Rusés ou plus brutaux, plusieurs gangs d’escrocs originaires d’Europe de l’Est et d’Amérique latine écument les casinos français et européens. Le Service des courses et jeux de la police judiciaire a interpellé plusieurs suspects.
Depuis le début de l'année, le monde des casinos, de la Normandie à la Côte d'Azur, est en émoi. Un peu partout en Europe, des équipes de « tricheurs internationaux » sévissent dans cet univers feutré, selon la direction centrale de la police judiciaire française, qui vient de mettre fin aux agissements de plusieurs d'entre elles.
Si les techniques restent artisanales, elles sont parfaitement maîtrisées par des malfaiteurs décrits comme « très mobiles » et originaires d'Europe de l'Est et d'Amérique latine. Ces razzias en douceur se révèlent lucratives : selon des sources policières, les arnaques ont rapporté à ces gangs spécialisés entre 200 000 et 330 000 euros en quelques mois.
Les Géorgiens as de la perceuse
Le Service central des courses et jeux (SCCJ) de la police judiciaire indique avoir identifié et interpellé, le 22 novembre, l'un des membres d'une équipe de Géorgiens. Le suspect, qui purgeait une peine « pour vol » à Toulouse, a été arrêté dans le cadre de cette escroquerie aux casinos pratiquée à grande échelle.
Les équipes de voleurs géorgiens, composées à chaque fois de trois ou quatre personnes, sont spécialisées dans les détournements de « roulette anglaise électronique ». « Ils attendent de disposer de l'intégralité des postes de jeu individuels disponibles autour de la table pour passer à l'action, relate un enquêteur du SCCJ. Ils ont au préalable repéré une table un peu excentrée ou à l'écart du champ des caméras de vidéosurveillance. » Faites vos jeux. Avec une mini-perceuse électrique, l'un d'eux perce le couvercle de plexiglas de la roulette pour introduire une fine tige d'acier… Qui bloque la bille à l'endroit voulu dans le cylindre. Rien ne va plus. Bingo !
Cette technique a été utilisée en France, mais aussi avec le même succès au Luxembourg ou aux Pays-Bas. « Le 24 juin, ils opéraient à Lyon. Trois jours plus tard, ils se trouvaient en Autriche. Le 28, les Géorgiens étaient de retour à Lyon », relate ce même enquêteur des Courses et jeux.
Les Dominicains détournent les jetons
Des équipes de Dominicains ont mis au point un autre mode opératoire tout aussi désarmant de simplicité. Elles misent sur les jetons à disposition des clients à la roulette anglaise classique. « C'est le client qui détermine la valeur du jeton en fonction de sa couleur. A titre d'exemple, l'un d'eux décide que le jeton rouge vaudra 5 euros. Alors qu'il est supposé les rendre tous, il en subtilise quelques-uns à la fin de la partie », explique cette même source.
Pour faciliter la tâche du voleur, ses complices détournent l'attention du chef de table, quitte à provoquer un incident. Les jetons sont ensuite remis à un comparse dans un endroit discret, comme les toilettes. Et celui-ci les remet en jeu, choisissant cette fois une mise bien supérieure, comme 100 euros, pour ce même jeton rouge.
Cette opération aurait rapporté quelque 330 000 euros lors d'arnaques commises en France, aux Pays-Bas et en Espagne. La plupart des membres des équipes repérées par la police auraient été arrêtés.
Les Colombiens travaillent au pied de biche
Des Colombiens, eux, misent sur une troisième technique. Il s'agit de bourrer les « stackers », sorte de machines de change en fonction dans les casinos. « Ils introduisent un billet de 500 euros dans cette boîte qui délivre un ticket à code-barres permettant de jouer. Mais ils vont se faire rembourser à la caisse en liquide. Liquide qu'ils utilisent ensuite en le réintroduisant dans le même stacker et ainsi de suite, jusqu'à ce que la machine soit pleine, bourrée de billets appartenant au casino. » Les escrocs la forcent ensuite au pied de biche pour s'emparer du magot. Là encore, le gang choisit une machine située à l'écart et ses membres, trois ou quatre personnes, se positionnent de manière à l'entourer, ce qui rend l'opération invisible aux yeux du public et du personnel.
Une dizaine de faits de ce type ont été répertoriés en France, sans compter d'autres actions commises au Luxembourg, en Italie et en Roumanie par plusieurs équipes distinctes. Les escrocs ont sévi le 15 février en Italie, le 3 octobre en Roumanie, le 17 à Evian-les-Bains (Haute-Savoie), le 18 à Genève, le 24 à Lyon… « A chaque fois, ils s'emparent de 15 000 à 30 000 euros, indique-t-on de source proche de l'enquête. Ils repartent en voiture pour aller frapper ailleurs en Europe, munis de jeux de faux papiers. »
(source : leparisien.fr/ Jean-Michel Décugis, Ronan Folgoas et Eric Pelletier)