Plus de 200 casinos quadrillent le territoire français. longtemps restés un club d'élite, les tables de jeux et les machines à sous sont désormais à la portée de tous. Mais le monde des casinos alimente encore beaucoup de fantasmes. Quatre articles vous emmènent dans l'envers du décor.
"L'homme a commencé à jouer avant d'apprendre à travailler !" L'importance du jeu, Jean-Pierre Martignoni la connaît bien. 20 ans que ce sociologue s'est spécialisé en "gambling" contemporain : il étudie le jeu, les joueurs, leurs raisons de jouer. En France, nous sommes 25 millions de joueurs, dans les courses hippiques, dans les paris sportifs mais avant tout, dans les 202 casinos du territoire.
Le premier casino identifié comme tel dans l'Histoire ouvre à Venise, en 1626 ; c'est d'ailleurs le mot italien "casa" qui forgera le nom contemporain. En France, le développement du jeu est chaotique, révolution oblige, jusqu'à un décret de 1806 qui donne au Préfet de police le pouvoir de distribuer des agréments dans les stations balnéaires, dans les villes d'eau, et non loin de Paris. En 1988, la législation s'assouplit un poil : les grandes villes touristiques peuvent aussi désormais prétendre à un casino. C'est ce qui explique une répartition très inégale des établissements de jeux. Selon la fédération Casinos de France, 38 départements en sont complètement privés. Dans les Hauts-de-France, c'est le cas de l'Aisne et de l'Oise : le Pas-de-Calais, le Nord et la Somme se partagent les établissements autorisés.
Depuis ses premiers pas, le casino occupe une place à part dans notre mythologie : faste du décor, mouvements d'argent, possibilité du gain... Ces établissements ont gardé un parfum sulfureux, loin de la réalité bien plus entrepreneuriale qui fait aujourd'hui loi. Agrément de tous les personnels, jusqu'aux plus hautes fonctions, sécurisation vidéo, omniprésence de la police des jeux... De l'aveu du directeur de l'établissement de Lille, il y a "une véritable armée en salle des jeux", pendant que les jackpots filent d'une poche à une autre.
Du club d'élite au loisir pour tous
"Les casinos sont liés aux communes dans lesquelles ils sont installés par un contrat de délégation de service public, explique Nicolas Rocher, commissaire au Service central des courses et des jeux, qui dépend de la police judiciaire. Après un appel d'offre, le conseil municipal vote pour accueillir le groupe Barrière, ou Martin, ou Partouche... En contrepartie,, le casino a un tas d'obligations, comme par exemple ouvrir un restaurant 7/7 de qualité, financer le club de foot ou le feu d'artifice de la commune... Les gens pensent au casino comme une machine à faire du fric, et ça c'est comme toute entreprise, mais il a un impact sur l'économie locale - au-delà de l'emploi même - qui est très important, surtout dans les petites villes."
Avec cela, ces établissements anciennement réservés aux plus fortunés, et surtout aux hommes, ont progressivement ouverts leurs portes à tous et toutes. Retraités, employés, femmes aux foyers, jeunes... Tout le monde peut désormais entrer au casino. Même la tenue correcte exigée s'est assouplie. "C'est moins élitiste qu'avant : un homme ne pouvait pas rentrer dans un casino s'il n'avait pas de veste, quant à Las Vegas on pouvait déjà entrer en tong et short" se souvient Jean-Pierre Martignoni. Outil phare de cette démocratisation : les machines à sous, qui ont été autorisées en France à la fin des années 1980, alors que de plus en plus d'établissements de jeux périclitent. Ces équipements permettent d'appeler des joueurs qui se tenaient éloignés du formalisme intimidant des tables de jeux.
Ce n'est pas pour autant que tous attrapent le démon du jeu : seules 48 000 personnes sont interdites de jeu en France, sur 25 millions de joueurs (soit 0.19%). La prévention contre l'addiction au jeu s'est développée ces dernières années, une avancée qui éclipse un peu, pour Jean-Pierre Martignoni, les bienfaits de ces lieux de rencontre, notamment pour les personnes âgées. "Le jeu a des vertus pédagogiques, thérapeutiques, pour lutter contre le vieillissement du cerveau", rappelle le sociologue.
(source : france3-regions.francetvinfo.fr/Yacha Hajzler)