Après douze jours d'audience, la cour d'assises des Alpes-Maritimes n'est pas parvenue à établir la culpabilité de Jean-Maurice Agnelet dans la disparition d'Agnès Le Roux en octobre 1977.
La jeune femme, alors âgée de 29 ans, était l'héritière d'un des plus grands casinos niçois. Jean-Maurice Agnelet, qui a aujourd'hui 68 ans, fut son amant.
Si un faisceau de présomptions s'est resserré vers l'accusé, ses défenseurs, Mes François Saint-Pierre et Jean-Pierre Versini, sont persuadés que l'absence d'aveux, de cadavre et d'arme du crime conduiront droit à un acquittement.
"En 30 ans, Agnelet n'a pas fait d'aveux, et il n'en fera jamais. Seuls les jurés et la cour décideront de sa culpabilité", a dit à la barre des témoins le juge Richard Bouazis, premier magistrat à avoir instruit l'affaire.
"Depuis 30 ans, cette affaire me hante chaque jour. Il n'y a pas un jour qui passe sans que je me demande ce qu'est devenue Agnès", a-t-il ajouté.
Le juge Bouazis s'est défendu d'avoir fait preuve de mansuétude à l'égard d'Agnelet lorsqu'il introduisait l'affaire.
"Ma difficulté, c'est qu'il était avocat et qu'il jouissait d'une certaine réputation. Sa qualité de président local de la Ligue des droits de l'homme me faisait penser que c'était un gage d'honnêteté", a-t-il expliqué.
"A l'époque, il était rare d'enquêter, de perquisitionner chez un membre du barreau, encore plus rare de le mettre en garde à vue".
C'est pourtant en perquisitionnant chez Agnès Le Roux après sa disparition, dans l'appartement qu'Agnelet partageait avec elle, que le juge et les enquêteurs de la PJ ont trouvé un mot d'adieu non daté signé Agnès.
MISE EN SCENE ?
"Désolé, mon chemin est fini. Je m'arrête là. Je veux que ce soit Maurice qui s'occupe de tout", disait ce mot, placé en évidence.
Preuve formelle de sa volonté d'en finir avec la vie ? Machination ? Mise en scène savamment préméditée ? Les enquêteurs ont longtemps hésité.
Quelques mois plus tard, en perquisitionnant chez Agnelet, ils trouvèrent la photocopie de ce même mot d'adieu, daté cette fois, et écrit selon eux après la deuxième tentative de suicide d'Agnès.
Pour Christian Noguéra et Michel Laffargue, les deux policiers qui ont dirigé l'enquête de 1978 à 1984, la mise en scène était grossière.
Ils estiment que Jean-Maurice Agnelet a placé ce mot chez Agnès, amputé de sa date pour pouvoir l'utiliser à sa convenance et pour orienter les enquêteurs sur la piste de sa disparition volontaire et de son suicide.
A la barre, le juge Bouazis s'est rappelé "le trouble profond" d'Agnelet lorsqu'il lui a demandé lors d'une audition : "Qu'avez-vous fait d'Agnès ?" Blême, hagard, Agnelet a balbutié avant de se ressaisir et dire : "Je ne l'ai pas tuée".
Aujourd'hui, le juge dit regretter de ne pas avoir poussé plus loin son avantage et d'avoir laissé Agnelet en liberté.
La découverte du mot d'adieu d'Agnès ne permettait pas d'établir la preuve absolue de la culpabilité de l'ex-avocat, a-t-il expliqué.
"Agnelet a eu de la chance" ont reconnu les hommes de la PJ. "Ce type n'est pas courageux, avec nous, il n'aurait pas finassé, il aurait craché le morceau vite fait. Dans cette affaire, il était le seul à avoir intérêt à ce qu'Agnès disparaisse après avoir capté le prix de sa trahison, 3 millions de francs", ont-ils dit.
Richard Bouazis a quitté Nice en 1979. A partir de là l'enquête s'est enlisée. Son successeur, Michel Mallard, a attendu un an avant d'entendre Agnelet.
Cité comme témoin, le juge François Boisseau a eu la particularité d'avoir été le seul magistrat a accorder un non-lieu à Agnelet.
"J'ai exclu la thèse de l'accident et celle de la fugue, je n'ai pas pu me déterminer entre le suicide et le meurtre pour expliquer la disparition d'Agnès Leroux", a-t-il dit.
(source : lexpress.fr/Reuters)