L’hôtel-casino de la ville doit être transformé en complexe touristique monumental. Deux associations se mobilisent contre ce projet, mené sans réelle concertation avec la population et dommageable à l’environnement.
Rien ne va plus à Fécamp ! Autour du projet de nouvel hôtel-casino, tout le monde affiche son ouverture au dialogue mais plus personne ne se parle. Attac-Fécamp et l’association Écologie pour la région de Fécamp (Écorefe) dénoncent le manque de transparence du projet et tentent de l’empêcher, en l’état actuel. La commune estime avoir beaucoup communiqué et s’en remet désormais aux décisions de justice pour faire avancer le dossier. Émeraude, enfin, le casinotier locataire des lieux depuis 1999, estime que c’est à la mairie de jouer et attend le règlement du conflit pour déposer son permis de construire.
Le motif de ce déchaînement des passions est à chercher sur le front de mer, où repose un modeste casino, construit en 1860, flanqué d’une piscine hors service. Derrière, sur la pente descendant de la falaise, s’étend un camping municipal très apprécié pour sa vue imprenable sur la mer. Dans le prolongement du front de mer, la longue falaise blanche tombe dans les flots. Le casino, un peu désuet, n’occupe que la 112e place sur les 180 établissements français. Aussi, lorsqu’en septembre 1999 la mairie signe une convention d’exploitation du site en faveur d’Émeraude, le marché est clair : le casinotier s’engage à investir dans la reconstruction du casino, à y adjoindre un hôtel de standing et surtout à assumer les coûts des travaux de soutènement nécessaires à la sécurisation de la falaise. En échange de la cession des terrains concernés, au prix d’un euro symbolique.
Tollé à l’association Écorefe, pour qui les terrains allaient être bradés : « Ce site, qui est le plus beau patrimoine de la ville, aurait pu être une mine d’or pour la commune au lieu d’être cédé pour rien », tonne Michel Meynier, président de l’association. Pour lui, « le site, qui correspond effectivement à l’arrivée d’une faille géologique très importante, reste instable et risque d’être déstabilisé par les travaux ». C’est l’époque du premier recours devant le tribunal administratif, en février 2003, pour contester les conditions de la vente. Dès lors, la mairie stoppe d’elle-même la procédure de vente, avant de repartir à la charge en juin 2004. Même réaction de la part d’Écorefe, à savoir un deuxième recours devant le tribunal administratif pour empêcher la vente des terrains publics de la piscine et du casino. Avec, en prime, le lancement d’une pétition signée par près de 500 Fécampois. Le maire PS de la ville, Patrick Jeanne, estime qu’« à la façon dont elle a été rédigée, tout le monde [pouvait] la signer ».
Cette fois, pas de marche arrière de la mairie, Patrick Jeanne est bien décidé à aller jusqu’au bout de la procédure. « Cela fait un an que nous essayons de dialoguer sans résultat, y compris à l’aide de réunions publiques. Maintenant, nous tenons à aller en justice. Alors oui, nous sommes dans une impasse, mais chacun prendra ses responsabilités... Moi, je protège les intérêts de la ville. » Le manque de dialogue, voilà le grief principal d’Attac-Fécamp à l’encontre de la municipalité. Dans un courrier adressé au tribunal administratif, l’association avance que la mairie « n’a jamais estimé devoir informer la population de l’existence d’un projet d’hôtel-casino avant l’été 2003 ». Certes, le premier magistrat local a bien proposé de mettre sur pied un comité technique avec, entre autres experts, deux architectes choisis par Attac et Écorefe. « Un comité entre spécialistes qui aurait juste permis de dissimuler encore le projet à la population », répond Jacques Lelièvre, coprésident d’Attac-Fécamp. De projet, il n’y aurait en fait que des « avant-projets » selon Patrick Jeanne, dont le conseil municipal a déjà « refusé trois versions en six ans, gage de son indépendance vis-à-vis du groupe Émeraude ». Ancienne propriété du Crédit lyonnais, désormais aux mains du groupe de BTP normand Le Foll, Émeraude gère huit casinos en France, principalement dans le nord et l’est du pays. D’après la municipalité, aucun contrat actuel ou à venir ne lie Le Foll, spécialisé dans la construction de routes, à la ville de Fécamp.
Éric Lecoquierre, directeur général d’Émeraude, affirme sans convaincre qu’il veut réaliser le nouvel hôtel-casino « sans intérêts économiques particuliers, dans le but de remplir [ses] obligations et d’aider la région ». L’ensemble devrait tout de même faire passer le chiffre d’affaires annuel de 3,7 millions d’euros à une fourchette comprise entre 12 et 20 millions d’euros. La part reversée à la ville, aujourd’hui proche d’un million d’euros, sur un budget municipal total de 33 millions d’euros, devrait évoluer dans les mêmes proportions, sans compter les quatre-vingts embauches prévues pour faire tourner le nouvel édifice. « Un monstre de neuf étages qui escalade la falaise », pour Michel Meynier, en référence à la partie hôtelière de l’ensemble, le nouveau casino ne devant pas dépasser les quatre étages des autres bâtiments du front de mer.
(source : politis.fr/Xavier Frison)