mission patrimoine 2023 censurée par l’Autorité Nationale des Jeux
mission patrimoine, le jeu citoyen de la Française des jeux à nouveau censuré et mis sous surveillance par l’Autorité Nationale des Jeux(ANJ)(I)Première partie
Jean-Pierre G. MARTIGNONI-HUTIN
Sociologue, université Lumière Lyon 2, centre Max Weber UMR 5283
juillet 2023
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Les caractéristiques et le calendrier de la 6° édition du (double) jeu citoyen de la Française des jeux(FDJ) « mission patrimoine » - le jeu de grattage au nom éponyme et le Loto dédié au patrimoine Français - sont désormais connus.
- La commercialisation du jeu de grattage commencera le 4 septembre 2023. Il coutera 15 euros et son taux de retour au joueur (TRJ) sera de 71 %. Le gain maximal au grattage atteindra le pactole faramineux de 1,5 millions d’euros. Le gain minimal sera de 15 euros, moins qu’en 2022 (20 euros). Par contre, la fréquence de gain (36%) augmentera par rapport à l’édition précédente(31%). La dure?e d’exploitation de la loterie instantanée « mission patrimoine » est limite?e a? une période de trois mois par l’ANJ.
- En ce qui concerne le loto dédié, les 6 tirages «classiques» de la loterie du patrimoine se dérouleront les 4, 6, 9, 11, 13 et 16 septembre 2023. La FDJ dirigée par Stéphane PALLEZ, organisera en outre le 15 septembre un tirage évènementiel - le Super Loto - la veille du week-end consacre? aux journées européennes du patrimoine. La mise pour entrer dans ce jeu sera de 2,2 euros par grille pour les tirages classiques, de 3 euros pour le « Super Loto. Le taux de redistribution pour le loto du patrimoine apparaît particulièrement pingre : 55,35 % seulement.
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Mais pour gâcher la fête de ce jeu citoyen très apprécié des français, qui font d’une pierre deux coups, joignent l’utile à l’agréable en participant à ce jeu d’argent qui profite au bien commun - restaurer et à faire connaitre le riche patrimoine français - l’Autorité Nationale des Jeux dans son Collège du 25 mai (1), s’en pris une nouvelle fois de manière surréaliste, ubuesque et kafkaïenne à mission patrimoine. Ce jeu renoue pourtant de la plus belle des manières, avec l’histoire caritative & philanthropique des loteries : utiliser la manne ludique de cet impôt démocratique au profit de l’intérêt général. Sur cette riche et longue histoire des loteries en France, il faut lire l’ouvrage superbement illustré de Gérard DESCOTILS & Jean Claude : « Le grand livre des loteries « (2). Pas certain que les membres du collège de l’ANJ connaissent et surtout tiennent compte de cette histoire féconde avant de prendre leurs décisions liberticides. Quelques références :
- Élisabeth BELMAS : « jouer autrefois : essai sur le jeu dans la France moderne (XVI° - XVIII° siècle) (Champ Vallon, 2006, 439 pages)
- « A quoi joue-t-on ? pratiques et usages des jeux et des jouets à travers les âges « ( Festival d’histoire de la vielle Montbrison du 26/9. Au 4/IO/1998 ; 1999, 552 pages)
- JP MARTIGNONI , Élisabeth BELMAS, Sylvie CRAIPEAU : “ Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine » sous la direction de C. Delporte, JY Mollier, JF Sirinelli ( PUF, 2010, 900 pages, articles « jeu(x) « pages 455-459)
Dans une « décision » verbeuse très longue ( pas moins de 7 pages) l’ANJ pourfend de toutes les manières cette belle loterie, pour finalement « décider » de manière totalement contradictoire qu’elle ne « s’oppose pas » à la commercialisation de mission patrimoine :
Article 1er : L’Autorité? nationale des jeux ne s’oppose pas à? l’exploitation en réseau physique de distribution, du dispositif compose? d’une part, d’un jeu de loterie sous droits exclusifs dénommé? « mission patrimoine » et, d’autre part, de tirages du jeu de loterie sous droits exclusifs dénommé? « Loto® » de?die?s au patrimoine tel que de?crit dans le dossier d’information préalable enregistre? sous le numéro LFDJ-IP-2023-179-missionpatrimoine-PDV, sous réserve des conditions prescrites aux articles 2 a? 4. (3 ) ibid page 6))
L’ANJ en effet, dans une sorte de sadisme sémantique autoritaire hypocrite, n’indique pas qu’elle « autorise » mission patrimoine, mais souligne de manière perfide qu’elle ne « s’oppose pas » à son exploitation. La nuance fait sens. Comme si le gendarme des jeux voulait signifier qu’il ne s’oppose pas « pour le moment » à mission patrimoine ; qu’il « pourrait s’opposer facilement » à cette loterie citoyenne. Bref, comme si le régulateur se forçait à « autoriser » - sans le dire explicitement - ce jeu qui participe au bien commun en finançant la restauration du patrimoine nationale.
Il faut dire que préalablement à cette « décision » finale, l’autorité nationale des jeux voue aux gémonies sur 6 pages mission patrimoine (voir ci-après) pour ensuite assortir cette autorisation qui ne veut pas pas dire son nom, de conditions draconiennes et de censures :
- L’ANJ commence par préciser ( article 2) que le jeu de grattage « mission patrimoine » est limité à? une période de trois mois. Cette limitation totalement subjective ( pourquoi pas un mois, 6 mois ?) peut gêner la FDJ, qui devra retirer de la vente le 5 Décembre, les tickets de grattage non vendus. Reste à savoir si l’ANJ a les moyens policiers d’aller vérifier dans les civettes et les tabacs/presse/FDJ que ce sera le cas. Ubuesque et kafkaïen.
- Le régulateur poursuit ensuite ( article 3-1) ses mesures liberticides en indiquant longuement (l’article 3-1 fait 10 lignes) toujours avec la simplicité qui le caractérise = « Dans les communications commerciales qu’elle consacre a? la promotion du dispositif « mission patrimoine », la société? LA FRANC?AISE DES JEUX se limite à? la délivrance de messages purement informatifs, en s’abstenant d’établir un lien direct entre l’acte de jeu et la cause d’intérêt général poursuivie. A cet égard, elle s’abstient de mettre en avant, dans l’ensemble des supports de promotion du dispositif, y compris sur les tickets ou bulletins de jeu permettant d’y participer ainsi que sur les contenus informatifs de son site Internet et les liens de référencement, des messages pre?sentant ce jeu comme un vecteur de financement de programmes de?die?s a? la préservation du patrimoine français. En conséquence, elle devra notamment supprimer la mention : « plus de 500 sites restaure?s ou en cours de restauration » figurant au recto des tickets du jeu de grattage mission patrimoine »(4) ibid page 6.
C’est clairement une censure. Nous sommes au cœur de la dérive néo prohibitionniste que mène l’ANJ depuis qu’elle existe, sous la domination et/ou en connivence avec la doxa du jeu pathologie maladie. A cause de l’ANJ , la FDJ ne peut plus mentionner la raison d’être de cette loterie, l’ intérêt ludico culturel de ce jeu. Surréaliste, absurde. La FDJ doit s’abstenir :
- d’établir un lien direct entre l’acte de jeu et la cause d’intérêt général poursuivie, alors que d’évidence ce lien existe
- de diffuser des « messages » qui présentent ce jeu comme vecteur de financements de?die?s a? la préservation du patrimoine français, alors que de fait mission patrimoine participe fortement à la restauration de ce patrimoine et que ces « messages » ne font que rendre compte objectivement de cette réalité et de cet historique. Bref avec cette censure d’un autre âge l’ANJ cherche à détruire les fondements même de ce jeu, ce qui fait sa particularité, sa singularité, son originalité, son succès, sa raison d’être.
- Mais le régulateur qui impose une politique des jeux austère et liberticide depuis des mois ne s’arrête pas là. Il poursuit ( article 3-2) en s’en prenant à la publicité : « La société? LA FRANC?AISE DES JEUX veille à? ce que la promotion consacrée au dispositif « mission patrimoine » reste mesurée et limitée a? ce qui est nécessaire pour canaliser les consommateurs vers les réseaux de jeu contrôles. A ce titre, les communications commerciales consacrées a? la promotion du dispositif « mission patrimoine » ne pourront e?tre diffuse?es qu’en points de vente du réseau physique de distribution et sur les sites internet et applications mobiles de l’ope?rateur (pour autant que ces applications ne génèrent pas de notification relative a? ces jeux), ainsi qu’en te?te des pages de l’ope?rateur sur les re?seaux sociaux (emplacement appele? « photographie de couverture » ou encore « bannie?re ») a? condition que cela ne puisse pas faire l’objet de partage. « (5) ibid page 6
En clair, même si l’ANJ ne prononce pas le mot, quelques personnes à Paris, la présidente de l’ANJ Isabelle FAULQUE PIERROTIN, l’addictologue spécialiste des drogues Jean Michel COSTES et les autres membres du Collège, se permettent d’interdire la « publicité « pour mission patrimoine en télévision, radio, presse et affichage dans l’espace publique, un jeu qui concerne des millions de Français.
La censure apparaît énorme, disproportionnée, potentiellement dévastatrice pour ce jeu. Car bien évidemment, ces différents canaux publicitaires traditionnels permettent à la FDJ de faire connaître, promouvoir, animer la version 2023 de mission patrimoine et ses différentes étapes. Une telle censure, c’est du jamais vu dans l’histoire des jeux d’argent. La publicité étant le nerf de la guerre , certains observateurs pourraient même considérer à juste titre, que cette mesure drastique, cette censure incroyable dans un pays de libertés comme la France, constitue une mise à mort programmée de ce jeu annuel. mission patrimoine ne durant que quelques mois - contrairement aux loteries permanentes : loto , kéno, eurmillion - les campagnes publicitaires en radio, télé, presse, panneaux 4X4 dans l’espace public urbain, sont primordiales pour lancer l’opération, créer l’événement, assurer le succès commercial de ce jeu éphémère.
Certes l’ANJ n’a pas souhaité, n’a pas osé ( pour le moment ?) interdire la communication commerciale de mission patrimoine dans les points de vente en dur de la FDJ et sur internet. Mais pour ce qui concerne la publicité numérique elle a fixe de nombreuses limites, interdictions …(applications mobiles, re?seaux sociaux , « photographie de couverture » « bannie?re » « partage »
Liberté j’écris ton nom ….avec l’ANJ. La tentation liberticide de l’ANJ, que nous avions dénoncée dans un article (*), se confirme, s’accentue, se systématise.
Dans une deuxième partie ( à paraître) nous poursuivrons l’étude des multiples injonctions de l’ANJ, qui peuvent être qualifiés de mesures néo prohibitionnistes inquiétantes pour le présent et l’avenir de mission patrimoine.
Jp martignoni, juillet 2023
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(*) MARTIGNONI-HUTIN Jean-Pierre G. : HARO* SUR LES JEUX DE HASARD & D’ARGENT (I) 1° PARTIE = LA TENTATION LIBERTICIDE de l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) ( janvier 2023, 26pages , 24 notes, 7 annexes ) ( publié en France sur jeu-legal-france.fr : 31/I/2023 ; les casinos.org 1/2/ 2023)
Résumé : Sous la domination objective de la doxa du jeu pathologie maladie, d’associations moralistes, néo-prohibitionnistes, de certains addictologues présents au sein même du collège de l’ANJ, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) mais aussi Sante Publique France, le département de Seine Saint Denis ont lancé des campagnes alarmistes pour lutter contre une nouvelle pandémie qui semble plus grave que le COVID : les paris sportifs ! L’ ANJ a même produit - dans le cadre de sa campagne « T’as vu ? t’as perdu » - un clip rap qui utilise une sémantique qui provient de l'argot des dealeurs ! (« byebye à la kichta») Par ailleurs « Le régulateur au service d’un jeu sur, intégré et maitrisé » - l’ANJ - multiplie depuis plusieurs mois censures, prohibitions, décisions, recommandations, mesures liberticides… contre les opérateurs en instrumentalisant des sondages qu’elle finance elle-même pour « faire l’opinion « non la mesurer. Le régulateur contrôle et surveille d’une manière de plus en plus kafkaïenne opérateurs et joueurs mais qui contrôle l’ANJ ? Son statut d’Autorité Administrative indépendante(AAI) lui assure une autonomie très grande, trop grande jugeront certains. Quid du contrôle de l’ANJ par la représentation nationale, par les Français, par les joueurs qui financent l’ensemble de l’économie des jeux. En l’absence de débats contradictoires dans les médias qui se contentent de reproduire les dépêches AFP - qui elle-même reproduit pro domo les communiqués de l’ANJ - l’observation et la critique du travail du régulateur revêt une importance capitale. Car il engage la Politique des jeux de la France et concerne - outre les nombreux personnels qui travaillent dans l’industrie des jeux et dans les différentes filières ; les territoires, les multiples entités qui bénéficient de la manne ludique - des millions de français joueurs qui s’engagent volontairement dans cette activité ludique ancestrale, qui représente fondamentalement un Fait Social, culturel, économique, historique…fiscal, non une pathologie ou une maladie comme le serine en permanence le gendarme des jeux.( confer notre article : « Le jeu excessif est-il une addiction ? , Sciences sociales et santé, 2022/2 (Vol. 40), p. 95-104. Juin 2022)
En exergue et à la fin de l’article 2 citations de Roger Caillois
« Même dans une civilisation de type industriel fondée sur la valeur du travail le gout des jeux de hasard demeure extrêmement puissant (…)Pour la multitude qui travaille péniblement sans beaucoup accroitre un bien être des plus relatifs, la chance du gros lot apparaît comme l’unique façon de sortir à jamais d’une condition humiliée ou misérable « ( Roger CAILLOIS , Le jeux et les hommes, Gallimard , 1967, folio essais page 279)
« Beaucoup se rendent compte qu’ils n’ont pas grand-chose à attendre de leur mérite. Ils voient bien que d’autres en ont plus qu’eux, sont plus adroits, plus vigoureux (..) ont une meilleure santé, meilleure mémoire qu’ils plaisent davantage ou qu’ils persuadent mieux (..) désespérant de gagner dans les tournois de l’agôn, ils s’adressent aux loteries (..) L’aléa dans ces conditions apparaît comme la compensation nécessaire, comme le complément naturel de l’agôn (..) le recours à la chance aide à supporter l’injustice de la compétition faussée ou trop rude (..) à cette fin répondent les jeux de hasard L’État lui-même y trouve son compte . Créant malgré les protestations des moralistes des loteries officielles « (Roger CAILLOIS , Le jeux et les hommes, Gallimard , 1967, folio essais pages 223, 224, 225)
Notes :
- DÉCISION N° 2023-158 DU 25 MAI 2023 , RELATIVE À L’EXPLOITATION EN RÉSEAU PHYSIQUE DE DISTRIBUTION DU JEU DE LOTERIE SOUS DROITS EXCLUSIFS DÉNOMMÉ, « mission patrimoine » AINSI QUE DES TIRAGES DU JEU DE LOTERIE SOUS DROITS EXCLUSIFS DÉNOMMÉ « LOTO® » DEDIÉS AU patrimoine (SIXIÈME ÉDITION) ( anj, 7 pages , 25 mai 2023) in (COMPTE-RENDU DES DELIBÉRATIONS DU COLLÈGE de l’anj JEUDI 25 mai 2023 , anj , deux pages)
- Gérard DESCOTILS & Jean Claude GUILBERT : « Le grand livre des loteries « ( L’Archipel,1993, FDJ, 157 pages)
- DÉCISION N° 2023-158 DU 25 MAI 2023, ( anj, 7 pages , 25 mai 2023) ibid page 6
- DÉCISION N° 2023-158 DU 25 MAI 2023, ( anj, 7 pages , 25 mai 2023) ibid page 6
- DÉCISION N° 2023-158 DU 25 MAI 2023, ( anj, 7 pages , 25 mai 2023) ibid page 6
- DÉCISION N° 2023-158 DU 25 MAI 2023, ( anj, 7 pages , 25 mai 2023) ibid page 7