ENTRETIEN - Le nouveau directeur général du groupe de casinos et d’hôtels Barrière, fondé en 1912, veut renouer avec la croissance.
LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous avez été nommé il y a six mois. Quelles sont vos priorités ?
GRÉGORY RABUEL - Mon arrivée a coïncidé avec un changement de la gouvernance de l'entreprise, puisque Alexandre Barrière et Joy Desseigne-Barrière ont pris la présidence des conseils d'administration des deux principales sociétés du groupe. Leur ambition s'articule bien sûr autour de la croissance. C'est le premier défi à relever, car cette dernière n'était plus vraiment au rendez-vous depuis une dizaine d'années, même si Barrière a démontré sa résilience face aux crises successives qui ont frappé tout le secteur. Aujourd'hui, la priorité est donnée à la hausse du chiffre d'affaires de ce groupe de casinos qui possède des hôtels, comme j'aime à le souligner.
Les casinos, justement, représentent 75 % de l'activité. Où se situent les gisements de croissance ?
Nous sommes numéro un en France et en Europe. Conserver cette place de leader est essentiel, car elle nous permet d'innover plus facilement que si nous étions challenger. Pour développer cette activité, il faut renforcer la diversité de l'offre de jeux, sans négliger pour autant d'enrichir l'expérience du divertissement : on l'oublie souvent, mais les casinos sont d'abord des lieux de vie. On y croise toute la France. Je le sais, pour en avoir visité plusieurs depuis mon entrée dans le groupe. De nombreux clients s'y rendent très régulièrement. Nos casinos en accueillent 2 millions chaque année, mais avec 8 millions de visites au total, ce qui témoigne d'une fréquence soutenue. D'où la nécessité de continuer à miser sur les spectacles, dont nous sommes déjà un acteur majeur. Ce qui signifie adapter cette offre à la diversité du public, la renouveler, continuer à attirer les talents, voire recruter de nouveaux artistes. Et tirer parti de chaque activité, à commencer par la restauration.
Trois autres groupes détiennent des casinos en France. Quel est votre plus gros concurrent ?
Sans aucun doute la Française des jeux [FDJ]. Elle détient 50 % du marché des jeux d'argent, à comparer avec 20 % pour les casinos. Or les conditions en matière de concurrence diffèrent nettement : les casinos sont soumis, et c'est tout à fait compréhensible, à des contrôles très stricts, quand rien n'est exigé dans la vie quotidienne pour jouer dans un bureau de tabac... Et nous versons 55 % du produit brut des jeux en impôts et taxes, soit un montant de plus de 500 millions d'euros, un taux souvent supérieur à celui appliqué à la FDJ, en fonction des différents jeux disponibles.
Les codes du luxe ont changé, entraînant une montée en gamme ainsi que la personnalisation des services aux clients
L'hôtellerie de luxe a beaucoup évolué ces dernières années. Quels sont vos atouts ? Et vos faiblesses ?
Barrière est une marque formidable, dont la richesse s'inscrit en partie dans le temps, grâce à un patrimoine unique construit en plus d'un siècle d'existence, dans des sites iconiques : La Baule, Deauville, Cannes, mais aussi Saint-Barth ou New York, où notre hôtel ouvert il y a un an est déjà classé parmi les plus beaux de la ville par la presse spécialisée. Un chic à la française, reconnu comme tel. Mais les codes du luxe ont en effet changé, entraînant une montée en gamme globale ainsi que la personnalisation toujours accrue des services aux clients. Détenir un bel hôtel dans un lieu magnifique ne suffit plus aujourd'hui, même si les emplacements restent clés. Il faut aller plus loin. Nous allons donc investir pour rénover ceux de nos hôtels qui en ont besoin. Tout en poursuivant notre développement à l'international, en ouvrant de nouveaux établissements.
Ces travaux ont un coût élevé. Et entraînent de surcroît de longues périodes de fermeture. Le groupe peut-il se le permettre ?
Tout à fait. Notre endettement est très raisonnable, inférieur à trois fois le bénéfice avant impôt. Nous sommes très sereins sur le remboursement de la dette, compte tenu de la rentabilité de l'entreprise. Nous détenons d'autre part la quasi-totalité des murs de nos hôtels, ce qui est un atout supplémentaire. Et l'année 2023 a été très bonne, comme les chiffres qui seront bientôt publiés le confirmeront.
Quels sont vos premiers projets ?
Ils se concentrent pour l'instant sur Deauville, avec la rénovation de cet établissement mythique qu'est Le Royal, sans oublier nos différents restaurants sur les planches. Et à Cannes, avec Le Majestic et sa plage. Du côté des services exclusifs, je souhaite développer l'accueil des enfants dans nos Kids clubs et proposer davantage de marques prestigieuses dans nos spas. Nos récents recrutements, dont une vingtaine de cadres dirigeants, prouvent l'attractivité intacte du groupe auprès de talents recherchés du secteur. Il n'est pas question de devenir ce que nous ne sommes pas ni de perdre notre identité, mais d'adapter le meilleur de ces nouveaux codes à notre culture et notre histoire. L'autre axe majeur de la stratégie mise en place concerne les restaurants.
Avec quels objectifs?
Transformer l'offre de restauration en capitalisant sur nos marques existantes et en nouant des alliances avec de grandes marques mondiales très intéressées par de potentiels partenariats avec Barrière. À Saint-Barth, avec le Beefbar, mais aussi à Courchevel, Deauville ou Cannes. Ou à Dubaï et Abou Dhabi, où nous avons déjà des brasseries Fouquet's. La restauration est l'un des secteurs les plus fertiles en innovations partout sur la planète et l'un des plus dynamiques. Profitons-en !
BARRIÈRE EN CHIFFRES
100 % du capital est détenu par la famille fondatrice
1,3 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2022
7000 salariés
32 casinos
19 hôtels
150 restaurants et bars
3 500 spectacles présentés en 2022-2023
(source : latribune.fr/Marie-Pierre Gröndhal)