Pour faire face à la désaffection de leurs clients, qui dure depuis des années, les groupes les plus puissants innovent et investissent. Quitte ou double.
Au casino de Grasse, les jeux sont faits depuis longtemps. Voilà plus d'un an et demi déjà que l'établissement de jeux a fermé ses portes après des années d'agonie. Il faut dire que, à la fin, il n'accueillait guère plus que 40 à 60 joueurs par jour. Un coup dur pour la cité provençale, qui a perdu dans l'affaire de confortables recettes, de l'ordre de 200.000 euros par an. Depuis des mois, la mairie s'accroche à un énième projet de reprise présenté par un trio d'entrepreneurs indépendants.
En attendant, c'est l'ensemble des casinotiers de la région qui doute et se demande comment relancer les dés. Il faut dire que l'époque bénie où ces exploitants voyaient les clients se presser devant leurs machines à sous pour y glisser des euros sans compter semble bel et bien révolue. Dans l'ensemble du secteur, la situation s'est considérablement dégradée : entre 2008 et 2014, le produit brut des jeux, qui correspond à la différence entre les mises des joueurs et leurs gains, a dégringolé de 24%. Et le minisursaut (+ 2,8%) enregistré pour la première fois en huit ans en 2015 n'a évidemment pas sufi à rassurer les professionnels.
Durant les années fastes, la Côte d'Azur avait succombé aux charmes de l'argent facile et laissé se multiplier les établissements qui promettaient attractivité, animation et retombées financières. Jusqu'à l'overdose ? On y recense aujourd'hui 12 casinos, dont 3 à Cannes (un record), qui rapportent 8 millions d'euros par an à la ville. Mais près de la moitié d'entre eux affichent encore des résultats en baisse. "Un casino nécessite beaucoup de personnel, ce qui engendre des frais fixes élevés. Du coup, les petits établissements ont souvent plus de difficultés à se maintenir", analyse Romain Francoz, du cabinet de conseil Espelia.
Dès que les joueurs se raréfient, les compteurs passent au rouge. La loi antitabac de 2008 a fait des dégâts : "L'enjeu économique est terrible. Une machine dans une salle fumeurs fait 25 à 30% de chiffre d'affaires de plus qu'une machine non fumeurs", assure Frédéric Blardone, le directeur général du casino Partouche Les Flots bleus, à La ciotat. La même année, la crise économique a déclenché un nouveau cycle. Les habitués ont dû restreindre leurs dépenses et les casinotiers s'adapter à cette nouvelle donne. "Nous avons dû mettre en place des machines à sous avec des mises de départ à 1 centime d'euro, alors qu'auparavant ces dernières débutaient à 20 ou 50 centimes", poursuit Frédéric Blardone.
Le pire est arrivé quand la fréquentation étrangère, souvent russe et américaine, qui faisait les beaux jours de la région, a, elle aussi, diminué. A Monaco, certains trimestres, c'est quasiment 70% de la clientèle transalpine qui a disparu. Enfin, les casinotiers ont aussi dû faire face à la concurrence des jeux en ligne, de plus en plus populaires.
Pas question pour autant de lâcher prise. Du moins pour les gros acteurs de la branche. Le casino de Menton, qui appartient au groupe Lucien Barrière, numéro 1 du secteur, a ainsi été entièrement rénové. Montant des travaux : 3 millions d'euros. "Nous avons engagé de gros investissements pour maintenir nos parts de marché à Menton, où nous avons réaménagé l'espace l'année dernière, comme à Nice (1 million d'euros) il y a deux ans", rappelle Olivier Ponthieu, directeur général des opérations pour la région sud-est du groupe. "On ne peut plus vivre sur nos acquis, il faut absolument innover", renchérit Frédéric Blardone. Au printemps 2017, son casino de La ciotat (250 personnes par jour en moyenne) déménagera dans des locaux flambant neufs, plus grands et avec vue sur la mer. Et, pour marquer le coup, une terrasse de 1.300 mètres carrés permettra de jouer aux machines à sous en plein air... tout en pouvant fumer.
Rebattre les cartes passe aussi par le renouvellement des jeux proposés. Aux tables de jeux, le Texas Hold'em Poker rencontre un vif succès. Les bandits manchots évoluent, intègrent de plus en plus d'innovations technologiques avec des écrans tactiles ou 3D. Arrivée récemment, la roulette électronique anglaise cartonne. "Les règles sont faciles à comprendre et ces machines permettent d'attirer à la fois une clientèle jeune et âgée. Ce sont ces investissements qui font la différence et contribuent à relancer l'activité", assure Laurent Lassiaz, le P-DG du groupe Joa (22 casinos en France). A condition toutefois d'en avoir les moyens : une machine à sous coûte 25.000 à 30.000 euros tandis qu'une roulette électronique anglaise vaut plus de 20.000 euros.
Le groupe Joa, numéro 3, mise aussi sur le développement d'activités périphériques comme l'organisation de concerts et de spectacles, les restaurants et les discothèques pour booster l'attractivité de ses casinos. "On veut bousculer les codes de l'industrie. Un casino peut être bien plus qu'une simple destination de jeu", estime Laurent Lassiaz. Dans son casino de La Seyne-sur-Mer, qui vient d'ouvrir, 50% de la surface est ainsi dédiée aux activités non jeux. Dans celui d'Antibes, la discothèque attire plus de 2.000 personnes les vendredis soir, et il n'est pas rare que ces activités de loisirs rapportent plus que les activités de jeu. Jackpot !
Signe que le secteur a probablement un avenir, Marseille envisage de lancer un appel d'offres pour implanter un établissement de jeux. Les casinotiers, eux, sont déjà tous sur les rangs.
(source : capital.fr/Zeliha Chaffin)