La police judiciaire s'est invitée à une partie de cartes à Toulouse, illégale aux yeux de la justice. Le président et le trésorier du «Club» ont été mis en examen.
«On m'a traité comme un délinquant pendant plus d'une heure. C'est désagréable et inadmissible !» Pierre Alfort s'emporte. Lundi il jouait au poker quand des policiers ont débarqué au «Club», boulevard de Strasbourg à Toulouse. «Il y avait deux tables, une de poker et une de rami. Des habitués. J'aime cet endroit. Pour jouer aux cartes mais aussi passer un bon moment.»
Les enquêteurs de la police judiciaire ne s'étaient pas déplacés pour taper le carton. Mains sur les tables, interdiction de bouger et convocation au commissariat. «Cette atteinte à la liberté de jouer est insupportable. On m'a traité comme un délinquant mais au nom de quoi ? Jouer au poker est-il un délit ? Sûrement pas, s'agace l'avocat toulousain. Notre société devient très liberticide.»
Les joueurs ont dû s'expliquer sur le déroulement des parties et le fonctionnement du club, qui serait associatif, et le président et son trésorier ont été placés en garde à vue. Le président avait déjà été poursuivi en 2011. «Le tribunal correctionnel et la cour d'appel ont prononcé des relaxes. Les juges ont considéré que le poker n'était pas un jeu de hasard», rappelle Me Simon Cohen, avocat des dirigeants de l'époque.
Depuis la législation a changé. La loi ne parle plus de hasard mais de «distribution aléatoire de cartes» et interdit, toujours, l'organisation de partie. Mercredi, le président et le trésorier ont été mis en examen par le juge Dorothée Fréalle pour «participation illicite à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public était librement admis». Ils ont été placés sous contrôle judiciaire.
«Cette mise en examen est une version atténuée de ce qui s'était passé en 2011 puisque désormais, la question est centrée sur des questions parfaitement ciblées. Déjà quelle est la différence entre une maison de jeux de hasard et une maison de jeux de société où le hasard n'intervient pas ?» se demande Me Simon Cohen. «Cela pose aussi la question de l'admission libre du public. La loi ne fait pas de différence. Où se termine le cercle privé, où s'ouvrent les portes d'un lieu public ? Enfin, la plus importante, même fondamentale : est-ce qu'on a le droit d'adopter une interprétation pas seulement rigoureuse mais intransigeante de la loi pénale qui ruinerait l'exercice de certaines libertés privées ? Ou est-ce qu'on doit, au contraire, préserver le principe premier de la liberté pourvu que son exercice ne porte pas atteinte ni à l'intégrité des personnes, ni à leur bien et consacre en conséquence une interprétation souple de la loi ?»
Et quand le joueur Pierre Alfort peste contre «la descente de police dans un lieu de convivialité où au-delà du jeu, on parle on échange et ne constitue pas une réunion de délinquants !», Me Cohen cite Blaise Pascal : «Un Roi sans divertissement est un homme plein de misère».
(source : ladepeche.fr/Jean Cohadon)