La région attire les investissements des leaders de la filière comme Partouche ou Joa et intéresse désormais des acteurs de plus petite taille conscients que l'offre est sous-dimensionnée sur la façade méditerranéenne
Près de 30 M€ investis par le groupe Partouche en moins de trois ans entre Aix et La Ciotat, 20 M€ par Joa à La Seyne-sur-Mer, et encore 13 M€ par le groupe vikings à Sanary... La région Paca intéresse les groupes spécialistes du jeu, qui rivalisent d'ingéniosité pour conquérir ou conserver des parts de marché. Ils y gèrent 24 établissements pour un montant annuel de mises évalué à quelque 387 millions d'euros et avec certains des meilleurs jackpots français à Aix, Cassis, Nice, Cannes ou demain La Ciotat. Pourtant, très impactée par la crise économique de 2008 et l'interdiction de fumer à l'intérieur, la filière a accusé en 10 ans une perte de 25 % de son chiffre d'affaires, passant de 18 000 à 15 000 emplois en France. Elle affiche néanmoins, toujours selon les chiffres de l'exercice 2015-2016 dévoilés en début d'année, 2,235 Mds d'euros de produit brut des jeux en France, soit une croissance de 2,5 % par rapport à l'année précédente. Mais l'exercice qui se termine mardi pourrait bien bousculer le classement qui place de longue date l'emblématique établissement d'Enghien (Barrière) en tête avec plus de 162 M€ de PBJ, devant le Pasino d'Aix (46 M€). Son petit frère de La Ciotat pourrait bien avoir gravi de nombreuses marches, depuis son classement à la 98e place en 2016. Tout comme le Joa flambant neuf de La Seyne qui a connu l'an dernier une croissance de 47 % !
"L'offre est insuffisante en Paca"
"Comme tout secteur économique, celui des casinos a ses stratégies pour s'adapter à l'après-crise, même si aucun n'a retrouvé les chiffres d'avant 2007" explique Luc Le Borgne, directeur général du groupe vikings, dont les 11 établissements, pour la plupart des créations, sont tournés vers une clientèle de seniors très nombreuses en Paca. D'autres, comme Partouche, préfèrent rénover voire innover, comme à La Ciotat avec le premier établissement de plein air d'Europe. Et il y a de la place pour tout le monde. "On compte deux fois plus de machines à sous dans le Calvados. L'offre est insuffisante en Paca", ajoute le patron de vikings qui s'associe parfois à d'autres acteurs de même envergure (52,4 M€) pour rivaliser avec les poids lourds Barrière (711 M€), Partouche (348 M€) et Joa (204 M€) et répondre aux appels d'offres de grandes villes. Et s'il n'y en a pas actuellement en cours dans la région, les groupes lorgnent fortement vers des communes qui répondent aux critères pour accueillir un casino, comme Marseille ou Saint-Tropez...
Sanary : vikings mise sur 13 M d'euros par an
Il a fallu trois appels d'offres à la municipalité de Sanary pour finalement signer avec le groupe vikings une DSP (délégation de service public) au terme de laquelle la commune devrait toucher 1,2 M€ de recettes annuelles générées par les différentes taxes auxquelles cette activité est assujettie, et devenir propriétaire de l'établissement. Une belle opération pour cette petite cité balnéaire, qui récupère un programme culturel proposé par vikings. "Pourtant j'avais plutôt une mauvaise image de cet univers", confie le maire DVD Ferdinand Bernhard. Dès 2006, Sanary a attiré les grands groupes.
C'est finalement Luc Le Borgne qui a remporté le dossier avec un projet axé sur une clientèle de seniors. Il mise sur 13 M€ de chiffre d'affaires sur une année pleine, pour cette deuxième ouverture dans la région (après Fréjus), dans un an. Ce Normand est tombé dans le monde des casinos il y a 37 ans, à Cabourg en tant qu'étudiant, pour finalement créer son propre groupe, en partenariat avec l'industriel vikings. "Je ramassais des verres dans les discothèques de casinos. Parfois on avait jusqu'à 5 000 personnes dans l'établissement", raconte ce passionné, pour qui la région Paca est une vraie cible. "Nous avons ouvert il y a 3 ans à Fréjus, et aujourd'hui, les établissements voisins sont toujours en bonne santé. Ce sera la même chose à Sanary ; le bassin de 600 000 habitants, avec une forte proportion de touristes, mais aussi de seniors, est suffisant pour faire vivre trois casinos". Et ce "petit poucet" fait son chemin à l'ombre des grands. Aux Sables d'Olonne, où il a racheté un casino à Barrière, il annonce 35 % de croissance cette année, malgré la présence de Joa dans la même ville.
La Ciotat - Cassis : la guerre du littoral n'aura pas lieu
Patrick Partouche est visionnaire. Ses équipes martèlent l'idée. En ouvrant, en juin dernier, le premier casino de plein air à La Ciotat, le Parisien avait sans doute eu du flair. Balayant d'une main la notion de concurrence entre ses établissements implantés à proximité (Bandol, Aix...). Préférant alors évoquer la complémentarité, le président du directoire parle de redéploiement des forces.
Jacuzzi, pétanque, 130 machines à sous, un espace de réalité virtuelle de 3 000 m². Et le tour est joué. Cet été, le Plein Air a accueilli pas moins de 1 000 entrées par jour en semaine contre 2 500 à 3 000 visiteurs le week-end. Julien Vande Rosieren est un directeur heureux et qualifie sa saison "d'explosive". L'objectif était d'attirer les jeunes et d'offrir "un casino pour tous". Si bien que le groupe Partouche avait misé sur un panel étoffé d'animations. Et ainsi casser les codes des casinos traditionnels. Reste aujourd'hui à fidéliser.
Fidéliser c'est ce qu'a réussi à faire le casino de Cassis qui a effectué des aménagements au printemps dernier : une terrasse de 400 m². Malgré l'implantation du mastodonte ciotaden, le réputé casino de la station balnéaire a fait de la résistance. Difficile d'établir des chiffres précis, car la date limite des comptes d'exploitation est fixée au 31 octobre, mais d'ores et déjà la tendance s'affiche. "La saison du casino de Cassis suit le rythme de l'hôtellerie, qui a fait sans doute une belle saison. Notre clientèle reste toujours présente", explique Jean-Charles Pitt, directeur. Et pour cause, les deux casinos du littoral affichent une physionomie différente. Pas vraiment de concurrence directe, donc. "Nous entretenons de très bonnes relations. L'installation d'un nouvel établissement quel que soit le corps de métier, ne permet pas de savoir si les résultats auraient pu être meilleurs". Pour l'heure, il est encore trop tôt pour le dire.
Marseille : un projet toujours sans domicile fixe
Evoquée de longue date, l'idée de créer un casino dans la cité phocéenne a pris corps il y a une dizaine d'années, constituant d'ailleurs l'un des premiers sujets de discorde entre Jean-Claude Gaudin qui s'y était toujours opposé, et son adjoint de l'époque, Renaud Muselier. Le périmètre d'implantation se situe alors "dans le centre-ville, près des infrastructures de liaison". Puis en 2011, le siège de l'ex-SNCM qui est à vendre au boulevard des Dames, semble constituer le site idéal. Mais deux ans plus tard, c'est la douche froide : l'immeuble est jugé trop exigu pour accueillir le minimum requis, soit 300 machines à sous, sur 4 000 à 5 000 m². La ville jette alors son dévolu sur l'esplanade du J4, annonçant "un geste architectural" entre le Mucem et la Villa Méditerranée. Les évaluations vont bon train, en termes de recettes pour la municipalité (5 à 10 millions d'euros) et d'emplois (entre 200 et 500). Mais les riverains ne voient pas ce "geste" du même oeil et lui opposent une pétition de 20 000 signatures qui finit par faire mouche. À son tour, le J4 est abandonné. Et si le projet de casino reste d'actualité, sa localisation redevient très incertaine.
Le siège de la SNCM est à nouveau évoqué, mais c'est surtout l'ancien hangar J1, dans l'enceinte de Grand port maritime, qui retient l'attention. Pourtant, quelques années plus tard, le port donne un coup d'arrêt définitif à cette ambition municipale, excluant tout casino de son appel d'offres pour la gestion du bâtiment. La façade maritime entre le J1 et les Docks tient cependant toujours la corde, tandis que de nouvelles suggestions émergent, plus ou moins farfelues, comme celle d'installer le casino dans l'un des hôtels en construction, voire à bord d'un ancien paquebot désarmé. Puis en 2016, commence l'épisode "Villa Méditerranée" dont la région cherche sinon à se défaire, du moins à trouver un usage rentable. Mais moins d'un mois plus tard, le projet d'y installer le casino est enterré par le maire de Marseille ; lui qui avait pourtant le premier évoqué cette possibilité. Il ne renonce pas pour autant à doter sa ville d'un établissement de jeux mais lui cherche une nouvelle terre d'accueil sur le territoire d'Euroméditerranée. Ultime rebondissement : en février dernier, la présidente du Conseil départemental propose les locaux de l'ancienne Assedic de la rue des Chapeliers (1er). Depuis, la ville est aux abonnés absents. Le sujet reste plus que jamais tabou...
(source : laprovence.com/arie-Cécile Berenger, Rislène Achour, Philippe Gallini)