Le groupe Barrière, numéro un des casinos en France, a écrit à des parlementaires pour les alerter des possibilités de jeux qu'offrirait le périmètre autorisé de la Française des Jeux privatisée. Il redoute l'éventuelle mise en place de nouveaux terminaux qui pourrait s'apparenter à des machines à sous.
Le débat sur le projet de privatisation de la Française des Jeux (FDJ) n'est pas terminé. Alors même que le projet d'ordonnance qui accompagne sa mise en Bourse a été soumis au Conseil d'Etat et a été notifié à la Commission européenne, il repart de plus belle à propos d'un point sensible : le périmètre des jeux autorisé de la future FDJ privatisée. Et l'initiateur de cette relance n'est autre que le numéro un français des casinos, le groupe Barrière, opérateur dans de belles destinations touristiques telles Cannes, Deauville, ou enghien-les-bains - où se situe le premier casino de France -, et dans de grandes agglomérations - Bordeaux, Lille, Nice et Toulouse -.
Son PDG, Dominique Desseigne, s'alarme en effet ouvertement des potentialités qu'offrirait ce périmètre des jeux, tel qu'il est décrit dans le projet d'ordonnance final, dans un courrier récemment adressé aux sénateurs et députés des circonscriptions dans lesquelles sont situés les établissements Barrière. Ce courrier s'accompagne de surcroît d'un autre de la même veine, quoique moins technique, adressé celui-ci par les directeurs de ces mêmes casinos Barrière aux maires des communes concernées.
« Concurrence directe »
Ces courriers, dont « Les Echos » ont eu connaissance, pointent l'éventuelle mise en place de nouveaux terminaux de jeux de loterie dans les points de vente de la FDJ, soit son activité en monopole, lesquels terminaux constitueraient une concurrence directe pour les casinos Barrière. « L'autorisation pour la FDJ de développer des jeux de loterie dans les terminaux installés dans le réseau de détaillants présents au sein de la zone de chalandise primaire des casinos du Groupe Barrière dans de nombreuses villes, va venir concurrencer directement nos établissements, avec des jeux extrêmement proches des jeux de casinos et ce, en contradiction avec le monopole existant », écrit notamment Dominique Desseigne. Le courrier adressé aux maires va plus loin encore puisque soulignant les « ravages » provoqués en Italie et en Allemagne par la « libéralisation » de « quasi machines à sous ».
Au passage, les deux textes balaient l'idée que le taux de retour aux joueurs, soit leur possibilité de gain, plus faible de la FDJ serait un frein à l'addiction. Par ailleurs, l'un comme l'autre rappellent le poids économique et social d'une filière casinos, extrêmement encadrée.
« Texte équilibré »
Interrogé, le ministère du Budget, lequel a la tutelle de la FDJ, désamorce toutefois ces inquiétudes. Ainsi, on y qualifie d'autant plus le projet d'ordonnance de « texte équilibré » que non seulement les pouvoirs publics ont « travaillé à droit constant » mais que la concertation à laquelle ont participé l'ensemble des acteurs du secteur des jeux d'argent s'est notamment traduite par l'introduction de certaines dispositions « à la demande des casinotiers ». C'est, entre autres, le cas de la limitation du nombre de terminaux par arrêté du ministre en charge du Budget. A ce propos, un arbitrage est attendu d'ici à la fin de l'été, sachant qu'on évoque, à ce stade, une fourchette de 4 à 8.
Autres évolutions importantes : le contrôle du jeu en points de vente est durci avec la mise en place de caméras, tandis que l'âge des joueurs utilisant les terminaux doit être préalablement vérifié. En clair, les pouvoirs publics misent plus que jamais sur la responsabilité des détaillants. Enfin, la future Autorité nationale des jeux, qui coiffera l'ensemble du secteur des jeux d'argent, aura un capital dans le contrôle de la FDJ privatisée.
Pour mémoire, la privatisation du groupe public, qui doit se traduire par un abaissement de la part de l'Etat de 72 % à 20 %, passe par une concession de droit exclusif de son monopole pour une durée de vingt-cinq ans.
(source : lesechos.fr/Christophe Palierse)