Le casino s'installera aux Galeries Anspach. On ne connaît toujours pas le nom du futur exploitant. Le gros lot pour la Ville et la Région.
DOSSIER
FRANÇOIS ROBERT, envoyé spécial à Loutraki (Grèce)
Loutraki. Dans la grande salle du casino, c'est l'effervescence électrique. D'un geste immuable, sorte de mouvement perpétuel, des centaines de joueurs, hommes et femmes, abaissent la manette des machines à sous (slots). A toute heure du jour et de la nuit. 24 heures sur 24, 365 jours par an. Caverne d'Ali Baba aux rêves si souvent déçus. Fièvre du jeu, aussi puissante que l'amour. Passé une porte de bois, un autre univers. Ici, la clientèle est triée sur le volet. Le monde des tables de jeu. Baccara, forfaits banco, tournois de belote... Bruissement feutré des pas qui s'enfoncent dans l'épaisse moquette. Claquement des cartes dans les mains adroites des croupiers. Cliquetis des billes qui sautent les haies métalliques des numéros de la roulette.
Loutraki, sur le golfe de Corinthe, à 70 km d'Athènes. L'un des plus grands casinos européens, avec plus de 600 machines à sous et 70 tables de jeux. Qui rapportent gros. Depuis son inauguration en 1995, il ne désemplit pas. Un casino de la nouvelle génération. Intégré à un hôtel luxueux (au bord de la mer, ses jardins sont semés de fleurs et de palmiers) et d'un hôtel où l'on a fait venir à grands frais les meilleurs cuisiniers d'Europe. S'y déroulent une multitude d'événements, de concerts de musique, de soirées dansantes...
Ce concept de casino intégré déployant faste et luxe, on le retrouve désormais partout en Europe. Un casino, c'est presque un « must touristique ». Il se répand sur tout le Vieux Continent, de Monte-Carlo à Baden... et bientôt à Bruxelles.
En 2007 en effet s'ouvrira aux Galeries Anspach le plus grand casino de Belgique. Bruxelles aura donc « son » Loutraki. Avec 300 machines à sous, le futur établissement se situera cependant dans la moyenne des casinos européens. N'empêche. Avec sa venue, une véritable mutation va s'opérer dans le centre-ville.
C'est la loi cadre du 7 mai 1999 qui a mis fin au vide juridique qui régnait en Belgique en matière de jeux. Elle a régularisé l'existence des casinos déjà exploités (ils sont huit) et en a prévu un nouveau à Bruxelles. La loi a aussi mis en place une Commission des jeux, un organisme de contrôle où l'on retrouve notamment l'Etat, qui veille à la déontologie, à l'éthique et protège les joueurs.
Fin 2002, une loi programme a autorisé les bandits manchots (machines à sous), particulièrement rentables, à raison de dix slots pour une table. Signalons au passage qu'aux Pays-Bas voisins, un client dépense en moyenne 125 euros par visite. Quant à la taxation des jeux, elle varie beaucoup d'un pays à l'autre. En Allemagne, elle atteint 85 % et la rentabilité y est très faible, ce qui exclut automatiquement du marché les groupes privés. La moyenne européenne varie de 35 à 45 %. Aux USA, cela ne surprendra personne, elle est très basse.
Revenons à Bruxelles. Dans les années 1990, la Région bruxelloise plaidait pour l'installation d'un casino à Bruxelles. Et puis, rien ne va plus : François-Xavier de Donnea, bourgmestre de Bruxelles puis ministre-président de la Région, a freiné des quatre fers le projet pour des raisons morales. Son départ, en 2003, a relancé le projet.
Plusieurs communes se sont montrées intéressées par l'implantation d'un casino. Uccle proposa l'hippodrome, Anderlecht les abords de la gare du Midi, Saint-Gilles poussa trois sites. C'est pourtant Bruxelles qui a raflé la mise en proposant les Galeries Anspach. L'appel d'offres lancé pour l'exploitation du site a été dépouillé : quatre candidats sont en lice (lire par ailleurs) pour décrocher la concession.
La bille ne s'y arrêtera cependant pas tout de suite. Le casino s'installera d'abord à la Madeleine (rue Duquesnoy), nettement plus petite, le temps de réaliser les travaux d'aménagement. L'ouverture du casino Madeleine est prévue en 2005. Celle des Galeries Anspach en 2007.
Quatre candidats et une concession
CANDIDAT nº 1
Nom. Accor Casinos.
Chiffre d'affaires. 389 millions d'euros en 2003.
Casinos exploités. Premier établissement de jeux français, il gère notamment 16 casinos en France, un à Malte, un à Dinant.
Partenaires. Accor Casinos est une filiale du groupe Accor. Il a pour partenaires Lucien Barrière et Colony Capital.
Accor est au départ un groupe hôtelier et de tourisme. Il s'est lancé sur le marché du casino en 1987 en s'associant à la famille Barrière. En janvier 2004, Barrière, Accor et Colony Capital ont créé une société commune, qui en fait un des leaders européens en matière de casinos (37 établissements au total et un chiffre d'affaires de plus de 600 millions d'euros). L'association entre un hôtelier, un fonds d'investissement américain et le spécialiste du jeu est dans l'air du temps. Sur le modèle américain, les établissements de jeux se complètent désormais par d'autres fonctions (surtout divertissement et hôtel).
Dès la fin de l'année passée, Accor Casinos n'a pas fait mystère de sa volonté de décrocher la concession bruxelloise, malgré une mise de fonds estimée à 50 millions d'euros (le coût des aménagements des Galeries Anspach). La stratégie du groupe est clairement de diversifier et de faire déborder ses activités de l'Hexagone (ouverture d'un casino à Fribourg, en Suisse).
CANDIDAT nº 2
Nom. Belcasino.
Chiffres d'affaires. 1,090 million d'euros en 2003.
Casinos exploités : Ostende et chaudfontaine.
Partenaires. Belcasino est un groupe partagé entre deux actionnaires : la famille Verdonck (40 %) et le groupe français Partouche (60 %).
Belcasino est le plus local des quatre candidats puisque son management est 100 % belge.
Sa configuration actuelle date de 1999 lors de l'entrée dans l'actionnariat de la famille Verdonck de l'Européenne de Casinos (rachetée depuis par Partouche).
Le casinotier Verdonck a une longue expérience. Il a acquis le casino d'Ostende en 1987, celui de Spa en 1991 et enfin celui de chaudfontaine en 1997. Il s'est depuis lors défait de l'établissement de Spa récemment, vendu à Circus. La famille Verdonck n'a rien à voir avec l'exploitant du casino de Namur (propriétaire : Khaida). Les établissements de Middelkerke et Blankenberge dépendent, eux, du groupe anglais Rank.
Quant à Partouche, c'est un poids lourd qui a du métier. Il était numéro un en France (chiffre d'affaires de 372 millions d'euros en 2002) jusqu'à la création du mégagroupe Accor-Barrière. Partouche gère 44 établissements en France. Il est gestionnaire à 100 % du casino de Knokke.
CANDIDAT nº 3
Nom. Eurocasino.
Partenaires. Eurocasino a un actionnariat varié : la Compagnie immobilière de Belgique (chiffres d'affaires : 109 millions d'euros), le groupe Roularta (450 millions), Kinepolis (207 millions), Holland Casino (672 millions), ABN Amro Capital Belgium et Fortis.
Eurocasino est une structure récente, créée en vue de l'éventuelle exploitation du casino de Bruxelles. Ses partenaires se complètent (immobilier, communication, divertissement, jeux et finances).
L'expérience dans le secteur du jeu est fournie par Holland Casino, une institution publique vieille de 25 ans qui, jusqu'à la libéralisation du marché, disposait aux Pays-Bas du monopole du jeu (12 établissements). Aujourd'hui, le casinotier sort (consultant au Canada, en Espagne, en Suède et en Suisse) de ses frontières.
Des négociations sont en cours en vue de l'entrée éventuelle de la Loterie Nationale dans l'actionnariat d'Eurocasino (elle n'aurait lieu que si la concession du casino de Bruxelles est attribuée au groupe). Holland Casino a fait récemment l'objet d'une question parlementaire de Hugo Coveliers (VLD) au Sénat : l'équivalent hollandais de la Commission des jeux a fait preuve de certaines réserves sur la multiplication d'éventuelles concessions à l'étranger.
CANDIDAT nº 4
Nom. Casinos Austria.
Chiffre d'affaires : 718 millions d'euros en 2002.
Casinos exploités : 70 établissements (dont 16 bateaux-casinos, dans les eaux internationales) dans 16 pays.
Partenaires : pour l'instant, Casinos Austria envisage un ancrage belge si la concession lui est attribuée.
Si Casinos Austria est peu connu en Belgique, ce n'est pas le cas ailleurs en Europe. Le groupe fait travailler 9.000 personnes et ses établissements ont été visités par 14 millions de personnes en 2002. Casinos Austria est présent sur les cinq continents (même en Australie).
Le groupe existe depuis 1934. Il gère (situation de monopole) les 12 casinos d'Autriche. Sa structure est cependant différente de celle de Holland Casino. Son capital s'est largement ouvert au privé. L'Etat détient un tiers des actions, les banques un autre tiers et des privés (dont des œuvres de charité) le reste. Le groupe s'est diversifié dans de nombreux domaines (loterie). Sa filiale internationale est particulièrement active, contribuant au lancement, à l'exploitation ou la consultance de 80 casinos.
Dans la compétition pour l'attribution de la concession bruxelloise, Casinos Austria s'est montré à ce jour d'une grande discrétion, qui contraste avec d'autres candidats.
(source : regions.be)