partie concerne le jeu qualifié (par les addictologues) de : pathologique, d’excessif, de compulsif, d’impulsif, d’addictif… L’autorité qui a remplacé l’ARJEL semble être prise notamment d’une boulimie de sondages sur cette question. Ce qui pose problème , les sondages servant autant à faire l’opinion qu’à la mesurer, comme l’ont montré magistralement les sociologues Pierre BOURDIEU et Patrick Champagne ( confer annexe 1).
- La consultation « Publicité et jeux d’argent » lancée par l’ANJ, qui semble lourde de mesures liberticides à venir notamment sur la promotion des paris sportifs en ligne
- La convention que l’ANJ a signé avec un organisme spécialiste des jeux de hasard (sic) l’Observatoire des toxicomanies ! L’Autorité qui a remplacé l’ARJEL voudrait assimiler les jeux à une drogue qu’elle ne s’y prendrait pas autrement
- Une autre convention signée avec l’UNAF ou l’on constate que cette association familiale et l’ANJ - en instrumentalisant un sondage sur la socialisation ludique familiale largement surdéterminé en amont et orienté dans la mise en scène des résultats finaux - ne sont pas loin d’agir comme une véritable police des familles.
- Le site internet de l’ANJ ou figure en permanence une mention alarmiste en gros caractères sur 1/3 de la page : « j’ai besoin d’aide » Plus globalement le moins que l’on puisse dire c’est que cette vitrine numérique de l’ANJ ne donne pas envie de jouer et inviterait même surtout à ne jamais jouer
- Le fil info tweeter de l’ANJ ou toutes les occasions semblent bonnes - y compris la journée mondiale de la statistique et la journée internationale des droits de l'enfant - pour inscrire des messages néo-prohibitionnistes, sanitaires sur les jeux. Même le fait pour les parents de simplement « évoquer » devant leurs enfants « ce qu’ils feraient s’ils décrochaient le pactole du Loto ou d’Euromilions « devient comme suspect aux yeux de l’ANJ !
- Le « cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs » signé – ça ne s’invente pas mais cela fait sens – par le directeur général de la santé Jérôme SALOMON
Mais dans le même temps nous observerons que l’ANJ donne son aval à chacun de ses collèges à un grand nombre de nouveaux jeux pour la FDJ, ou en autorise à l’essai d’autres, décrits pourtant comme particulièrement pathogènes. Nous prendrons l’exemple de « Conquête de l’Or Vert », un jeu de grattage de la FDJ à 0,5 euros, commercialisé le 14 septembre. L’ANJ dresse dans sa décision un portrait apocalyptique de la dangerosité de ce jeu très addictogène ( en utilisant un sabir technocratique totalement ubuesque) mais l’autorise (la aussi avec une sémantique surréaliste totalement subjective) « à titre expérimental » mais curieusement sur une durée très longue de 12 mois ! Ce qui pourrait parfaitement contenter la FDJ pour ce type de jeux à durée de vie éphémère. Ces « produits » ludiques lancés très régulièrement par la FDJ constitue de véritables coups marketing basés sur la nouveauté et l’achat impulsif, stratégie marketing qui s’oppose à la notion de jeu éthique & responsable et de développement durable défendue par ailleurs par la FDJ et l’ANJ.
Au moment où nous publions la présente contribution cette ambivalence se poursuit. L’ANJ met à la une en gros titre le jeu des mineurs (anj, actualité 25.11.2021) en relayant une édition spéciale du journal Mon quotidien, un journal des éditions play.bac pour les 10-13 ans - « Mon quotidien » découvertes : les jeux d’argent ne sont pas des jeux d’enfants » - alors que figure déjà en permanence sur son site la formule - le jeu d’argent n’est pas un jeu d’enfants (annexe 2 et 3) - suivie d’une série de conseils infantilisant et alarmistes aux parents sur la socialisation ludique familiale mais dans le même temps l’Autorité dirigée par ce grand serviteur de l’État qu’est Isabelle FAULQUE PIERRONTIN autorise de très nombreux nouveaux jeux de la FDJ, sans même parler des multiples ré autorisations d’anciens jeux. ( cash,, jackpot, X 20, super IO ou 200, Loto, option 2° tirage, EuroMillions, My Million Etoile +, Joker + …. ) Ce sont pas moins de IO nouveaux jeux de la FDJ - opérateur de loteries dirigée par cet autre grand serviteur de l’État Stéphane PALLEZ - que l’ANJ a autorisé dans ces trois derniers collèges :
- Lucky pass illiko ; Magot Dingo ; Mick et match : 3 jeux de grattage en ligne (Collège du 16/9)
- Mine d’or ( en ligne) ; Le 3 en 1 (réseau physique) (Collège du 21/10)
- Les mystères du Mage ; Le trésor des cités perdues ; 24 jours en or match ( 3 jeux de grattage en ligne) ; Jeux magiques ; Baraka ( 2 jeux sur le réseau physique (Collège du 25/II)
S’il s’avérait que s’est institué objectivement ( pire qu’ a été organisée de manière occulte) une co-dépendance entre ces deux grand serviteurs de l’État qui dirigent l’ANJ et la FDJ - conséquente du conflit d’intérêts qui perdure entre l’État Croupier et la FDJ malgré la privatisation - Bercy et la rue Leblanc prennent le risque que cette collusion – ce petit secret entre amis proches de l’État - soit dénoncée par Bruxelles et dans les médias. Par exemple à l’occasion d’un numéro d’Envoyé Spécial sur France 2 consacré au jeu - avec Élise LUCET dont on connait la pugnacité comme journaliste d’investigation - qui sera diffusé début 2022 et pour lequel nous avons été interrogé ( 0)
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PREMIERE PARTIE (I)
Les jeux de hasard et d’argent ne sont pas en odeur de sainteté
Souvent les jeux d’argent et ceux qui s’y adonnent n’ont pas bonne presse. Cette stigmatisation d’une pratique ludique ancestrale inscrite dans la culture des hommes depuis la nuit des temps dure depuis des lustres. A la stigmatisation religieuse - sous le prétexte qu’on ne saurait déranger Dieu pour des motifs futiles - a suivi la condamnation morale. S’approprier l’argent d’autrui sans effort, soulignerait l’ immoralité des jeux de hasard qui - aux antipodes de la valeur « travail » - favoriseraient paresse, indolence, dilettantisme. Cette morale oublie que le joueur joue généralement avec son argent gagné par son travail. Par ailleurs de Fiodor Mikhaïlovitch DOSTOÏEVSKI (1821 -1881) à Philippe BOUVARD*, le jeu dionysien - qualifié de pathologique par les addictologues - favorise et accélère parfois le travail intense, la créativité intellectuelle, l’activité laborieuse.
*Philippe Bouvard homme de radio et de télévision bien connu publie actuellement son 68e livre : On s'en souviendra (L’Archipel 2021) Il vient d’accorder sur France info une interview à Élodie Suigo (« le monde d'Élodie », 30/11/2021) Dans cet entretien il précise - et cela fait sens pour un homme qui a beaucoup travaillé et a beaucoup joué dans les casinos et dans les cercles - « J'ai la sensation d'avoir fait ce que je voulais faire, et de l'avoir fait complètement. » Citons une anecdote personnelle qui fait sens, sur le célèbre animateur des Grosses têtes. Lors d’une vaste enquête de terrain sur les machines à sous ( qui a accouché d’un livre et de dizaines d’articles, confer annexe 3) nous l’avons croisé deux fois. Au casino de Deauville et à Cannes dans l’ascenseur de l’Hôtel Gray d'Albion. Souvent fréquenté par les joueurs cet établissement de luxe du groupe Barriere jouxte le casino Croisette. Certes notre étude dans toute la France a duré 2 ans et nous avons enquêté dans de très nombreux casinos, qui étaient tirés au hasard de manière aléatoire pour que l’enquête soit représentative. En outre nous ne restions qu’une petite semaine dans chaque établissement. La probabilité statistique de rencontrer Philippe Bouvard, était donc aussi rare que celle de trouver les bons numéros du Loto ! Et pourtant qu’elle ne faut pas notre surprise - mon co-enquêteur et moi - de voir à poltron minet ce « petit bonhomme » dans l’ascenseur du Gray d’Albion qui sortait pour aller au casino. Également à Deauville nous enquêtions jusqu’au bout de la nuit pour respecter certains indicateurs de temporalités et rendre l’étude représentative. Nous devions interroger et observer des joueurs de machines à sous dans la salle des grosses déno du casino, une salle un peu élitiste que seul les gros joueurs fréquentent. Malgré notre accrédition officiel un MCD nous a interdit l’accès à ce cénacle - petit bijou dans l’écrin du casino de Deauville – nous expliquant que le célèbre l’animateur avait réservé la salle pour lui tout seul. Cet anecdote souligne certes, que le hasard fait parfois bien les choses, mais surtout que ce grand joueur qu’était Philippe BOUVARD passait une partie très importante de sa vie dans les établissements de jeu.
Pour cette raison et pour de nombreux autres il faut lire l’ouvrage biographique que Bouvard a consacré à sa carrière de joueurs : « Joueurs mes frères « ( Robert Laffont, 1999, 269 pages) Un livre remarquable et très drôle pour qui veut comprendre ce que jouer veut dire ou Philippe Pierre Louis Bouvard précise dans la préface ( page 7- : « les joueurs sont les derniers aventuriers d’une société d’assistés »
Passons rapidement sur l’admonestation idéologique - le jeu comme opium du peuple (1) - qui a encore parfois le vent en poupe chez certains économistes et même chez certains collègues sociologues (2). Les millions de joueurs seraient de parfaits idiots cotisant à un « impôt sur les imbéciles » (3) ou d’avides spéculateurs cherchant à faire fructifier leur argent, comme le font les traders sur Euronext(4). Les catégories sociales populaires et les lower middle class (5) - issues ou non de l’immigration - qui aiment les casinos, les loteries, les jeux de grattage, le PMU ou Amigo …. ; les upper middle class (6) qui ne sont pas insensibles parfois au charme des jeux « traditionnels » (roulette, black jack, punto banco, baccara, chemin de fer, craps…) ; les personnes âgées qui adorent jouer aux machines à sous, aux loteries instantanées et s’abonner rituellement au Loto, au Kéno, à Euromillions… ; les jeunes adultes qui plébiscitent les vidéos poker, les paris sportifs sur internet, le poker en ligne - sans négliger pour autant la sortie du samedi soir dans un casino pour jouer, manger, boire, danser… et plus si affinités - sont particulièrement stigmatisés et montrés du doigt. Aliénées par ce miroir aux alouettes dont elles sont friands, les populations joueuses contemporaines se duperaient en croyant qu’elles peuvent améliorer l’ordinaire - et même sortir de leur condition sociale en décrochant le pactole - alors qu’elle ont toutes les chances statistiques de perdre ou d’accroitre leur pauvreté relative.
Sur France Culture récemment, un économiste a repris cette vieille antienne néo marxiste où le joueur se fait - je cite - « extorquer son argent dans un impôt ludique injuste ». « Un impôt régressif : moins on gagne plus on paie d’impôt », c’est la thèse défendue par Quentin DUROY dans l’émission Entendez-vous l’éco (France Culture. Thiphaine de Rocquigny 17/3/2021 Qui veut gagner des millions ? Épisode 2 : Le rêve du ticket gagnant) L’économiste avait déjà signé en 2017 un article de la même veine, au titre provocateur mais surtout fallacieux : « Le monopole de l’État français sur les jeux d’argent : de l’art d’extorquer des fonds aux plus démunis » (7) Rappelons à notre collègue la définition du verbe « extorquer » : « obtenir quelque chose sans le libre consentement du détenteur ». L’économiste (engagé ?) oublie en effet (volontairement ?) un détail : l’impôt ludique ne concerne que les joueurs contribuables volontaires. En ce sens il est démocratique. En outre les jeux d’argent redistribuent et l’aléa - autre principe démocratique qui fait fi des origines sociales et de la richesse du joueur - décide de cette redistribution. Au final contrairement à ce qu’affirme Quentin DUROY, un impôt positif pour les joueurs, l’État, la collectivité…. mais aussi indirectement pour les contribuables non joueurs, le sport, le patrimoine, les communes casinos…. Les jeux de hasard ne constituent donc en rien un impôt réactionnaire sur les imbéciles ou sur les pauvres et une politique des jeux ambitieuse ne s’oppose pas à une politique sociale, même si bien entendu elle ne doit pas se substituer à elle.
Morale mathématique
Impossible de dénombrer les articles, ouvrages, que sais-je ?... de mathématiciens probabilistes qui - enfonçant des portes ouvertes - énoncent que la roulette n’a pas de mémoire, que les joueurs ignorants ne devraient pas jouer. Approche moraliste réductrice, nos travaux ayant montrés que l’espérance ludique rejoint l’espérance mathématique. Le joueur a un sens pratique - issu de son expérience, de ses calculs, de ses intuitions pré perceptives… - qui autorise le jeu et aide à la décision. Les calculs rationnels des probabilistes invitent le joueur à ne pas jouer, morale mathématique dont il n’a cure vu que majeur et vacciné il a décidé volontairement et en connaissance de cause d’entrer dans le jeu (in ludo). En outre il constate quotidiennement que 100% des gagnants ont tenté leur chance - slogan tautologique de la FDJ qui a fait mouche chez les joueurs à cause de sa véracité - et il observe que l’opérateur de loterie « fait un nouveau millionnaire tous les deux jours » (Loto : La Française des Jeux recherche désespérément deux gagnants du gros lot « 6/06/2019, claire Raynaud , ladepeche.fr)
Le mensuel Sciences et Vie se singularise régulièrement par ce genre d’articles « scientistes » très rationnels sur les jeux, écrits par des mathématiciens probabilistes qui se moquent des croyances des joueurs - qualifiées de superstitieuses - et de la culture ludique spécifique aux JHA : « Loto calculez vos chances : et si le loto n’est n’était pas tout à fait un jeu de hasard » ( Sciences & vie n°798, mars 1984, pages 28-32)« Rien ne va plus « ( Sciences & vie n°860, mai 1989)
Mais quand la communauté joueuse « terrasse » le Tapis Vert - un jeu de contrepartie de la FDJ à tirage quotidien qui consistait à choisir 4 cartes parmi 32 (8) - en jouant et en rejouant les combinaisons emblématiques (surtout les carrés et notamment le carré d’as une combinaison reine au poker) même si elles sont déjà sorties - déjouant par son intuition spéculative les calculs prévisionnels des mathématiciens - ce magazine est un peu gêné aux entournures = « Tapis Vert : 5000 millionnaires de trop ! Le hasard envoie le Tapis Vert au tapis ! : Lancé le 15 octobre 1987, le Tapis Vert petit frère du Loto poursuivait tranquillement son chemin quand le 29 mars dernier la malchance l’a foudroyé. Depuis ce jour les organisateurs sont dans les petits souliers et les joueurs tout émoustillés » (Sven ORTOLI , Sciences & Vie n° 848, mai 1988, pages 1, 12 à 17 et pages 157, 162,163)
Macao : l’enfer du jeu
Passons rapidement sur le triptyque jeu/mafia/escroquerie, dont les gazettes soulignent souvent la liaison d’un air entendu, alors que ces faits divers apparaissent épiphénomèniques dans une économie des jeux d’argent devenue une industrie du loisir et du divertissement strictement contrôlée par la Police des jeux, la Commission Nationale des Sanctions à Bercy, le Fisc, Tracfin... Mais quand le Canard Enchainé raconte « Les 100 plus belles histoires d’escrocs » (9) il arrive à dénicher un joueur - Gérard Lhéritier - le plus gros gagnant » d’Euro millions en France (10), qui a remporté 170 millions le 13 novembre 2012. Sauf que cet aigrefin - qui a eu maille avec la justice avec sa société Aristophil pour avoir revendu des manuscrits surévalués par des amis experts (11) - a gagné ce pactole tout à fait légalement selon la brigade financière. Ce gros joueur a eu un sacré coup de bol mais il faut préciser qu’il jouait depuis des années a de multiples jeux et que ce jour symbolique ou il gagné le pactole - un 13 - il avait joué gros jeu : 7022 euros !(12 )
De la même manière, quand le célèbre palmipède consacre en juillet 2020 un dossier au gambling et au egambling (13 ) il suffit de lire les titres de la quasi-totalité des articles pour comprendre ce que souhaite nous faire comprendre l’hebdomadaire du mercredi : l’enfer du jeu existe et fondamentalement le jeu est un enfer : « Les jeux quelle mafia ; Le bandit corse n’est pas manchot ; Les as de la triche ; Tripot à tabac ; La FDJ traque les arnaques de ses propres revendeurs ; Tricheurs en réseau ; Les paris sportifs sont un terrain de jeu attractif pour les escrocs ; Les malvoyants du tapis vert : le service central des courses & jeux est surnommé « la brigade des aveugles » ; La quadrature du cercle : jugés trop proche du milieu du banditisme, les cercles de jeu parisiens ont laissé place aux clubs ; Affaire LEROUX : la roulette fatale : de l’art de tuer pour s’emparer d’un casino »
DSM, doxa du jeu pathologie maladie : la médicalisation du jeu a colonisé le champ ludique.
Mais le grand procès fait aux jeux d’argent - depuis longtemps déjà avec une nette accélération ces dernières années notamment depuis que le jeu a été introduit dans le DSM III en 1980 - se situe sur le registre thérapeutique. Grace à l’activisme intéressé, aux réseaux d’influence d’une doxa multiforme ( addictologues, psychiatres, psychologues, médecins, associations…) soucieuse de trouver des relais de croissance en « construisant » une usine à gaz, le gambling est devenu un problème de santé publique. Nous n’avons de cesse depuis des années et nous ne sommes pas le seul (*) =
- de dénoncer le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l’APA (American Psychiatric Association ) – le manuel qui rend fou d’après un article du Monde (**) - qui souhaite médicaliser l’ensemble des émotions et passions humaines
- de déconstruire et de jalonner l’histoire de cette construction sociale que constitue le jeu pathologie maladie ;
• de dévoiler les agissements et les conflits d’intérêts concernant cette doxa inquisitrice qui cherche par tous les moyens à pathologiser les joueurs, les jeux d’argent …mais aussi les jeux vidéo.
- d’affirmer qu’il y a danger scientifique à aborder les jeux de hasard à travers la problématique de l’addiction, car une fois acceptés comme entité morbide individualisée, ces jeux sont analysés comme des formes plus ou moins aigües de jeu pathologique (confer : Jean-Pierre MARTIGNONI-HUTIN, "Une sociologie du gambling contemporain", paragraphe : jeu pathologique ou jeu dionysien ? Pouvoirs, revue française d’études constitutionnelles et politiques, n°139, 2011/4, p.51-64. http://www.revue-pouvoirs.fr/Une-sociologie-du-gambling.html)
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(*) (Confer : Revue « sciences du jeu » = « Addiction au jeu : réalité médicale ou pathologisation des pratiques ludiques ? ( Dossier de la revue numérique sciences du jeu n°13, 2020, https://doi.org/10.4000/sdj.2422) =
(**) « Psychiatrie : DSM-5, le manuel qui rend fou = La cinquième mouture de la "bible" des psychiatres divise les spécialistes : outil d'évaluation précieux ou instrument de fabrication des maladies mentales ? (lemonde.fr, Sandrine Cabut, 13 mai 2013)
Quelques autres références sur le sujet :
- S. KIRK & H. KUTCHINS « Aimez-vous le DSM ? : le triomphe de la psychiatrie américaine » ( 1998, institut Synthélabo, les empêcheurs de penser en rond,424 pages ( éd. Ori. 1992, New-York)
- Amnon Jacob SUISSA « Le jeu compulsif : vérités et mensonges «( Fidès, Québec 2005, 304 pages)
- JP MARTIGNONI : « Que peut apporter la sociologie dans le débat sur le jeu compulsif ? “ (Psychotropes : revue internationale des toxicomanies et des addictions : n°2 , vol 11, juillet 2005, p 55-86 )
- Christopher LANE « Comment la psychiatrie et l’industrie pharmaceutique ont médicalisé nos émotions « ( Flammarion , 2009, 379 pages, éd. Ori. Londres 2007)
- Jean-Pierre MARTIGNONI : : «Le jeu n’est pas une pathologie : un sociologue dénonce le lobby des addictologues » (Tribune de Lyon n°234,3/9 juin 2010, pages 1,16, 17)
- Maurice CORCOS, « L’homme selon le DSM : le nouvel ordre psychiatrique », ( Albin Michel, 2011, 227 pages
- Jean-Pierre MARTIGNONI : « TABAC…JEU…WHAT ELSE ? ET L’ADDICTION AUX FRAISES TAGADA MESSIEURS LES ADDICTOLOGUES ?: : après les paquets neutres, pourquoi pas les jeux de grattage neutres, les bonbons neutres… ? Allez au bout de votre logique messieurs les addictologues ! » (12 pages, 41 notes, 3 annexes, novembre 2016) publié sur = lescasinos.org du 16/11/2016)
- Jean-Pierre MARTIGNONI : » L’addiction au jeu : une drôle de maladie qui a du mal à trouver ses malades « (mars 2019, 4 pages, 6 notes, 1 annexe) «( lescasinos.org 29 mars 2019 )
- Jean-Pierre MARTIGNONI : « Le jeu pathologie maladie : un « construit social » : Colloque à Bruxelles* sur le gambling avec le Professeur Amnon Jacob Suissa» « (octobre 2019, 9 pages, 28 notes) ( publié sur : casino-legal-France.fr du 3 octobre 2019) ; ( * :« L’addiction aux jeux d’argent : un phénomène social ? « (26 septembre 2019 Université Saint-Louis de Bruxelles)
- Jean-Pierre MARTIGNONI : «Recherche joueurs addicts…. désespérément » (9 pages, 30 notes, mars 2020) ( lescasinos.org 22/3/2020)
- Jean-Pierre MARTIGNONI : Approche de « santé publique » des jeux d’argent : présentation d’un livre collectif sur le jeu problématique et critiques de la doxa du jeu pathologie maladie : Harm Reduction for Gambling : Public health approach to gambling« (Centre du jeu excessif (CHUV/Lausanne) National Problem Gambling Clinic de Londres 2019, 176 pages) (Réduction des méfaits du jeu : approche de santé publique du jeu ») ( 17 pages, 28 notes, janvier 2020), ( lescasinos.org 10 /1/2020 ;
- Jean-Pierre MARTIGNONI : Addiction au jeu : réalité médicale ou pathologisation ? : ( 25 pages, 2 annexes, janvier 2021) ( casino legal France 21/I/2021)
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Le joueur : un idiot pour certains intellectuels, un malade pour certains addictologues
Dès les années 90 le magazine Sciences et vie titrait en couverture de manière racoleuse : « les joueurs sont des drogués », affirmant que les « accros du jeu se shootent à la noradrénaline » (14) L’article - signé par un Docteur pour soumettre le lecteur à l’autorité médicale - montrait même dans un dessin – il faut se pincer pour y croire - « la molécule responsable du vice du jeu » (15) Désormais, impossible de dénombrer les publications, appels d’offre, colloques, sites internet…qui analysent les jeux de hasard à l’aune de l’addiction et tentent au forceps de pathologiser les passions ludiques de nos concitoyens.
Cette doxa - composée également d’associations ou d’anciens joueurs qui essaient de « se refaire » dans le business du jeu compulsif - s’en est pris à tous les jeux d’argent affirmant à chaque fois : « ce jeu est particulièrement addictif » Systématisme prouvant que la méthode utilisée relève du procès d’intention. Après avoir voué aux gémonies les jeux traditionnels de casino, cette doxa - avec la complicité de quelques intellectuels - s’en est pris successivement : aux machines à sous, au poker, aux jeux de grattage (confer notre article : « HARO SUR LES JEUX DE GRATTAGE : Alors que sortira le 3 septembre Mission Patrimoine, un jeu de grattage voulu par le Président de la République pour restaurer les monuments historiques, la doxa du jeu pathologie maladie se déchaine dans la presse* contre ces loteries instantanées qui pèsent 50 % des ventes de la Française des jeux » (13 pages, 2018, publié sur lescasinos.org 29/8/2018 ; (*)«accros au grattage : à la FDJ, de l’huile sur le jeu » (Charlotte Belaich, Libération 25 juillet 2018 ; 14,15)
Préalablement cette doxa avait vilipendé le Rapido, qualifié « d’assommoir contemporain » par feu Bernard Stiegler. Dans une rubrique très méprisante pour les joueurs intitulée - « le temps des attrape nigauds » - le philosophe accusait ce jeu de « crétiniser les masses » et la FDJ de commercialiser d’autres « pratiques toxiques : Vegas, Morpion, Millionnaire….. » (Bernard Stiegler : « Rapido , l’assommoir contemporain » Le Monde Diplomatique aout 2000 p.28) Aidée par cette violence ethnocentrée et cette haine de la culture populaire à l’endroit des jeux d’argent une association parisienne - qui a agité pendant des années le drapeau rouge de l’addiction pour toucher des subventions - a eu la peau du Rapido avec la complicité de quelques parlementaires. Crée en 1998, ce jeu - le plus rentable de la FDJ jusqu’en 2009 - a été supprimé en juin 2013 …remplacé par Amigo.
Nouvelles mesures liberticides à venir
Désormais et nous l’avions annoncé depuis de nombreux mois, les sites de paris sportifs en ligne sont dans leur collimateur de cette doxa et d’une députée qui - dans un délire liberticide - a proposé de carrément prohiber la publicité pour ces sites ( confer l’article de Manuel ALAVER = « Bientôt la fin de la publicité pour les jeux d’argent en ligne ? Agnès Thill, la députée UDI de l’Oise, vient de déposer une proposition de loi visant à interdire la publicité pour les sites de paris sportifs. ( 23/7/2021, capital.fr) Comme par hasard dans le même temps l’ANJ lance une opération sur les dangers des paris sportifs et une « consultation » sur les publicités pour les jeux ou les dés semblent largement pipés par avance.
Même le Canard Enchainé - d’habitude si vigilant pour dénoncer les conflits d’intérêts - s’est laissé pigeonner par cette doxa du jeu pathologie maladie dans son dernier dossier (voir note 13) consacré au gambling. Sans regard critique, il s’est mis à genoux sur 8 pages devant l’évangile des addictologues sous le titre « Dépendance quel fléau » : avec de multiples articles qui font sens = « L’addiction s’il vous plait : les accros du jeu enrichissent tous ceux qui les font jouer mais font rarement fortune ; En mode mineurs : les jeux d’argent sont interdits aux moins de I8 ans… sur le papier ; Les manettes de la manip : les jeux vidéos sont-ils conçus pour rendre leurs utilisateurs addicts ; Deux Rapido et l’addiction : avant les jeux en ligne, le Rapido a rendu plus d’un joueur accro ; Poker addict ; Hosto de la réussite : des addicts de l’écran soignés par l’écran
A quel( s) jeu ( x) joue l’ANJ ? : joue-t-elle un double jeu ?
Soucieux de se donner bonne conscience aux yeux de l’opinion, hypocrites… Pouvoirs publics, État Croupier, Parlementaires…. - incapable d’imaginer, de défendre et d’assumer une politique des jeux nationale ambitieuse - déroulent également depuis quelques années le tapis rouge à cette doxa, sans trop se soucier du fait qu’elle est en conflits d’intérêts et en ignorant que les concepts d’addiction ludique et d’addiction sans substance font débats.
Il était donc logique de regarder du côté de l’ANJ, pour voir si l’Autorité dirigée par Isabelle FAULQUE PIERROTIN n’a pas été contaminée par cette médicalisation du jeu, propagande intellectuelle à prétention scientifique qui a colonisé une bonne partie du champ ludique ou - le cas échéant - pour voir si l’affaire est plus complexe et s’il n’y a pas un loup…… ce qui nous obligerait à mettre notre titre au pluriel : à quel(s)jeu (x) jouent l’Autorité Nationale des Jeux ? Alors néo prohibition, mesures liberticides accrue pour soi-disant lutter contre l’addiction , collusion, logiques de doxa qui s’affrontent ou poudre de perlimpinpin ? àA suivre dans la deuxième partie de cet article à paraître prochainement.
( JP MARTIGNONI, Lyon, France , DECEMBRE 2021)
Notes =
(0) : JP Martignoni : 15/12/2021 : entretien téléphonique avec Thomas Delaunay, journaliste pour France 2, Envoyé spécial, Élise Lucet enquête sur les jeux d’argent et notamment sur les paris sportifs en ligne. (Envoyé spécial diffusion janvier 2022)
- Nous avons construit ce néologisme en détournant la célèbre maxime marxiste « la religion est l'opium du peuple » = “La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit de conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple. »( la-philosophie.com, novembre 2021) Cette maxime qui compare la religion à une drogue dure est sans doute l’un des dictons philosophiques les plus connus de Marx avec le célèbre Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » qui conclue le Manifeste du parti communiste écrit en 1847 par Karl Marx et Friedrich Engels. Nous avons utilisé cette sentence pour la première fois en 1997 dans notre article : Les jeux de hasard : Faire de l'argent et faire avec l’existence (Agora débats jeunesses, 1997, numéro thématique « Se faire de l’argent » ; n° IO, pp 49-60
- « La fabrique de l’addiction aux jeux d’argent » ( Thomas Amadieu, juin 2021 le bord de l’eau collection pour mieux comprendre , 240 pages) Notre collègue « sociologue » semble reprendre la vieille antienne néo-marxiste du jeu comme opium du peuple mâtinée à l’aune du credo du jeu pathologie maladie. Il parle de « fléau social du jeu excessif ». Bref non seulement le joueur est un malade mais en plus c’est un imbécile un peu idiot (« cette habitude de masse a de quoi surprendre », précise AMADIEU en traitant des jeux d’argent) qui se fait honteusement exploiter par l’État Croupier et ces affreux capitalistes que sont les opérateurs de jeu pour tomber dans la misère. Plus grave, T. AMADIEU se situe sur le registre du devin, du voyant, du cartomancien quand il prévoit « une future épidémie d’addiction au jeu »
- « Un « impôt sur les imbéciles », une « friponnerie », un « jeu cruel », un « fléau inventé par le despotisme »… Les hommes des Lumières n'avaient pas de mots assez durs pour dénoncer la loterie royale, une institution que tous les États européens ont mis sur pied au XVIIIe siècle. Les souverains encourageaient donc la passion du jeu, l’oisiveté, et captaient sans vergogne l’épargne de leurs sujets?( « SOURCE : LES LOTERIES ROYALES DANS L’EUROPE DES LUMIERES : 1680-1815 », Marie Laure Legay : (histoire et civilisations, Presses Universitaires du Septentrion,2014, Publication sur Open Edition Books : 30 juin 2016, 172 pages )
- Euronext est la principale place boursière de la zone euro. Le groupe est issu de la fusion des Bourses de Paris , d’Amsterdam, de Bruxelles intervenue le 22 septembre 2000. ( Wikipédia : l’encyclopédie libre, novembre 2021)
- lower middle class : classe moyenne dont les membres perçoivent des revenus considérés comme relativement modestes.
- upper middle class : en sociologie classe moyenne supérieure ; catégorie sociale qui regroupe les individus de la classe moyenne dont les revenus sont les plus élevés. Sur les classes moyennes lire = Serge Bosc, Sociologie des classes moyennes (La Découverte, coll. « Repères », 2008, 122 p.) Julien Damon « Les classes moyennes (« Que sais-je ? » n° 3982, Puf, 2013)
- Quentin DUROY , Jon D. Wisman : « Le monopole de l’État français sur les jeux d’argent : de l’art d’extorquer des fonds aux plus démunis » ( Revue de la régulation : capitalisme, institutions, pouvoir , Maison des sciences de l’homme, Paris Nord , n°22 automne 2017, publié sur open édition)
- Tapis Vert était un jeu de répartition lancé en octobre 1987 par la SLNLN (société de la loterie nationale et du loto national, l’ancêtre de la FDJ ) qui consistait à choisir 4 cartes parmi 32. Le joueur pouvait gagner jusqu'à mille fois sa mise. Les tirages quotidiens étaient diffusés en direct, à 20 h 45 à la télévision. Le 29 mars 1988 un carré d'as sortit. De nombreux joueurs avaient misé sur cette combinaison et les gains distribués ont été très supérieurs aux mises. Suite à ça le règlement intérieur a été modifié pour plafonner des mises. Ce coup du hasard - et ceux qui ont suivi alors qu’ils ne devaient jamais se reproduire selon les mathématiciens probabilistes - a fragilisé la situation financière du jeu qui s'arrêtera en 1993.
- « Les IOO plus belle histoires d’escrocs »( Dossiers du Canard enchaîné n °160, juillet 2021, 124 pages)
- En fait ce pactole a été dépassé en décembre 2020 par un gain de 200 millions (« Gain de 200 millions à l'Euro Millions: le précédent record détenu en France par un Azuréen Gérard Lhéritier : 6-9-13-24-41 et les deux étoiles 12 et 3 : la combinaison gagnante jouée par un petit veinard - ou petite veinarde - qui a validé sa grille en France et qui vient de remporter le gain le plus important de l’histoire de la loterie européenne: 200 millions d’euros. Il ou elle a 120 jours pour se faire connaître à la Française des Jeux ».Stéphanie Gasiglia Nice Matin 12/12/2020 ) et une nouvelle fois en octobre 2021 (confer notre entretien avec Yves LEROY journaliste au Parisien : « 220 millions d’euros : le ticket gagnant validé en France » « Jackpot de l’euro millions : le veinard a validé son ticket en France » ( Le Parisien n ° 23990, I6/IO/2021 , pages 1 et IO)
- « Aristophil : un très mauvais livre de comptes :investir dans les livres anciens pour un rendement de 8% proposait Gérard Lhéritier…c’était un roman » (Dossiers du Canard enchaîné n °160, juillet 2021 pages 60,61)
- « Gros lot : le pactole sonne toujours deux fois : Gérard lhéritier a perdu les I70 millions d’euros qu’il a gagné au Loto » (« L’envers du jeu », Dossiers du Canard enchaîné n °156, juillet 2020, page 23)
- « L’envers du jeu » (Dossiers du Canard enchaîné n °156, juillet 2020, 124 pages)
- « Les « accros du jeu se shootent à la noradrénaline » Dr Jacqueline RENAUD, Science & vie n° 870, mars I99O, pages 70 à 76 et page 166
- « Les « accros du jeu se shootent à la noradrénaline » ibid pages 72,73 : deux dessins donnent à voir : « la molécule responsable du vice du jeu »
Annexe 1 = Rappelons fondamentalement - avec Pierre BOURDIEU - que l’opinion publique n’existant pas (*) notamment entendue comme l’addition des opinions individuelles, un sondage sert autant à « faire l’opinion » qu’à la mesurer (confer le livre de Patrick CHAMPAGNE : « Faire l’opinion » (**) Il est donc plus que probable que les nombreux sondages commandés par l’ANJ à Harris interactive n’échappent pas à la règle et participe d’une stratégie visant, dans un premier temps à préparer l’esprit public en instrumentalisant certains résultats de l’étude - notamment ceux qui correspondent aux finalités de la stratégie cogitée par les acteurs qui ont fait ne sorte que ce sondage existe - pour ensuite dans un deuxième temps imposer de nouvelles mesures liberticides. Par conséquent de notre point de vue les sondages commandés par l’ANJ ne sont pas neutres. Ils correspondent à une stratégie, à une orientation souhaitée en amont du sondage par l’autorité de la rue Leblanc et par certaines doxa largement installées dans les plus hautes instances (le collège) de l’ANJ ( doxa du jeu pathologie maladie, doxa associative en l’occurrence ici celle de l’UNAF) ou dans d’autres structures ( observatoire des jeux à Bercy, Ministère de la santé… ) ou plus certainement dans une volonté commune de ces acteurs du champ ludique qui trouvent des intérêts respectifs à commander et ensuite à instrumentaliser ce sondage.
- Pierre BOURDIEU : « L’opinion publique n’existe pas » (Exposé fait à Noroit (Arras) en janvier 1972 et paru dans Les Temps Modernes, 318, janvier 1973, pp. 1292-1309. Repris in Questions de sociologie, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984, pp. 222-235.)
- Patrick Champagne , « Faire l'opinion »( Paris, Minuit, coll. "Le sens commun", 1990 ( réédition 2015, Minuit, 336 pages)
Annexe 2 = /Jean-Pierre MARTIGNONI : UNAF, ANJ : Police des familles joueuses ? = Une intrusion sociologique de l’UNAF et de l’ANJ dans la socialisation ludique primaire qui pose problème( avril 2021, 45 pages, 51 notes, 12 annexes) ( publié sur : lescasinos.org 7/4/2021 casino legal France 8/4/2021)
Résumé = Va-t-on bientôt imposer une amende de 135 euros à un papa joueur achetant un ticket de grattage à son fils ? Priver d’autorité parentale une maman qui utiliserait la pochette cadeau de la FDJ pour offrir des jeux à sa fille pour son anniversaire ? Mettre en examen un turfiste qui emmènera son fils sur un hippodrome pour voir le spectacle des courses ? Interroger les couples qui s’envoient des clins d’œil ludiques le jour de la Sant Valentin ? Demander des comptes aux familles qui partent en vacances avec leurs enfants mineurs et fréquentent chaque été les casinos dans les 200 stations thermales, balnéaires et climatiques ou ils sont autorisés ? Envoyer une assistante sociale chez les parents qui évoquent devant leur progéniture ce qu’ils feraient s’ils gagnaient le pactole à un jeu d’argent ? On peut s’interroger à la lecture du sondage commandé par l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux) sur la socialisation ludique primaire et à celle des conseils que l’UNAF (Union nationale des associations familiales) se permet de donner aux parents en matière de jeux de hasard.
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> L’opération résulte de la relation que l’ANJ a noué avec l’UNAF à l’occasion d’un sondage et d’une convention que nous avons dénoncés de manière foucaldienne dans un article. (UNAF, ANJ : Police des familles joueuses ? = Une intrusion sociologique de l’Union nationale des associations familiales et de Autorité Nationale des Jeux dans la socialisation ludique primaire qui pose problème ( avril 2021, 45 pages, 51 notes, 12 annexes) ( publié sur : lescasinos.org 7/4/2021 casino legal France 8/4/2021) ( voir le résumé de l’article en annexe 2)
Cette convention donne l’impression que l’UNAF et l’ANJ veulent peu ou prou :
- « surveiller » les classes sociales joueuses (des classes dangereuses ?)
- dresser un cordon sanitaire autour des enfants des familles joueuses en multipliant les injonctions et les futures mesures liberticides
- séparer les enfants de la culture (ludique) de leurs parents, notamment quand ils sont de milieux populaires.
Certains s’interrogerons sur cette surveillance continue des individus (panoptique) dénoncée par Michel FOUCAULT dans son célèbre Surveiller et punir ( Gallimard, 1975). D’autres inquièterons de cette tentation liberticide, de ce principe de précaution généralisée venu d’en haut , ou quelques personnes très tranquillement à Paris se permettent de dire aux millions de Français comment ils doivent vivre sur de nombreux registres de la vie sociale, et désormais comment ils doivent jouer ( plan stratégique de l’ANJ dont nous reparlerons) et se comporter avec leur progéniture vis-à-vis des jeux de hasard , y compris dans leurs conversations ordinaires quand ils parlent de ce qu’ils feraient s’ils gagnaient le big win.