Pour la majorité, le texte, adopté par 302 voix contre 206, vise à "assécher l'offre illégale" des paris en ligne ; pour la gauche, il ne fait que "légaliser" des activités illégales déjà installées.
L'Assemblée nationale a donné mardi 13 octobre son feu vert au projet de loi ouvrant à la concurrence les jeux en ligne (sportifs, hippiques, poker). Le texte a été adopté par 302 voix contre 206.
"Vous introduisez le loup dans la bergerie"
Le projet de loi est approuvé par l'UMP et le Nouveau Centre mais est très critiqué par la gauche.
Pour la majorité, le texte vise à "assécher l'offre illégale" des paris en ligne. Mais pour l'opposition, le texte vise purement et simplement à "légaliser" les activités illégales "de ceux qui se sont déjà installés dans le paysage de facto".
"Pourquoi encourager une économie spéculative alors que l'on pensait que vous aviez décidé de moraliser l'économie casino ?", s'est interrogé le député PS Gaëtan Gorce, ajoutant : "A travers ce texte, vous introduisez le loup des opérateurs privés dans la bergerie des petits parieurs et vous les mettez en danger".
Pour l'UMP, Marie-Anne Montchamp a "rappelé que 75% des paris en ligne aujourd'hui son illégaux". "Nous ne croyons pas au marché de la prohibition", a-t-elle dit en jugeant qu'il fallait au contraire "sortir de la brume et du caractère illicite des jeux".
800 millions d'euros de chiffre d'affaires
Selon le ministre du Budget, Eric Woerth, une cinquantaine d'opérateurs devrait être autorisée en France alors que 20.000 font actuellement des offres de paris en toute illégalité. Le rapporteur du texte, Jean-François Lamour (UMP), avait déclaré qu'il y a "une grande urgence à mettre de l'ordre". "Tout l'enjeu du dispositif est que l'offre légale assèche l'offre illégale", avait-t-il ajouté.
Mais l'opposition a dénoncé ce texte qui vise à "légaliser" les activités illégales "de ceux qui se sont déjà installés dans le paysage de facto" et d'autres qui attendent le feu vert.
Dans leur viseur, les "Amis du Fouquet's", qui avaient célébré le 6 mai 2007 la victoire de Nicolas Sarkozy dans cet établissement parisien, propriété de Dominique Desseigne, patron des casinos Lucien Barrière. Le marché des jeux d'argent en ligne, qui a généré en 2008 un chiffre d'affaires de près de 800 millions d'euros en France, aiguise en effet l'appétit de nouveaux acteurs : organisateurs de paris en ligne, clubs sportif, publicitaires et médias... Aujourd'hui, il s'agit d'un monopole du pmu (540 millions d'euros) et de la Française des jeux (219 millions).
Le contrôle de l'Arjel
Devant les députés, Eric Woerth avait annoncé "des poursuites" contre les contrevenants et promis que l'Arjel, l'Autorité de régulation des jeux en ligne mise en place par le texte, n'instruirait les requêtes "de sites demandeurs que s'il n'y a pas de publicité en cours". Premier outil de contrôle, l'Arjel (où les représentants des opérateurs et du monde sportif seront majoritaires) sera chargée de délivrer les licences pour une durée de cinq ans, de surveiller le marché légal et illégal et, le cas échéant, de retirer l'agrément. L'accès aux sites illégaux sera bloqué, a prévu le gouvernement, qui a sur ce point désavoué Jean-François Lamour en décidant de confier à un juge des référés plutôt qu'à l'Arjel le pouvoir de bloquer les sites de jeux non agréés.
Des mesures contre l'addiction
Parmi les principales avancées, les sociétés ou leurs filiales basées dans des paradis fiscaux ne pourront pas être agréées. L'Assemblée a par ailleurs entériné les mesures prévues contre l'addiction aux jeux (un budget de 10 millions d'euros) en adoptant quelques amendements de l'opposition pour renforcer la protection des mineurs. Enfin, les députés ont reconnu le "droit de propriété sur les paris sportifs", qui accorde aux organisateurs de compétitions, clubs et ligues, le "droit d'exploitation commerciale". Ce sont eux qui signeront les contrats avec les opérateurs internet, mais ils pourront déléguer ce droit aux fédérations. Le gouvernement souhaite que le dispositif soit prêt pour la Coupe du monde de football à l'été 2010. Mais pour la gauche, l'Arjel, à peine naissante, n'aura pas les moyens d'exercer un contrôle efficace.
(source : Nouvelobs.com/AFP)