En mars dernier, des ouvriers chinois travaillant dans des usines de textile en Italie ont réussi à dérober 130 000 francs au casino de Zurich, avant de se faire pincer. La «Neue Zürcher Zeitung» a reconstitué le déroulé de cette fraude peu banale
Tout commence à Prato, une province du nord de l’Italie connue pour abriter plus de quatre mille entreprises chinoises de textile. Là s’activent plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers, certains sans statut de séjour, aux conditions de travail parfois plus que douteuses. Entre les machines et les piles de jeans, le mot tourne: paraîtrait-il qu’il est possible de gagner beaucoup d’argent en peu de temps, grâce à une astuce pas trop compliquée. C’est à ce moment-là, écrit la NZZ, que onze employés vont succomber «à la tentation de l’argent rapide».
Le quotidien alémanique relate mardi comment les «Onze chinois», surnommés ainsi en référence au célèbre film de casse Ocean’s Eleven, ont réussi à encaisser 130 000 francs de gains, de manière indue, au casino de Zurich grâce à une méthode de fraude simple, mais éprouvée, au nez et à la barbe des croupiers… Avant de finir par se faire pincer après avoir voulu répéter la manœuvre une fois de trop. L’histoire, rocambolesque, est racontée avec le concours de Marcus Jost, le directeur de l’établissement, pas peu de fier que ses employés aient découvert eux-mêmes la fraude.
L’art de faire diversion
Les «Onze chinois», parmi lesquels des hommes et des femmes qui «ne se connaissaient probablement que par hasard», arrivent en Suisse, par Chiasso courant mars 2024. Le mardi 26, Hao Zeng*, 37 ans, s’assied à une table de Punto Banco au casino. Il s’agit d’un jeu de cartes, une des nombreuses variantes du Baccarat. En l’espace de huit minutes, il gagne chacun de ses paris et empoche 6500 francs. Deux heures plus tard, il réédite et quitte la table avec 7500 francs. Le jeu de hasard n’en était plus un.
La méthode est presque étonnante de facilité et connue depuis des années – il existe même des tutos de l’arnaque sur Internet, précise la NZZ. Ici, Hao Zeng, son patron Tian Chang* et ses acolytes travaillaient en équipe. Au moment de couper le paquet de cartes quarante minutes avant la partie, un premier complice filmait le coin des cartes qu’il ventilait à l’aide de son pouce pendant qu’un second complice détournait l’attention du croupier. Une fois la vidéo en poche ne restait alors plus qu’à la visionner loin de la table et mémoriser l’ordre des cartes avant de retourner jouer, entouré d’autres complices qui n’avaient plus qu’à s’aligner sur la personne ayant mémorisé le jeu.
«Vous pourrez toujours jouer au Punto Banco au casino de Zurich»
Seulement, les complices jouèrent une fois de trop. «Lorsque les chinois ont tenté une troisième fois de jouer et de tricher, le 27 mars au soir, c’était fini. Comme toujours, Tian Chang filme les cartes avec le téléphone portable préparé, Hao Zeng attend, comme auparavant, le retour de Chang et de ses compagnons – en gardant à l’esprit l’ordre des cartes. Mais lorsque les trois veulent se rasseoir à la table de jeu, ils sont emmenés et arrêtés», relate la NZZ.
Aujourd’hui, Hao Zeng, est en détention. Il est le premier des onze à avoir été condamné – à une peine de quatre mois de prison avec sursis et à verser des frais de procédure et une indemnité au casino. Huit de ces acolytes sont également sous le coup d’une condamnation mais les procédures sont encore en cours. Quant au directeur de l’établissement, Marcus Jost, il ne sait pas combien il pourra récupérer des 130 000 francs évaporés. «Et pour lui, c’est clair: vous pourrez toujours jouer au Punto Banco au casino de Zurich», écrit la NZZ.
(source : letemps.ch)