Recours. Cinq casinos normands ont saisi le Conseil d’Etat pour contester l’interdiction qui leur a été faite d’exploiter des machines à sous dans les salles réservées aux fumeurs.
Jouer ou fumer : il faut choisir. Pour le moment en tout cas, puisque malgré les aménagements consentis par les casinos de Trouville, Deauville, Ouistreham, Villers-sur-Mer et Luc-sur-Mer, appartenant aux groupes Barrière et Tranchant, il est interdit de jouer aux machines à sous dans les espaces réservés aux fumeurs. Et cela depuis qu’un courrier signé du directeur de cabinet du ministre de l’intérieur et adressé aux casinos au mois d’août 2013, a demandé aux établissements de mettre un terme à cette situation. Courrier qui fait depuis lors l’objet d’allers-retours devant les tribunaux, jusqu’à pousser hier, à Paris, les portes du Conseil d’Etat.
Initialement pourtant, les exploitants de casinos pensaient avoir obtenu satisfaction en décrochant, au mois d’avril 2011, une dérogation à la loi Evin.
Un simple courrier remis en question
Moyennant quelques aménagements en matière d’extraction de fumée et de vidéosurveillance, le gouvernement avait délivré un avis positif à cette demande de dérogation.
La mesure tiendra un peu plus de deux ans, jusqu’à ce que la direction juridique du ministère de l’intérieur considère donc que l’exception accordée aux casinos est incompatible avec la loi.
La subtilité juridique soulevée par les casinos devant le Conseil d’Etat réside dans la forme qu’avait prise cette interdiction. En l’espèce, il s’agissait d’un courrier, donc d’un acte « non réglementaire » a rappelé le rapporteur public Laurence Marion. Mais un courrier rédigé « dans des termes impératifs et généraux », qui mentionnait de surcroît que le casino risquait une mesure de suspension ou d’annulation de ses autorisations administratives en cas de non-respect de l’injonction qui lui était faite.
Ces lettres, dans lesquelles le rapporteur public croit déceler « l’ombre portée de la sanction », pouvaient-elles faire l’objet d’un recours devant la justice administrative pour excès de pouvoir, comme un acte administratif classique ? Jusqu’alors, les tribunaux avaient répondu par la négative. Mais le rapporteur public du Conseil d’Etat a souligné « le caractère hybride » des missives. Lesquelles, « prises isolément, ont toutes les apparences d’une mise en demeure ».
C’est la forme de ces courriers, couplée au fait qu’ils mentionnent explicitement d’éventuelles sanctions, qui a conduit le rapporteur public à demander l’annulation des décisions jusqu’alors défavorables aux casinos. Si les juges le suivent, le Conseil d’Etat renverra l’affaire devant la cour administrative d’appel de Nantes, qui devrait cette fois, contrairement à son premier examen, étudier les lettres dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir. Décision dans trois semaines environ.
(source : paris-normandie.fr/ALP)