Barrière a changé de gouvernance. Et la nouvelle génération aux commandes compte bien à nouveau faire briller cette pépite tricolore.
Propos recueillis par Lomig Guillo 07/05/2024
Le 28 juillet dernier, le groupe Barrière est redevenu un groupe Français 100 % familial, avec le rachat de l’ensemble des parts par les deux héritiers de l’entreprise, Joy Desseigne-Barrière et Alexandre Barrière, qui ont hérité du groupe de leur mère, Diane Barrière. Dès le 1er août, ils ont nommé un nouveau directeur général, Grégory Rabuel, ancien PDG de l’opérateur SFR et d’Altice France avec pour mission de « réveiller la belle endormie. »?
Le JDD. Le moins que l’on puisse dire c’est que le réveil ne se fait pas en douceur : vous avez décidé d’envoyer un signal fort de changement ?
Grégory Rabuel. Le groupe Barrière est de retour. Dès le 1er septembre, nous avons ainsi lancé d’importants chantiers pour organiser la montée en gamme dans l’ensemble de nos?19?hôtels, 32?casinos, un cercle de jeu et plus de 150?restaurants. Avec une volonté claire : redonner à nos hôtels historiques leur lustre d’antan, moderniser et digitaliser nos casinos et proposer une offre de restauration attractive et branchée.
Il faut dire que ces dernières années le groupe semblait s’être un peu reposé sur ses lauriers…?
Nos établissements sont, certes, majestueux et idéalement placés, mais certains ont un peu vieilli et nécessitent une cure de jouvence. Notre palace de Courchevel est tout à fait exceptionnel et fait jeu égal avec la concurrence, tout comme notre hôtel Fouquet’s de New York, ouvert il y a un an et qui est déjà le deuxième meilleur hôtel de la ville selon Condé Nast Traveler. Au Fouquet’s Paris, adresse emblématique, nous avons confié à la décoratrice Cordelia de Castellane la rénovation de notre brasserie et de notre rooftop.
Pour d’autres adresses, comme Le Royal à Deauville ou l’Hermitage à La Baule, nous souhaitons améliorer significativement l’expérience de nos clients. Les changements passeront par des rénovations d’ampleur, mais aussi en travaillant, comme nous l’avons déjà fait à l’hôtel Normandy, sur chaque détail : nouveaux uniformes pour le personnel, renouvellement de la literie et nouvelles marques pour les spas.
« Réaffirmer la position du groupe Barrière en tant que référence du chic à la française »
Quels seront les premiers changements visibles ?
Nous allons revoir en profondeur l’offre de restauration, car c’est un marqueur fort. Par exemple nous achevons la rénovation de tous nos restaurants sur les Planches à Deauville, nous allons transformer la restauration du Majestic à Cannes et nous allons annoncer prochainement un partenariat avec une marque iconique à Courchevel. Nous allons à la fois miser sur nos propres marques, comme le Fouquet’s, et faire appel à des partenariats avec des marques tendances, comme Noto, le restaurant italien festif de Moma Group, qui vient d’ouvrir au cœur du casino Barrière de Deauville, ou le BeefBar, dans notre hôtel de Saint-Barth.
Notre objectif est de réaffirmer la position du groupe Barrière en tant que référence du chic à la française. Évidemment, pour atteindre cet objectif, dans notre métier les équipes sont clés. Nous avons la chance d’avoir 7 000 collaborateurs fidèles et engagés.
On imagine qu’un tel programme de remontée en gamme nécessite aussi d’importants investissements…
Oui, ils seront étalés sur plusieurs années. Le groupe est assez peu endetté (à hauteur de 2,5?fois son EBITDA) et en bonne santé financière, avec des résultats records en 2023 et un chiffre d’affaires avoisinant 1,4 milliard d’euros, les jeux représentant les trois-quarts des recettes. C’est un business solide et qui s’est montré très résilient après le Covid. Surtout, le groupe possède la très grande majorité des murs de ses hôtels, nous venons même de racheter l’hôtel Le Carl Gustaf, que nous exploitons à Saint-Barth. Signe, au passage, qu’il n’est pas question de nous séparer du moindre actif.
Nous visons de doubler le nombre d’hôtels dans les prochaines années. Notre ambition est de nous développer dans d’autres destinations et de séduire une clientèle toujours plus internationale.
Historiquement, la clientèle d’affaires était très importante pour le groupe. Le restera-t-elle avec la montée en gamme ?
Oui. Depuis le Covid, on se réunit moins, donc quand les entreprises organisent un séminaire elles veulent quelque chose d’exceptionnel. Notre montée en gamme répond aussi à ces nouvelles attentes.
Comment comptez-vous réussir à conserver votre place de numéro?1 des jeux en France et en Europe ?
En faisant de nos casinos de véritables lieux de divertissement. Nous proposons près de 4 000 spectacles par an dans nos casinos, ce qui fait de nous l’un des plus gros opérateurs de spectacles vivants en France. Mais on doit aussi pouvoir venir chez nous juste pour prendre un verre, dîner ou danser. La digitalisation est également une priorité : nous venons de lancer Barrière Play, une application qui sert à la fois de carte d’accès au casino et de porte-monnaie virtuel pour jouer directement aux jeux électroniques et sur les machines à sous, une première en Europe.
Et qu’en est-il des jeux en ligne ?
Nous considérons que nous serions les mieux placés, en tant qu’opérateurs de casinos physiques pour nous occuper des jeux de casino en ligne, compte tenu des complexités de la législation qui encadre les jeux, des risques de corruption, de blanchiment d’argent et de prévention du jeu excessif. Si l’autorisation était envisagée, avec Casinos de France, nous proposons aux pouvoirs publics de n’accorder des licences de casinos en ligne qu’aux exploitants de casinos physiques, comme d’autres pays européens.
Le groupe Barrière verse chaque année 600 millions d’euros de taxes sur les jeux à l’État et contribue de façon significative au budget des communes. Autoriser sans contrôle les jeux en ligne, c’est la certitude qu’il y ait moins de monde dans les casinos, donc moins de recettes pour l’État et les collectivités locales.
Vous venez aussi d’obtenir une importante victoire contre les casinos illégaux en ligne.
Oui, car certains usurpaient la marque Barrière pour attirer des joueurs, notamment via des publicités frauduleuses sur les réseaux sociaux. Fin avril, nous avons obtenu de la justice que Meta (Facebook, Instagram…) soit obligé de filtrer toute publicité utilisant illégalement la marque Barrière.
On estime qu’il y a entre 1,5 et 2 milliards d’euros joués sur des casinos en ligne illégaux en France chaque année. C’est un énorme problème et nous appelons évidemment les autorités à agir massivement contre ces acteurs frauduleux.
(source : lejdd.fr/Lomig Guillo)