Propos recueillis par le journal Midi Libre/KARIM MAOUDJ
Comment une commune peut-elle accueillir un casino ? Quelle rentabilité des casinos de La Grande-Motte et de Palavas-les-Flots ? D'autres casinos peuvent-ils ouvrir sur la région ? Les réponses de Fabrice Paire.
Les deux casinos de La Grande-Motte et Palavas-les-Flots ont fêté leurs 50 ans. Comment s'est faite leur implantation ?
Ces deux casinos n'ont pas intégré le groupe Partouche au même moment. Le groupe Partouche a pris le contrôle du casino de Palavas en 1994, il y a près de 30 ans. Il appartenait alors à d'anciens exploitants qui n'ont aujourd’hui plus d'activité en France. Celui de La Grande-Motte, c'est un autre contexte. Il est étroitement associé à la grande épopée boursière du groupe.
En 2002, le groupe Partouche a pris le contrôle d'un groupe coté en Bourse, l'Européenne des Casinos. La bataille a été âpre parce que Partouche a bataillé contre un groupe puissant qui lui aussi souhaitait récupérer l'Européenne des Casinos. C'est le groupe Accor. À l'arrivée, notre groupe s'est enrichi d'une vingtaine de casinos, dont celui de La Grande-Motte.
Quelle place ont, aujourd'hui, ces deux casinos dans le groupe ?
Le casino de La Grande-Motte est devenu l'un des casinos majeurs, tant au niveau français qu'au niveau de notre groupe. Benjamin Abou, qui le dirigeait, a rejoint la direction du groupe il y a un an et demi. Sa mission est de s'occuper de tous les casinos Partouche. Et notamment celui de La Grande-Motte qui est aujourd'hui dans le Top 15 ces casinos français. Ce qui n'est pas rien. Palavas est un magnifique établissement qui fonctionne très fort, notamment parce qu'au gré du renouvellement de la confiance que nous a accordée la Ville de Palavas, en renouvelant notre délégation, nous avons engagé d'importants travaux.
Ce casino est, depuis le début de l'été 2022, totalement rénové, après une phase d'un peu plus d'un an de travaux. Ce qui avait perturbé quelque peu l'exploitation, parce que nous avions fait le choix de ne pas le fermer durant cette période. Nous avons aujourd'hui reconquis tous les espaces de manière optimale. Ce qui fait que nous y avons une très belle progression. C'est un casino qui fonctionne très bien.
Où en est-on des délégations sur ces deux casinos ?
La délégation de celui de Palavas a été reconduite au 1er novembre 2021, pour une durée de 20 ans. Celle de La Grande-Motte est plus ancienne. Nous sommes en cours de délégation. Le renouvellement est prévu aux alentours de 2030. La durée n'est pas la même. C'est la Ville qui décide de la durée, en fonction de ce que le candidat à la délégation prévoit dans son activité, dans les travaux qu'il va faire, dans les animations qu'il va développer. La Ville a la main sur le temps qu'elle va donner. À La Grande-Motte, la délégation en cours dure 20 ans. Il se trouve que c'est comme Palavas, mais ce n'est pas forcément la même partout.
Comment ont évolué les casinos ?
La Grande-Motte a été, sous l'impulsion de Benjamin Abou, le casino dans lequel nous avons poussé le plus vite le développement des formes électroniques de jeux traditionnels, et notamment la roulette anglaise. Il y avait cet instant, cette conviction, que c'était un jeu que la jeunesse aimait. Cela s'est révélé vrai. Mais, surtout, cela a permis de rajeunir considérablement la clientèle du casino. Derrière, ces nouveaux clients, plus jeunes, jettent aussi un œil sur les autres formes de jeux. Il y a d'abord les tables, car c'est toujours impressionnant d'aller sur une table de roulette quand on ne connaît pas les codes, mais une fois qu'on a joué sur la forme digitalisée du jeu, c'est plus simple d'aller sur une table, avec un vrai croupier et des gens autour.
La Grande-Motte a donc été en pointe dans ce domaine-là, puisqu'on y a atteint un parc de plus de 100 terminaux, 110 précisément, à la fin de l'exercice dernier. Le casino grand-mottois a été vraiment en pointe pour le groupe, mais aussi nationalement. Nous avons été assez volontaires et dynamiques sur le sujet. La Grande-Motte a montré le chemin, sur le fait qu'il fallait miser sur ces nouvelles formes de jeux et qui aujourd'hui font l'assise de la bonne activité des casinos en France.
Le groupe Partouche a connu un creux il y a quelques années.
Il n'y a pas eu de creux en termes d'activités. Il y a eu un creux en 2008 avec l'interdiction du tabac sur le plan national. Avant, en 2002, effectivement, quand La Grande-Motte est entrée dans le giron du groupe lors d'une OPA (offre publique d'achat, NDLR), cela s'est fait dans le cadre d'une opération de croissance externe. Une opération au cours de laquelle on s'endette très fortement. Avec l'interdiction du tabac quelques années plus tard, tous les établissements en France ont perdu entre 20% et 25% de leur volume d'activité.
Automatiquement, le groupe est entré dans une phase compliquée d'endettement. Pour autant, les casinos continuaient à bien tourner. Et c'est une des raisons pour lesquelles nous avons suggéré cette passe difficile au niveau de la structuration financière du groupe, grâce à l'assise de l'activité des casinos. Et on en est sortis par le haut. Notamment le casino de La Grande-Motte, qui a eu une très belle progression, essentiellement porté par son déménagement, en juillet 2012, et ses nouveaux équipements.
Quels sont les chiffres de ces deux casinos ?
Au niveau de la fréquentation, nous étions l'an dernier sur Palavas à un peu plus de 180 000 entrées, là où La Grande-Motte était à quasiment 420 000 entrées. Il faut aussi ne pas perdre de vue que le site de Palavas était en travaux sur plus de la moitié de son année. Logiquement, Palavas dépasse les 200 000 entrées en année normale. La particularité de La Grande-Motte, c'est qu'il dispose d'une très grande salle de spectacles, il y a des événements, comme les tournois de poker, qui font que la fréquentation est plus soutenue. Quant au produit des jeux, Palavas était à 15,4 millions d'euros l'année dernière, là où La Grande-Motte avait atteint 33,8 millions.
C'est ce que les clients jouent ?
C'est ce que le casino gagne. Ce que les clients laissent. C'est la somme qui reste à la fin dans la caisse, une fois déduite les sommes gagnées par les clients.
Est-ce régulier tout au long de l'année ou est-ce surtout lié à la fréquentation durant la saison estivale ?
Globalement, que ce soit le casino de La Grande-Motte ou celui de Palavas, ils fonctionnent toute l'année. Maintenant, il y a un petit pic en juillet et août, du fait de la fréquentation. L'été, il y a un phénomène de curiosité : les gens entrent voir ce qui s'y passe, sans pour autant jouer.
C'est comme le cinéma multiplexe qui enregistre des passages durant l'été, sans que les gens assistent à un film. Mais un samedi de février, ils sont pleins. Les casinos sont devenus un élément de divertissement. Nous sommes dans un lieu où l'on a envie de venir. L'été n'est pas une période fondamentale pour ces casinos.
On parlait beaucoup, à un moment, d'un casino à Montpellier. C'était le rêve de Georges Frêche quand il était maire. Est-ce un projet réalisable aujourd'hui ?
Une ville comme Montpellier n'est éligible qu'au titre de ce que l'on a appelé à l'époque "l'amendement Chaban" du nom de l'ancien maire de Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas, qui souhaitait avoir un casino à Bordeaux. Les villes principales d'une agglomération de plus de 500 000 habitants, avec un certain nombre de critères, notamment d'avoir une scène nationale, un théâtre ou un opéra, peuvent prétendre accueillir un casino. Ce ne semble pas être le cas aujourd'hui de Montpellier.
Il y a un potentiel sur Montpellier, malgré la proximité de deux casinos ?
Dans un cas comme ça, la problématique n'est pas pour celui qui ouvre, mais pour celui qui est à proximité et qui en voit un s'ouvrir. Nous, on l'a subi il n'y a pas longtemps autour de Toulon, à Bandol, où il y a deux casinos qui se sont ouverts à La seyne-sur-mer et à Sanary, qui fonctionnent très bien car à proximité de Toulon et des axes routiers.
Mais le casino de Bandol n'en a pas moins subi ces ouvertures, alors même que le ministère de l'Intérieur est censé se préoccuper de l'impact de l'ouverture d'un nouveau casino sur deux critères : est-ce qu'il y a une demande qui n'est pas satisfaite ? Et quels sont les impacts sur les autres casinos ? Autour de Montpellier, il y a quand même d'autres casinos, comme au Grau-du-Roi ou Sète. Est-ce que la demande autour de Montpellier n'est pas satisfaite ? Sachant que les habitants peuvent se diriger très vite vers les casinos du littoral. Et est-ce que ça impacterait tous ces casinos ? Oui, évidemment.
Combien reverse un casino à la commune sur laquelle il est implanté ?
C'est un pourcentage du fameux produit des jeux. Il y a un taux maximum qui ne peut pas être dépassé, qui est de 15%. Ce que l’on a reversé à Palavas et La Grande-Motte est confidentiel. Mais, pour une commune, accueillir un casino est l'occasion de disposer de belles recettes fiscales, bien entendu.
Avez-vous des projets de casinos dans notre région ?
On ne parle jamais d'un projet d'un groupe. L'impulsion est donnée par la commune. Aujourd'hui, on sait que Narbonne est actuellement en réflexion. Ils réfléchissent au fait de savoir s'ils doivent lancer un appel d'offres pour recevoir un casino sur leur territoire. Ce pourrait être un sujet pour nous.
Dans tous les cas, nous sommes au mieux compétiteurs dans le cadre d'un appel d'offres, extrêmement encadré et suivi. Narbonne peut le faire car la commune se situe, il me semble, dans les critères d'une station climatique qui avait le classement touristique à une époque. Mais les critères ne sont pas toujours évidents à valider.
(source : midilibre.fr/KARIM MAOUDJ)