Signé Paul Andreu, cet énorme complexe de 500.000 mètres carrés consacré aux jeux et au luxe s'ancrera dans la baie de l'ancienne colonie portugaise.
Un éperon dressé à l'entrée du port. Un bâtiment gigantesque, véritable vaisseau amiral de la péninsule. Stanley Ho, le plus riche investisseur et promoteur de Macao, lance ce 3 mai dans sa ville, à deux pas du débarcadère des voyageurs venus de Hong Kong, un programme de loisirs sur 500.000 mètres carrés. Il a choisi ses architectes : Paul Andreu et son associé japonais Nakanishi Tsuneo. Le Français est aussi célèbre en Chine qu'Ieoh Ming Pei. Lors de l'ouverture début avril à Pékin de l'exposition « Visions françaises », consacrée à la réalité de l'architecture française contemporaine, il était mitraillé par les photographes. « Ici, j'ai l'impression d'être une vedette », s'amuse-t-il.
Après avoir inauguré fin 2004, à Shanghai, l'Oriental Art Center et ses trois salles de spectacles logées dans des corolles qui changent de couleur au gré des nuages, il livrera en septembre 2006 l'Opéra de Pékin, une création monumentale près de la Cité interdite et de la place Tiananmen.
Depuis sa rétrocession à la Chine en décembre 1999, l'ancienne colonie portugaise, longtemps assoupie, ne cache pas son ambition de devenir le Las Vegas de l'Asie. Immortalisé par le film de Jean Delannoy sorti en 1942 « Macao, l'enfer du jeu », le casino a toujours contribué à faire sa fortune. Mais depuis que ce marché a été ouvert à la concurrence, en 2002, les investisseurs américains se bousculent pour reproduire les savoir-faire éprouvés dans la ville la plus célèbre du Nevada. Déjà associé à des projets de divertissement partout en chantierdans l'île, Stanley Ho souhaite ériger le plus emblématique de ces temples de l'argent, et il lui adjoint d'autres fonctions : la mode, le luxe, la possibilité de produire des spectacles.
Une décision à la chinoise
Le bâtiment horizontal, de 460 mètres de long et qui s'élève à 135 mètres au-dessus de la mer, abritera des salles de jeux et un grand centre commercial de 100.000 mètres carrés regroupant dans sa partie médiane les enseignes les plus prestigieuses et dans sa proue un hôtel cinq étoiles de 600 chambres. L'ensemble comprend une tour résidentielle de 114.000 mètres carrés avec des surfaces de bureaux dans les étages inférieurs. « C'est un projet qui parle : un bateau qui s'avance vers la mer. Le maître d'ouvrage, la STDM, Sociedade de Turismo e Diversões de Macau, n'a pas hésité à retenir parmi mes esquisses le bâtiment non pas techniquement, mais formellement le plus engagé », confie Paul Andreu.
La décision a été prise très vite. A la chinoise. L'architecte a reçu un mail il y a six mois et rencontré, dans la foulée, l'équipe du milliardaire qui a exprimé le désir de projeter une image forte dans ce nouveau projet, vigoureusement soutenu depuis sa présentation par le chef exécutif de l'île. Le site est rêvé, et il est « figé ». Alors que Macao s'arrondit en gagnant des terrains sur la mer, le bâtiment se développera à l'entrée de l'île, dans ce passage obligé des visiteurs qu'est la gare maritime, sur une emprise foncière de 50.000 mètres carrés, jouxtant d'un côté le réservoir d'eau potable de la ville et de l'autre un parc d'attractions agrémenté de palais chinois. Il enjambera la route où a lieu chaque année en pleine ville le grand prix de Formule 3, à l'instar des circuits de Pau ou Monaco.
Sur les traces de Garnier
Les casinos d'antan étaient glauques, baignant dans une atmosphère de trafics et de prostitution. Les nouveaux sont clinquants. « Cet ensemble sera, plus qu'un casino, un bâtiment urbain qui garde la culture de ces salles de jeux mythiques, un objet inscrit dans la vie de la ville, capable de séduire une clientèle chic grâce à ses boutiques haut de gamme et à son hôtel de grand luxe, explique le Français. Ce sera l'endroit branché de Macao, le lieu où il faut venir. Je défends l'idée de créer des salles de cinéma. »
A l'objection que la taille de l'« objet » pourrait faire éclater la ville, il répond que le bassin d'eau douce est vaste et que son immeuble monolithique offre plusieurs angles de vue : « Du réservoir, de la route et de la colline derrière, où les Macanais pratiquent leur jogging. De cette colline, on verra la courbe monter comme un tremplin. » Il fait surtout valoir qu'« alors que les bâtiments verticaux sont des records qu'on bat toujours, un bâtiment horizontal a une qualité d'implantation qui n'est pas objet de compétition ».
Pour dessiner ce projet de casino inédit dans sa trajectoire professionnelle et qui l'emmène « dans un autre monde », l'architecte affirme « avoir reçu la denrée la plus appréciable : le crédit, la confiance ». Il évalue les difficultés de la construction, qui doit démarrer fin 2005 pour une livraison en 2008, et anticipe les problèmes techniques à résoudre, puisqu'il faudra d'abord démolir deux bâtiments anciens appartenant à Stanley Ho : un casino et un centre commercial, puis consolider les terrains pour couler les fondations et aménager trois niveaux de parkings.
Paul Andreu est heureux: il marche sur les traces de l'illustre Charles Garnier, qui « après l'Opéra de Paris a conçu le casino de Monte-Carlo ».
Les atouts de Macao : le tourisme et les jeux
Devenue une région
administrative spéciale (RAS) lors de sa rétrocession à la Chine en décembre 1999, Macao jouit d'une large autonomie. Comme à Hong Kong, le cadre institutionnel de ce territoire repose sur le principe : un pays (souveraineté chinoise), deux systèmes (Macao conservera jusqu'en décembre 2049 le cadre juridique existant avant la rétrocession). Le territoire de Macao s'étend sur 26,8 kilomètres carrés et comprend la péninsule de Macao et deux îles : Taipa et Coloane. Il abrite 450.000 habitants, dont 96 % sont d'origine chinoise. Le revenu par tête s'établit à près de 80.000 dollars américains. Cette région
administrative est moins riche que celle de Hong Kong, mais elle prospère en tablant sur ses deux atouts : le tourisme et les jeux.
Macao a affiché en 2004 une croissance de 25 %, la plus forte au monde. Les recettes du jeu ont dépassé 5 milliards de dollars américains l'an passé, classant l'île au deuxième rang mondial, derrière Las Vegas, mais désormais devant Atlantic City.
Soucieux de diversifier son tourisme et de promouvoir son offre culturelle, le gouvernement de Macao a conservé et restauré de nombreux bâtiments hérités de son long passé colonial institué en 1557 et a demandé à l'Unesco l'inscription de 11 sites au patrimoine de l'humanité. Les investissements dans le tourisme devraient représenter entre 3 et 5 milliards de dollars américains jusqu'en 2007.
Ubifrance vient d'organiser une mission d'entreprises dans cette ancienne colonie portugaise dont l'objet était de prospecter ce marché et à laquelle participaient les architectes Edouard François et l'agence Fabre Speller, le groupe Lucien Barrière, ECA2, Sfere, Citelum...
(source : lesechos.fr/ANNICK COLYBES)