Sous couvert d'anonymat, il raconte sa vie de joueur, ses expériences passées et l'emprise que le casino et les courses ont eu sur lui. En une vingtaine d'années, il aura perdu 110 000 euros.
Dix-huit ans, le temps de l'insouciance, des sorties, mais aussi celui de la majorité. C'est à cet âge-là, qu'il a franchi pour la première fois les portes d'un casino. C'était à Santenay, il y a un peu plus d'une vingtaine d'années.
Boule, roulette, machines à poker, les bandits manchots auront su le retenir. Parallèlement sont venues se greffer, les courses hippiques. Le jeu est devenu une drogue. Son héroïne à lui. Au total il aura perdu plus de 110 000 euros.
Préférant témoigner, sous couvert d'anonymat, nous l'appellerons Michel P. « Cinq cents euros par mois, ce n'est rien comparé à d'autres joueurs », lâche-t-il. « Plutôt que de fumer des cigarettes ou d'aller faire un bon repas dans un restaurant, je préférais aller à Santenay une fois par mois, c'était mon péché mignon », raconte l'homme tout juste âgé de la quarantaine habitant le Bassin minier. Et puis les chevaux sont rapidement entrés dans sa vie. Les doses elles, ont irrémédiablement augmenté.
Du tiercé une fois par semaine comme le français moyen, il est rapidement passé au quarté et au quinté. « Je jouais tous les jours. Quand tu gagnes avec un cheval, tu le joues à toutes les courses où il est partant », souligne ce fonctionnaire de profession qui, à l'époque, achetait le turf quotidiennement comme on achète sa baguette de pain.
A peine sorti de son travail, il sautait dans sa voiture pour aller au casino et rentrer le soir chez lui pour le dîner à 20 heures. « C'est comme une drogue, on ne trouve plus de plaisir, on devient dépendant. Pour perdre beaucoup, il faut jouer beaucoup. Je n'avais plus la valeur de l'argent, le casino était devenu ma maîtresse. J'étais malade », reconnaît-il.
Au milieu des années 1980, il a commencé à se rendre à Santenay trois à quatre fois par semaine, jouant au plus fort de ses mises, 40 000 à 50 000 francs par mois.
« Je jouais toujours du liquide. A chaque fois que je perdais, je rentrais chez moi chercher de l'argent. Une fois, alors que je revenais à Santenay, il m'est arrivé de faire trois fois le tour du rond point Jeanne Rose sur la route express, en me posant la question de savoir si je retournais au casino ou chez moi », se souvient-il.
De fil en aiguille, il est tombé dans un engrenage infernal. Le temps des chèques a commencé, il a même vendu un tableau. « Le plus dur, c'était de cacher ma dépendance à me femme. Un jour, je me suis résolu à lui dire la vérité. Elle s'en doutait, mais elle ne connaissait pas le montant de mes mises », poursuit-il avouant s'être toujours débrouillé pour que sa famille ne manque de rien. Une journée, il lui est même arrivé de passer quatorze heures sur une machine à poker. « Sans manger, sans boire ».
Son coup le plus fou, un carré pointu (*). Une combinaison à 2000 euros qu'il avait décidé de doubler pour finalement perdre son gain. « La machine m'avait sorti un 4 de trèfle et moi j'ai tiré un 2 de pic, sur le coup, j'étais pale ».
Après avoir arrêté pendant trois ans casino et tiercé, il a replongé en 1999. « Depuis décembre 2003, je n'y suis pas retourné, je ne joue plus à aucun jeu », explique-t-il. « Désormais, j'ai rejoint l'association SOS Joueurs créée par Armelle Lacour (voir encadré). Il m'arrive d'avoir des flashs pendant mon sommeil, je parle tout seul. Je ne me suis jamais fait interdire de casino. J'ai la prétention de vouloir rester maître de mon destin. SI je sens le danger revenir, je prendrai la décision de me faire interdire », conclut-il.
(*) Au poker, il s'agit de quatre cartes identiques et d'un joker
Une association aide les joueurs pathologiques
L'association « SOS Joueurs » dispose d'une antenne locale en Saône-et-Loire. Elle se réunit une fois par mois à la Maison de quartier du Bois du Verne, où les participants sont accueillis sous couvert d'anonymat. L'accès et gratuit, et peut se limiter à une simple prise de contact. « SOS Joueurs » leur propose une aide non seulement psychologique, mais aussi juridique. La prochaine réunion aura lieu ce mercredi de 19 heures à 21 heures.
(source : lejsl.com/Thibaut Danancher)