On'imagine pas le calvaire du casinotier, assailli sans répit par des foules qui en veulent à son argent, condamné pour vivre à causer leur perte, toujours sur le qui-vive pour éviter le vol d'employés indélicats ou l'arnaque d'un tricheur de talent. On ne compte plus les sales coups des as de la cambriole qu'il a dû parer, ces derniers mois. La réglette en fer qu'il suffit d'introduire dans la machine à sous pour se faire créditer des parties ; l'informaticien qui rentre dans son ordinateur les imperfections de la roulette et obtient ainsi les numéros qui sortent le plus souvent ; le coup non moins talentueux et légal du scanner dissimulé dans le téléphone portable qui évalue la vitesse de la boule et trouve le nombre ayant les meilleures chances de sortir. Une inventivité de mauvais génie qui crée bien des soucis au casinotier. Sans parler de l'Etat et des collectivités locales qui, tout aussi légalement, ponctionnent ses recettes. Le numéro 1 européen sonnait l'alarme au début de l'été, dénonçant une pression fiscale sur les jeux qui «met en péril la survie des casinos en France». Deux mois plus tard, le groupe annonce une augmentation de son chiffre d'affaires de 13 % ! En six ans, celui des casinos a progressé de 70 %. Ça roule encore pour l'empire du jeu qui, depuis quinze ans, s'est développé avec la poule aux oeufs d'or des machines à sous. Alors, même si aujourd'hui la croissance s'essouffle, il est bien légitime que les employés, dans leur ensemble plus proches du Smic que des croupiers d'antan, réclament leur dû. C'est le jeu du retour de jeton. Le casinotier en connaît la règle qui veut que ni les clients, ni l'Etat, ni le personnel n'aient envie d'être toujours perdants. Et qu'il faut bien de temps en temps leur laisser l'illusion qu'ils gagnent.
(source : liberation.fr/Jean-Michel THENARD)