Comme la drogue, l'alcool ou le tabac, le jeu peut provoquer de graves addictions. Alors que l'offre se multiplie dans les tabacs et sur internet, une étude effectuée à Marseille cherche à déterminer les facteurs de risque pour améliorer la prévention
L'abus de Rapido peut provoquer une mort sociale lente et douloureuse?. Ce n'est pas une nouveauté : comme le tabac, l'alcool ou l'héroïne, le grattage, le tirage ou la roulette entraînent parfois de véritables addictions. Sur les 70 à 80% de Français qui s'adonnent plus ou moins frénétiquement aux jeux de bars, de casino, aux paris hippiques, et désormais à la folie du poker en ligne, on estime que 0,5 à 1% deviendront des joueurs dit "excessifs" (3 à 5% selon une étude américaine).
C'est-à-dire "souffrant d'une dépendance progressive au jeu, qui finit par occuper une place centrale dans leur vie, prévalant sur les autres investissements habituels, affectifs, sociaux, professionnels", résume le Centre de référence sur le jeu excessif (CRJE) qui siège au CHU de Nantes. Mais par quel processus sombre-t-on dans le jeu pathologique ? Existe-t-il des facteurs de risque favorisant cette dépendance ? Pour l'heure, on l'ignore.
"Nous ne connaissons pas de profil type du joueur pathologique", constate le Dr David Magalon. Depuis 8 ans, ce psychiatre marseillais spécialisé dans les addictions reçoit les "accros aux jeux" en consultation à l'hôpital Sainte-Marguerite à Marseille. Il suit actuellement une soixantaine d'hommes et de femmes de tous âges, de toutes classes sociales, retraités ou actifs, vivant en couple ou célibataires, dont la vie a basculé dans les marottes ou les calculs statistiques.
"Lorsqu'ils se décident à consulter, leur dépendance est déjà très grave. La plupart sont en crise familiale, étranglés financièrement, avec des pathologies psychiatriques induites par le jeu. Et pourtant incapables de décrocher", explique Nathalie Parola, la psychologue du service d'addictologie. Mais au-delà de leur état dépressif (fréquent), ces patients ont-ils d'autres traits communs ?
C'est ce qu'une étude d'envergure nationale, la première du genre, va tenter de déterminer afin d'élaborer des stratégies de prévention et de traitement plus efficaces. Pour se faire, "500 joueurs réguliers ou occasionnels seront suivis pendant 5 ans au moyen d'entretiens et de questionnaires sur leurs habitudes de jeu, leur personnalité, et les éventuels problèmes psychologiques qu'ils rencontrent", résume le CRJE, qui va piloter cette recherche, à laquelle participe le Dr Magalon.
Un appel à volontaires est lancé dans toute la France. Cette étude est d'autant plus indispensable que la multiplication des jeux dits "de bars" (Keno, Rapido, Morpion, Astro etc.) et surtout l'explosion des jeux en ligne inquiètent les spécialistes.
"Plus l'offre de jeu augmente, plus on recrute de joueurs", résume le Dr Magalon, qui utilise le modèle de la "contamination virale" : "Les plus vulnérables, ceux qui présentent un terrain favorable aux addictions, vont être malades plus vite et plus gravement."Pour enrayer l'épidémie, il est grand temps d'agir. Selon le Pr Jean-Luc Venisse, directeur du CRJE de Nantes, la France a pris un retard "d'au moins dix ans".
Appel à volontaires
Si vous avez entre 18 et 65 ans, que vous jouez au moins une fois par an à un jeu de hasard et d'argent et que vous avez l'impression de perdre le contrôle sur la pratique du jeu, vous pouvez participer à cette recherche (indemnisée et confidentielle).
Contactez le 04.91.74.40.51 ou le 04.91.74.45.15
(source : laprovence.com/Sophie MANELLI)