Votation. Le PLR et le PBD ont changé de camp. Les Verts et des associations économiques soutiennent aussi le «non».
Rien n’est joué concernant la loi sur les jeux d’argent. A moins d’un mois de la votation fédérale du 10 juin, les sondages brouillent les cartes d’un scrutin où les casinos et les loteries helvétiques jouent gros.
Selon le premier sondage réalisé en avril par gfs.bern pour la SSR, la loi serait acceptée à 52%. Mais une enquête du même mois commanditée par Tamedia parie sur la victoire du non à 53%. Une chose est sûre, le blocage prévu de certains jeux en ligne irrite en particulier les jeunes.
Avec la nouvelle loi, les sociétés de loteries pourront offrir de nouvelles formes de paris sportifs et les casinos suisses proposer aussi des offres sur Internet. Les joueurs qui veulent jouer au poker ou à la roulette sur un site étranger seront en revanche redirigés vers une page les avertissant que cette offre n’est pas légale en suisse.
Selon la brochure de votation, cette mesure devrait produire l’effet voulu sur l’utilisateur moyen «comme une clôture entourant un pré». Dix-sept pays européens, dont la France et l’Italie pratiquent des blocages en ligne et la plupart des exploitants d’offres non autorisées en ont fermé d’eux-mêmes l’accès.
Les opposants hurlent à la censure. Le verrouillage portera atteinte à la liberté économique et ouvrira la voie à d’autres censures sur Internet. La mesure fera fleurir le marché noir car les offres suisses ne suffiront pas à combler les besoins du marché, mettent-il en garde.
Selon eux, il fallait prévoir des concessions distinctes pour les offres en ligne, pas un monopole des casinos suisses. L’extension du régime actuel de concessions au monde numérique permettra de mieux protéger les joueurs et de favoriser les exploitants légaux basés en suisse qui contribuent au bien public grâce au reversement d’une partie de leurs bénéfices, rétorquent les partisans de la loi.
Pour le bien public
Chaque année, casinos, paris sportifs et loteries assurent près d’un milliard de francs à l’AVS/AI (276 millions), aux cantons d’implantation des maisons de jeu (47 millions) et à un grand nombre d’organisations d’utilité publique (630 millions). Quelque 15’000 projets culturels, sociaux et sportifs en profitent.
Plus de 250 millions s’écoulent toutefois déjà vers des offres en lignes non autorisées en suisse et la somme pourrait doubler d’ici dix ans. La nouvelle loi doit stopper cette hémorragie de capitaux vers des Etats off-shore. Avec elle, un plus grand nombre d’exploitants de jeux seront soumis à la loi sur le blanchiment d’argent et le danger de manipulation de paris sportifs et de compétitions sera réduit.
Les cantons pourront autoriser des petits tournois de poker et éviter les loteries et jeux illégaux. La loi permettra aussi de renforcer la protection et la prévention contre l’addiction au jeu. Comme les maisons de jeu, les sociétés de loterie devront exclure les personnes dépendantes.
Les opposants dénoncent une protection insuffisante: le Parlement a refusé d’instaurer une taxe pour la prévention et d’instituer une commission d’experts consultatives, font-ils valoir. Le blocage d’Internet est contournable en trois clics et pas prévu pour les applications de téléphone mobile.
De nombreux joueurs ne devront par ailleurs plus déclarer leurs gains aux impôts. Les gains réalisés dans une maison de jeu sont déjà exonérés, ceux de loterie le seront jusqu’à 1 million de francs.
A coup de millions
Les millions en jeu ont incité les professionnels du jeu à libérer un magot très controversé. A l’origine du référendum, les jeunesses du PLR, du PVL et de l’UDC n’ont pas caché avoir reçu de l’argent de sociétés étrangères de jeux en ligne pour la récolte de signatures, mais ils assurent faire campagne avec des soutiens suisses uniquement et évoquent un budget d’environ 1 million de francs.
Un autre comité d’opposants réunissant les jeunes Verts, la Jeunesse socialiste et le Parti pirate mise uniquement sur un financement associatif et participatif. Il espère réunir 20.000 francs. Le Parti pirate a d’ailleurs déposé au Tribunal fédéral un recours contre la Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) et la loterie alémanique Swisslos. Il les accuse de propagande inadmissible.
Le camp du «oui» est nettement plus riche. Les casinos et les loteries (Loterie romande, Swisslos et le Sport-Toto) financent la campagne à part égales avec une mise totale de 3 millions maximum. La part des loteries est issue de réserves de produits immobiliers du Sport-Toto. Une chaîne Youtube a été lancée.
Les partisans de la loi pourraient toutefois voir le jackpot leur échapper le 10 juin. Acquis au texte au Parlement, le PLR et le PBD ont changé de camp. Les Verts et des associations économiques dont Economiesuisse soutiennent aussi le «non». L’UDC laisse la liberté de vote. Seuls le PDC et le PS plaident pour le «oui».
(source : agefi.com/ats)