Faire sauter la banque ? Ce sera bientôt possible en Andorre : la principauté va avoir son casino dont l'ouverture est programmée en 2020. D'importantes retombées financières sont espérées.
Un casino en Andorre ? Depuis près d'un demi-siècle, c'était un serpent de mer en principauté pour ceux qui rêvaient de devenir le Monte-Carlo des Pyrénées. Et notamment parce que l'un des deux coprinces pouvait y trouver péché. Non pas le chef de l'État français, laïque, mais bien l'évêque d'Urgell : officiellement, l'Église condamne les jeux d'argent et de hasard.
De l'argent dans les caisses
Mais bon. Si autrefois l'autorité des deux coprinces était indivisible pour acter toute décision, depuis que l'Andorre a une Constitution et qu'elle a modernisé sa législation, une seule signature princière suffit désormais. «Et comme la france était d'accord pour le casino, cela a évité l'embarras de l'évêque lorsque l'appel à candidatures a été lancé», sourit un citoyen andorran qui sait bien, aussi, que dans un état à très faible fiscalité, le projet aidera à remplir les caisses d'une principauté comptant 70 000 résidents, dont la moitié d'Andorrans.
Enfin bref. L'idée ayant été validée, maintenant, ça y est : après un feuilleton à rebondissements de plusieurs mois, le Conseil de régulation andorran des jeux a finalement choisi mercredi l'heureux élu qui construira le premier casino d'Andorre. Et tous les grands groupes français ou asiatique ayant été écartés, ce sera… un casino à capitaux 100 % andorrans puisque la licence a été attribuée à Ventura Espot, ancien élu d'Ordino et entrepreneur à la tête de Jocs SA, en partenariat avec des investisseurs locaux.
«Ma première réaction ? C'est bien sûr la joie d'obtenir cette toute première licence de jeux en Andorre. C'est énorme puisque nous devançons dans la dernière ligne droite des groupes comme Partouche et Barrière. Mais c'est une victoire pour Andorre-la-Vieille car ce projet s'inscrit dans une logique de redynamisation économique en principauté», réagit au téléphone Ventura Espot.
De fait, la concurrence était relevée et les appétits grands. Les Casinos Barrière, le groupe Partouche (en partenariat avec le groupe andorran Cierco) mais aussi le conglomérat malaisien Genting Group ou le groupe Tranchant allié au groupe Cirsa (123 établissements), première entreprise de jeu en Espagne et en Amérique latine, étaient ainsi sur les rangs.
Décodage d'une telle présence française : «Une amicale insistance de Paris», disaient d'aucuns dans les couloirs du gouvernement andorran, lors de la visite du ministre du Budget Gérald Darmanin le 16 mars dernier, dont le sujet officiel était la lutte contre la contrebande de tabac et la fraude financière. Mais que cette insistance soit réelle ou supposée pour rééquilibrer une relation très pro-Madrid sous Mariano Rajoy, cela n'aura donc eu aucun effet.
Pour l'heure ? Le futur casino sera construit à Andorre-la-Vieille pour un investissement de 16 M€ avec un objectif de chiffre d'affaires de 12 M€ par an «et les études estiment qu'il pourra attirer annuellement jusqu'à 190 000 visiteurs supplémentaires chez nous», précise Ventura Espot qui prévoit la création de 200 emplois et «d'une école de croupiers».
Un casino dont Andorre-la-Vieille attend qu'il redynamise son centre et pas seulement grâce au poker. Car le complexe est aussi prévu pour accueillir une salle de spectacles afin de pallier un autre manque : celui du divertissement en principauté. «L'enjeu économique se place dans le prolongement de ce qui se fait déjà avec la présence estivale du Cirque du Soleil chez nous qui a fait augmenter de 30 % la fréquentation hôtelière. C'est cette dynamique que nous voulons poursuivre et développer», conclut Ventura Espot.
Le poker pour gagner en notoriété
Depuis le début des années 2000, l'Andorre travaille à la mutation de son modèle économique. La principauté sait que malgré le délai de 30 ans obtenu auprès de l'UE cette semaine, le tabac bon marché a désormais un avenir limité. De plus, paradoxe, si les fréquentations estivale et hivernale augmentent… nombre de commerces se plaignent d'une baisse d'activité, les touristes dépensant dans les loisirs et moins dans le shopping. Dans ce contexte, attirer de nouvelles clientèles ? L'objectif du futur casino qui va miser sur des tournois de poker internationaux pour faire gagner en notoriété et en visibilité l'Andorre sur la carte mondiale des gros joueurs… et peut-être essayer au passage d'attirer ceux qui jouent sur internet et ne rapportent donc rien à l'état.
(source : ladepeche.fr/Pierre Challier)