La France compte près de 200 casinos, mais aucun dans la capitale. Cette interdiction a été pensée pour éloigner les ouvriers de ces lieux de tentation.
Votre oncle, sûr de lui, vous lance avec l'assurance de celui qui détient la vérité : « Pas de casinos à Paris ? C'est parce qu'ils doivent forcément être construits au bord de l'eau, dans les stations balnéaires. » Une explication qui, autrefois, tenait la route. Mais depuis bien des années, les casinos ont quitté les rivages pour s'installer dans de grandes villes comme Lyon ou Bordeaux. Aujourd'hui, la France en compte près de 200… mais toujours aucun dans la capitale.
En 1907, le législateur trace des frontières précises : les casinos pourront ouvrir, mais seulement dans des havres élégants, là où l'air est pur et les eaux bienfaisantes, dans les villes thermales et les stations balnéaires. La ville de Paris, bouillonnante et trépidante, est écartée d'emblée. Le message est clair : les plaisirs du jeu doivent rester loin des grandes cités, réservés à la grande bourgeoisie venue se divertir dans des destinations choisies.
Le casino d'Enghien-les-Bains, l'exception
En 1919, le législateur en remet une couche : les casinos sont désormais interdits dans un rayon de 100 kilomètres autour de la capitale. Une décision sans appel, motivée par la peur des dérives. Il s'agit de protéger les classes populaires, d'empêcher les ouvriers de céder à des sirènes ruineuses. Les autorités veulent éviter de transformer la ville lumière en Las Vegas. Une exception notable émerge pourtant en 1931 : Enghien-les-Bains, paisible station thermale en banlieue, décroche le droit d'accueillir un casino. À ce jour, il reste le seul établissement légal de ce type en Île-de-France.
La législation évolue à nouveau en 1988, permettant aux grandes aires touristiques de plus de 500 000 habitants d'ouvrir des casinos, à une condition : qu'elles financent à hauteur de 40 % le fonctionnement d'un centre dramatique, d'un opéra ou d'un orchestre national. Mais Paris demeure exclu de cette manne. Quelques cercles de jeux existent toutefois dans la capitale. Pour l'anecdote, la gestion de plusieurs de ces enseignes avait été confiée à des Corses à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en contrepartie de l'effort de guerre et des actes de résistance.
Depuis 1919, les casinos sont donc interdits à Paris. Face à cette mesure, la capitale a vu émerger des cercles de jeux associatifs qui ont prospéré pendant des décennies. Toutefois, ces établissements ont progressivement fermé leurs portes dans les années 2000 et 2010, emportés par des scandales liés à la fraude fiscale et au blanchiment d'argent.
Les clubs de jeux, des « demi-casinos » à l'expérimentation
Depuis 2018, sept « clubs de jeux » ont ouvert à Paris. Ces établissements, uniques au monde, résultent d'une longue transition juridique et administrative. Ces « demi-casinos » se concentrent sur des jeux de contrepartie, où les joueurs affrontent la banque, ainsi que sur diverses variantes de poker permettant des duels entre participants. Une offre limitée, donc. Les classiques qui font la renommée des casinos, comme la roulette et les machines à sous, y sont strictement interdits.
Créés pour assainir et encadrer les jeux d'argent dans la capitale, ces endroits fonctionnent sous un statut expérimental. Initialement prévue pour s'achever en 2020, cette phase a été prolongée plusieurs fois et se poursuit donc jusqu'en décembre 2024. « Dans les discussions autour du projet de loi de finances, la prolongation de ce délai était prévue pour une année supplémentaire, soit jusqu'en décembre 2025 », explique Julien Tissot, fondateur du média Les Clubs de jeux parisiens. Selon lui, malgré l'interruption du vote de la loi de finances, un décret devrait prolonger l'expérimentation des clubs de jeux, au moins pour une année supplémentaire. Une décision d'autant plus probable que 1 500 personnes sont employées par ces clubs.
Les parlementaires de La France insoumise ont pourtant tenté de s'y opposer. En effet, en commission des Finances, les députés du groupe ont rédigé, le 13 octobre dernier, un amendement visant à la suppression des clubs de jeux. « Les jeux d'argent et de hasard renvoient à des enjeux de santé publique particulièrement inquiétants : les joueurs à risque d'addiction, voire dépendants au jeu, représentent 76 % du chiffre d'affaires des casinos, selon l'association Addictions France », arguent-ils.
(source : lepoint.fr/Joseph Le Corre)