Au sein de la police judiciaire de Lyon, le service de Courses et jeux surveille les casinos et les hippodromes de la région. Ces policiers sont aussi chargés ?d’enquêter sur la délinquance et la criminalité liées aux flux d’argent du jeu, de démanteler les tripots et de débusquer tricheurs et voleurs. Voici le dessous des cartes.
Hôtel de police de Lyon, direction interrégionale de la police judiciaire. Depuis un an, la Division économique et financière (DEF) compte une nouvelle unité, le service des Courses et Jeux. « On nous appelle encore les RG », s’amuse sa responsable, une confusion qui témoigne de l’histoire de cette entité spécialisée dans la surveillance des établissements de jeux et des hippodromes.
Dépendant des Renseignements Généraux jusqu’à leur démantèlement en 2008 , elle a d’abord été rattachée à l’état-major de la police judiciaire. Puis, en raison du volet judiciaire de son activité, elle a logiquement été intégrée à la DEF.
« Argent sale »
Composé de trois policiers à Lyon et de correspondants dans les antennes PJ à Saint-Etienne, Chambéry, Annecy, Clermont-Ferrand et Vichy, ce service est certes chargé des enquêtes administratives, mais il mène en parallèle des enquêtes judiciaires, comme celle qui a permis récemment de démanteler trois tripots à Villeurbanne.
« Les tripots sont parfois vus comme une infraction rigolote, observe Judicaële Ruby, commissaire divisionnaire chef de la DEF, mais la réalité c’est qu’ils sont surtout un vecteur de brassage d’argent sale, sans témoins ni limites ».
Traçabilité des flux financiers
À l’inverse, casinos et hippodromes sont sous haute surveillance. Outre le fait que tous les employés, du croupier au jockey en passant par l’entraîneur, sont soumis à un agrément ministériel après enquête et avis du service des courses et jeux, ils obéissent à des règles strictes : traçabilité des flux financiers, vidéo, enregistrement sonore des tables de jeux. Ils doivent aussi signaler les tournois de poker ou les changements de machine à sous, dont le nombre est déterminé par celui des tables de jeux.
« Si un petit casino qui n’a qu’une table de jeu ne peut pas l’ouvrir, par exemple si le croupier est malade, il doit nous prévenir car il n’a pas le droit en principe d’ouvrir le secteur des machines à sou », précise la chef du service. Qui dit casinos dit joueurs, dont certains font l’objet d’une interdiction de jeu, une mesure qui incombe au service des Courses et jeux, et représente une part importante de son activité.
L’argent du jeu
Ces mêmes policiers réalisent les enquêtes préalables à l’agrément des points de vente de la Française des Jeux et du PMU. Il y en a trois mille dans le Rhône, avec une moyenne de 10 % de changements de propriétaires par an et autant d’enquêtes.
Autre ce volet administratif, les investigations judiciaires permettent de lutter contre la délinquance liée aux flux d’argent générés par le jeu, qui attirent tricheurs, salariés indélicats et tenanciers de jeux clandestins.
Arnaques et jeux clandestins
Les tricheurs géorgiens
En 2019, le service des courses et jeux de Lyon a arrêté des Géorgiens qui trichaient à la roulette électronique, et qui ont été incarcérés. Écumant toute l’Europe, ils avaient mis au point un système qui leur permettait de rafler en moyenne 15?000 euros en moins de trente minutes. Ils choisissaient des tables à l’écart des caméras de vidéo, occupaient tous les postes de jeux et pouvaient alors percer discrètement le couvercle transparent de la roulette avec une perceuse électrique ou une tige métallique chauffée. Il ne leur restait plus qu’à introduire une fine baguette d’acier pour bloquer la boule à l’endroit voulu. Gain assuré?!
Les paris turcs
Toujours en 2019, le service a mis au jour un réseau de paris en ligne clandestins implantés dans des débits de boissons gérés par la communauté turque. Le site de pari était basé en Allemagne, et a essaimé aux Pays-Bas et en France, à Paris et dans la région lyonnaise. Des ordinateurs permettant de parier étaient installés dans les établissements, dont les tenanciers touchaient 30 % des mises. Une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue lors du démantèlement du réseau.
Machine à sous à vendre
Un homme qui avait mis en vente une machine à sous sur le Bon Coin a été entendu par les enquêteurs de Courses et Jeux. Le commerce de ces machines est interdit en France, les machines à sous usagées devant être détruites ou reprises par la société qui les fournit aux casinos, afin d’en assurer la traçabilité. Le vendeur a expliqué avoir acheté sur le même site cette machine qui provenait d’Allemagne.
Poker clandestin
En octobre 2019, une salle de poker clandestine a été démantelée dans le quartier de Mermoz à Lyon (8e). Les organisateurs, dont deux anciens croupiers, se sont connus au casino Le Pharaon à Lyon, où ils fréquentaient la «?poker room?». De là est venue l’idée d’ouvrir une salle clandestine, qui a trouvé rapidement son public, entraînant une baisse de fréquentation de la salle de poker du casino, à l’origine de l’enquête. Face au succès, les organisateurs avaient mis en place un bar, de la restauration, des retransmissions de match, comme un casino en miniature. Six personnes ont été mises en examen pour «?tenue de maison de jeu en bande organisée?», une infraction passible de sept ans de prison.
(source : leprogres.fr/Christi
ne Mérigot)