Après l’annonce d’un plan de sauvegarde de l’emploi par le groupe Barrière, qui menace 64 postes sur 600, les employés se mobilisent. Ils ont notamment lancé une cagnotte solidaire et interpellé le maire.
Ils ont accusé le coup et oscillent entre abattement et détermination. Les salariés du casino d'Enghien-les-Bains (Val-d'Oise), le premier de France, entendent contester leurs licenciements, après l'annonce fin janvier par le groupe Barrière de la suppression de 64 des 600 emplois dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Un projet qui vise particulièrement la restauration, l'hôtellerie, mais aussi les jeux de tables, ou encore les services annexes au casino (voituriers, vestiaires). Ce plan s'inscrit dans un programme d'économie global au sein du groupe.
Une « trahison » pour Marie (le prénom a été changé), employée du Grand Hôtel. « On travaillait déjà dans des conditions assez difficiles, souffle la mère de famille. On nous a demandé de patienter, en nous disant qu'il y avait des projets de reconstruction. Et là, on nous annonce des licenciements. C'est catastrophique. Alors que l'activité va bien reprendre un jour. A chaque fois qu'on a rouvert, les gens sont revenus. »
La professionnelle regrette « le manque d'informations ». « Nous sommes dans l'incertitude la plus totale, et c'est très difficile à vivre psychologiquement, soupire-t-elle. Et vu la situation actuelle du secteur de l'hôtellerie, on ne retrouvera pas du travail tout de suite… »
L'Hôtel du Lac devrait fermer
L'amertume est également de mise chez Paul (le prénom a été changé), qui travaille à l'Hôtel du Lac depuis plus de dix ans. Un établissement qui devrait fermer, entraînant du même coup le licenciement de ses 24 salariés.
« La moyenne d'âge ici est de 45 ans, soupire Paul. Et l'ancienneté moyenne est de dix ans. Il y a des gens qui ont une situation familiale, des enfants… Tout ça n'est pas pris en compte. C'est sûr, il y a des gens qui vont mal le vivre. En plus, ce ne sont que les petits salaires qui sont licenciés… Les syndicats ont proposé des départs volontaires, mais cela a été refusé. Certaines personnes sont à trois ans de la retraite. Elles auraient accepté de partir, mais il n'y a pas de discussion. » Comme beaucoup, il déplore « un manque de reconnaissance ».
« On réalise plus de 20 % du chiffre d'affaires du groupe, souffle-t-il. Pourtant, nous sommes le site le plus touché. » En 2019, le produit brut des jeux du casino d'Enghien s'élevait à plus de 160 millions d'euros. Pour l'année 2020, la direction annonce « des pertes colossales ».
La solidarité est de mise dans les rangs des salariés, y compris parmi ceux qui ne sont pas, a priori, concernés par le plan. « Les gens attendent le couperet pour savoir s'ils seront dans la liste, lâche une employée du casino présente depuis plus de vingt ans. Mais comment va-t-on faire après la réouverture ? Ils suppriment des services entiers. On évoque les vestiaires. Je n'ai jamais vu de casino sans vestiaire. On parle des gens en première ligne pendant la crise. Là, ce sont les premières lignes du casino. Des salariés qui ont du mal à joindre les deux bouts à la fin du mois. Nous sommes écœurés. »
Beaucoup craignent déjà « un deuxième plan social », qui « fera encore plus mal ». L'un des salariés est convaincu qu'« au final, on arrivera à une centaine de personnes, qui quitteront l'entreprise ».
Une cagnotte pour payer les frais d'avocat
Les organisations syndicales tentent de leur côté de remettre en cause le plan, en s'appuyant notamment sur les aides versées par l'Etat au groupe Barrière. Une cagnotte a par ailleurs été lancée sur Internet, pour payer notamment les frais d'avocat. Elle a déjà permis de récolter 3500 euros. « On va aller devant le tribunal pour contester ces licenciements », explique Mickaël Da Costa, délégué syndical CGT.
Beaucoup regrettent également le manque de soutien. Pour l'heure, seule la députée (LFI) de Seine-Saint-Denis, Clémentine Autain, également candidate aux élections régionales, a interpellé le ministre de l'economie et des Finances à ce sujet.
Une délégation a, de son côté, été reçue par le maire (DVD), Philippe Sueur, afin notamment de demander qu'une clause sociale soit désormais portée au contrat de délégation de service public (DSP) qui lie la ville et le groupe Barrière. « La situation est générale, tous les casinos sont en très grande difficulté, explique l'élu. Nous sommes vraiment à l'écoute mais ce qui est essentiel, c'est d'être en état de rouvrir quand les conditions sanitaires le permettront. Dans plan de sauvegarde de l'emploi, il y a le mot sauvegarde. Il n'y a jamais eu de dispositif social dans la DSP, et il n'y en aura pas. »
(source : leparisien.fr/Christophe Lefevre)