JEAN PEYRELEVADE a été interrogé sur les conditions dans lesquelles le Crédit lyonnais a vendu une chaîne de casinos qu'il possédait. Les affaires n'en finissent pas d'empoisonner la vie des dirigeants de la banque. Selon nos informations, le PDG du Crédit lyonnais a été entendu, durant plus de trois heures, le mercredi 26 juin dans les locaux de la brigade financière (XIII e arrondissement). Jean Peyrelevade répondait à une convocation des policiers qui enquêtent sur la vente d'une chaîne de casinos à un homme d'affaires breton, Pierre Le Foll, en septembre 1996. Dans les années quatre-vingt-dix, à l'époque où le Crédit lyonnais investissait sans compter, dans tous les secteurs de l'économie, la banque Colbert, l'une de ses sulfureuses filiales, décide de s'intéresser aux jeux d'argent. Plusieurs petits casinos sont rachetés, notamment dans l'ouest de la France. Lorsque le nouveau PDG du Lyonnais arrive en novembre 1993, il découvre que la banque possède huit établissements de jeu, à travers une société baptisée Emeraude, elle-même détenue par une autre société dénommée Maillon et immatriculée au Luxembourg. Un montage qui, a priori, ne brille pas par sa transparence. Surtout, la banque a englouti 140 millions de francs (21,3 millions d'euros) dans cette aventure.
La banque voulait quitter cette activité Déjà sérieusement ennuyé avec les errements du Crédit lyonnais dans l'immobilier et les stations de sports d'hiver, Jean Peyrelevade demande donc que cette activité soit vendue au plus vite. Le directeur chargé de l'ingénierie financière au Crédit lyonnais, Simon Luel, est chargé de trouver très rapidement un acheteur. C'est d'ailleurs lui qui figure comme gérant de la société luxembourgeoise Maillon qui possède les casinos. En septembre 1996, les huit établissements de jeu sont achetés par l'homme d'affaires Pierre Le Foll pour un montant de 190 millions de francs (près de 29 millions d'euros). Au passage, l'ancien cadre du Lyonnais qui dirige la coquille Maillon perçoit une coquette rémunération estimée à 40 millions de francs (6,1 millions d'euros). C'est justement cette somme qui a déclenché la plainte sur laquelle travaillent les policiers. Ils ont longuement questionné Jean Peyrelevade afin de savoir s'il était au courant de ce dossier. Le PDG a indiqué aux enquêteurs qu'il s'était borné à demander que l'on vende ces casinos, sans s'intéresser à la façon dont se déroulait l'opération. Quelques jours plus tard, Simon Luel était entendu à son tour. Joint par notre journal, il estime que « le Crédit lyonnais aurait pu gagner beaucoup plus d'argent s'il n'avait pas vendu dans la précipitation ces casinos », ce que reconnaît volontiers la banque, les estimant à 400 millions de francs aujourd'hui (près de 61 millions d'euros). Mais le Lyonnais ne voulait pas garder dans son patrimoine les casinos. Pour la direction de la banque, cette affaire « n'en est pas une » : il s'agit d'un « règlement de comptes d'un ancien directeur général des casinos licencié » qui a alerté la justice sur cette transaction « datant de presque dix ans ».
(source : François Julien/Le Parisien)