Le fisc a infligé un redressement fiscal de 2,5 millions d’euros à Patrick Partouche pour avoir acquis pour une bouchée de pain une participation dans une société détenant des casinos en Suisse.
Exclu Capital
Le groupe Partouche, n°2 français des casinos, détient 42 casinos, essentiellement en France, mais aussi deux en Suisse : l’un près de l’aéroport de Genève, et l’autre dans la charmante station de ski de Crans-Montana. Ces deux casinos sont détenus conjointement par le groupe Partouche et Ispar Holding, une société suisse qui détient en parallèle 4% du groupe Partouche.
Basée à Fribourg, Ispar Holding est détenu par la famille Partouche (dont la fortune est estimée à 132 millions d’euros), essentiellement par le fondateur du groupe Isidore et son fils Patrick. En 2010, Patrick est monté de 10% à 20% du capital de Ispar Holding, en rachetant pour 500.000 euros la participation détenue par Yassine Ben Abdessalem, un cadre du groupe Partouche d’origine tunisienne qui dirigeait les deux casinos suisses.
L’année suivante, le fisc, à l’occasion d’un contrôle, s’est penché sur cette cession, qui lui est vite apparue suspecte à plus d’un titre. D’abord, aucune trace du paiement des 500.000 euros n’a été retrouvée dans les comptes bancaires de Patrick Partouche. Surtout, la somme de 500.000 euros sous-estimait visiblement la valeur de Ispar Holding.
Patrick Partouche a alors avancé auprès du fisc diverses explications. D’abord, le paiement a été retardé car il avait des “difficultés” à réunir les 500.000 euros. Ensuite, le vendeur, Yassine Ben Abdessalem, pour régler la somme, lui avait accordé une convention de portage, et un crédit sans intérêt.
Mais ces explications ne convainquent pas le fisc, qui estime que l’opération est en réalité une donation déguisée, et inflige donc un redressement de 2,5 millions d’euros à Patrick Partouche, incluant une pénalité de 40% pour “manquement délibéré”. Pour arriver à ce chiffre, Bercy effectue sa propre valorisation de Ispar Holding, en se basant sur ses plantureux résultats : en 2009, un bénéfice net de 16 millions de francs suisses, et des dividendes de 7 millions de francs suisses. Cela est dû aux performances de deux casinos suisses, qui s’avèrent être de véritables vaches à lait: sur l’exercice clos fin octobre 2009, le chiffre d’affaires du casino de Genève s'élève à 27 millions d’euros, et à 11 millions pour celui de Crans Montana.
Le fisc, en utilisant une méthode mathématique basée sur les survaleurs, et une autre basée sur le rendement, valorise donc les 10% de Ispar Holding à 5,8 millions d’euros, soit 12 fois plus que ce que Patrick Partouche dit avoir payé.
Mécontent, Patrick Partouche conteste alors son redressement. Il objecte notamment que le fisc n’a pas informé Yassine Ben Abdessalem de la dernière étape de la procédure. Dans un premier temps, le tribunal judiciaire de Paris lui donne raison sur ce point: en mars 2020, il fait annuler la dernière étape de la procédure, mais cela ne change que marginalement le montant du redressement.
Et de toute façon, le fisc fait appel, avec succès: la cour d’appel de Paris vient de confirmer l’intégralité du redressement, rejetant tous les arguments de Patrick Partouche. Pour les juges d’appel, “l'existence de ‘difficultés financières’ de Patrick Partouche n'est pas démontrée. Patrick Partouche a bénéficié des dividendes attachés aux 10% de Ispar Holding SA à compter de l'exercice 2009. En 2009, Patrick Partouche a ainsi perçu la somme théorique de 1,7 million de francs suisses, très supérieure à la dette alléguée de 500.000 euros, et reconduite chaque année (moyenne de 675.000 euros par an)”.
Par ailleurs, “Patrick Partouche, alors qu'il prétend avoir réglé 500.000 euros à Yassine Ben Abdessalem, ne justifie pas de son paiement plus de dix années après la conclusion du contrat en 2010. Patrick Partouche produit à titre de preuve du paiement à Yassine Ben Abdessalem, un courriel de l’attachée de clientèle de son agence bancaire de 2016, ‘information concernant votre instruction de virement’, relatif à un virement de 500 000 euros. Mais ce document, postérieur à la procédure de rectification, n'est pas étayé par la confirmation du virement, par un relevé bancaire ou par un écrit du donataire”.
Pareillement, la cour relève que Patrick Partouche n’a pu fournir ni la convention de portage ni le crédit vendeur qu’il prétend avoir conclu avec Yassine Ben Abdessalem, documents qui n’ont pas non plus été déposés auprès du fisc français ou suisse, pas plus que l’accord de vente des 10%.
Certes, Patrick Partouche a bien fourni une valorisation de Ispar Holding, effectuée par un expert qu’il a choisi, Multifiduciaire Fribourg. Mais “Patrick Partouche contredit son propre expert”, relève la cour. En effet, cette expertise conclut que “le prix de 500.000 euros ne correspond pas à la valeur de marché des actions, et une valeur de 2,5 millions d’euros pourrait être contestée, ne tenant compte ni de la valeur vénale réelle, ni des bénéfices réalisés”.
Contacté, le cabinet CMS Francis Lefebvre, avocat de Patrick Partouche, a répondu “ne pas avoir pour habitude de commenter des affaires en cours”.
(source : capital.fr/Jamal He
nni)