En sous-sol du ministère de l'Intérieur, deux roulettes, une table de black-jack, deux bandits manchots : c'est le « tripot » des Renseignements généraux, où s'entraînent les fonctionnaires de la sous-direction « courses et jeux ». Un lieu à visiter lors des Journées du patrimoine ce week-end.
Pour bien surveiller les 190 casinos français et repérer les tricheurs, encore faut-il connaître précisément les règles, explique Michel Roland le patron des « courses et jeux ». Et la formation se fait dans le respect des détails. Le matériel est prêté par une entreprise spécialisée et les jetons siglés « Palais de la Méditerranée, Nice ».
Ce service et ses 260 fonctionnaires (70 à Paris, 190 en province) sont également chargés de donner un avis, le plus souvent suivi par le ministre, avant l'ouverture d'un casino : ils enquêtent sur les candidats avant toute embauche et s'assurent que ceux qui se sont fait interdire ne se rendent pas dans les établissements.
Une mauvaise
« blanchisserie »
Leur mission est d'apporter « la garantie de l'Etat » à un secteur, qui, pour le citoyen lambda, trimballe une réputation aussi romanesque que sulfureuse.
Pourtant, selon Michel Roland, les casinos, et notamment les machines à sous qui représentent désormais 95% de leur chiffre d'affaire, sont « une des plus mauvaises banchisseries (d'argent sale) qui existe ». « L'identité de tout joueur qui échange plus de 1 000 € de jetons est vérifiée et consignée dans un registre et ce sont des endroits surveillés en permanence par des fonctionnaires de l'Intérieur et des Finances ».
L'enjeu est d'importance : l'Etat encaisse 56% des quelque 2 milliards d'euros annuels du produit brut des établissements de jeu, les communes raflant 15% du magot.
Les possibilités de fraudes sont multiples : de l'indélicat qui travaille à l'ancienne, décrit par Dostoievski dans « Le Joueur », et qui profite de l'agitation de fin de partie pour rafler indûment des jetons sur le tapis, à la bande organisée qui utilise des moyens techniques très sophistiqués.
« Dès qu'on constate une anomalie comptable, qu'on a une suspicion de vol ou d'irrégularité, il y a contrôle et enquête judiciaire », explique Michel Roland.
Un gros gagnant
Trois fois par an, l'Ecole nationale de la magistrature envoie des élèves se former auprès de la sous-direction « courses et jeux ». Outre un rappel du cadre législatif et une visite sur un champ de course, ils passent aussi par le « tripot ».
Michel Roland assure qu'une fois le travail terminé, la salle de formation n'est jamais détournée à des fins plus ludiques. Selon le contrôleur général, ses hommes sont vaccinés contre le démon du jeu : « Ils sont bien placés pour savoir qu'il y a un gros gagnant, l'Etat, et qu'il y en a un autre qui se débrouille pas mal, le propriétaire. A votre avis qui perd ? »
(source : dna.fr)