Les établissements azuréens subissent fortement la crise. Celui de Grasse devrait être mis en liquidation aujourd’hui. Même si certains arrivent tout de même à tirer leur épingle... du jeu
Quand rien ne va plus, la banque perd. En l'espace de cinq ans, le produit brut des jeux a chuté de presque 25 % dans les casinos français, soit un quart du chiffre d'affaires en moins. De quoi inquiéter l'ancien sénateur varois François Trucy, spécialiste des jeux d'argent et de hasard, qui a adressé à l'automne dernier un mémoire alarmiste au gouvernement. Il serait urgent de modifier une réglementation devenue trop contraignante.
«Notre modèle économique n'est plus adapté »,insiste Antoine Herboux, le tout nouveau directeur du casino de Beaulieu qui pointe du doigt les « lourdeurs juridiques et administratives», ainsi que le «poids des prélèvements».
Notamment communaux, puisque c'est le seul sur lequel les casinotiers ont pour l'heure une petite marge de manœuvre.
Des perdants
Un bras de fer vient d'ailleurs de s'engager entre le groupe Partouche et la ville d'Antibes au sujet du renouvellement de la concession de l'Eden Beach à Juan-les-Pins.
Seul candidat à sa reprise le casinotier voudrait réduire le montant de sa concession. La commune ne l'entend pas ainsi et se déclare prête à se priver temporairement de casino.
Fini le temps où les municipalités déroulaient le tapis de rouge aux tapis verts synonymes d'animations et de retombées financières pour leur ville.
La Côte, avec douze casinos, a évidemment succombé à leurs sirènes. Cannes compte, à elle seule, trois établissements. Du coup, aujourd'hui, c'est la sirène d'alarme qui retentit.
Y aurait-il trop de casinos? Le fait est que les trois établissements cannois afficheraient les plus mauvais résultats du département en 2014.
Les chiffres d'affaires ne devraient pas être rendus publics par le ministère de l'Intérieur avant quelques jours, mais il semble que les casinos de la Croisette affichent des chutes de 10 % et plus.
Mandelieu aurait même la palme de la plus forte baisse en 2014. Et même la Principauté monégasque a grandement souffert l'an passé. Quant au casino de Grasse, fermé depuis le 1er janvier, il devrait être mis en liquidation judiciaire aujourd'hui par le tribunal de commerce.
Et des gagnants
Pourtant, le contexte national semblait laisser entrevoir une embellie. Sur l'ensemble des 200 casinos français la baisse du produit brut des jeux n'est «que» de 2,6%.
Les deux établissements niçois se situeraient dans cette moyenne. Preuve que la baraka n'a pas définitivement quitté les casinos, ceux d'Antibes et Cagnes seraient même en hausse cette année.
De quoi redonner l'envie d'investir aux exploitants. A Beaulieu-sur-Mer, la Rotonde est de nouveau ouverte après quatre ans d'inactivité.
En dépit de la loi Evin, de la concurrence des jeux en ligne, de la Française des Jeux, et d'une fiscalité pénalisante les casinos pourraient donc avoir encore de beaux jeux devant eux.
Cannes : trop de casinos... tue le casino!
La cité des festivals est la seule ville de France qui compte trois casinos sur son territoire. Sur sa Croisette même.
A priori, un atout pour attirer en masse les amateurs de tables et autres bandits manchots qui n'ont que l'embarras du choix entre le Casino Croisette, Les Princes (tous deux concédés au groupe Barrière) et le Palm Beach (groupe Partouche).
Sauf qu'aujourd'hui, aucun des trois établissements ne tire plus franchement son épingle du jeu. Les produits bruts - la différence entre les mises des joueurs et les gains versés par le casino, soit l'équivalent du chiffre d'affaires - affichent une baisse conséquente : - 18,6% entre 2011 et 2014. Concrètement, la perte cumulée flirte avec les 11,5 millions d'euros.
Dans ce contexte dégradé, la question peut donc logiquement se poser : les casinos ne sont-ils pas trop nombreux sur le bord de mer cannois?
Antibes fait jouer la concurrence
Une partie de poker a débuté depuis plusieurs mois entre la ville d'Antibes et la SA Eden Beach Casino, qui gère le site de la pinède.
Le gain ? La possibilité pour le groupe Partouche de jouir encore pendant vingt ans au maximum, du casino, placé au cœur de la station balnéaire. Et, pour la commune, de ramasser, sans perdre de jeton, plusieurs millions chaque année (environ 3 millions en 2013).
La partie est serrée depuis le lancement de la délégation de service public (DSP) et la fin de la concession programmée le 31 janvier 2015.
Seul candidat en lice pour sa succession, le groupe Partouche a jeté ses premières cartes.
Une offre jugée « inacceptable » par la mairie car elle ne prévoyait plus de participation aux animations de la station* et une diminution de la prise en charge d'une partie du déficit du Jazz à Juan**.
Sans surprise, les élus ont donc décidé de voter ce premier appel d'offres infructueux. Et ont ainsi refusé l'offre. Pour autant, ils ont décidé de prolonger d'un an la concession de l'Eden Beach Casino - « aux conditions actuelles » - afin de lancer une nouvelle DSP.
*Environ 500.000 euros pour les feux d'artifices et diverses manifestations.
**Environ 500.000 euros.
Grasse : le tribunal se prononce aujourd’hui
Le moins que l'on puisse dire est que le casino de Grasse est mal en point. Fermé depuis le 1er janvier sur une décision du ministère de l'Intérieur qui ne lui a pas renouvelé l'autorisation d'exploitation des jeux*, l'établissement est au bord de la liquidation judiciaire.
Ses 26 salariés pensaient leur sort réglé mercredi dernier, mais le tribunal a reporté son jugement à aujourd'hui. Ce n'est qu'une fois l'établissement liquidé qu'ils seront licenciés économiques et qu'ils pourront prétendre au chômage.
Le casino est en fait moribond depuis des années. Cédé 400.000 € en mai 2014 par le groupe Boucaud à la holding HFF de l'ex footballeur professionnel Abel Djebbar (à 75 %, Boucaud en conserve 20 %), il n'accueillait que 40 à 60 personnes par jour, pour 15 heures d'ouverture.
Plusieurs repreneurs se sont approchés du dossier (un de La Grande-Motte, un de Mandelieu). Un troisième casinotier (implanté à Nice, Marseille et Cannes) avait fait repousser la liquidation judiciaire, attendue initialement le 11 février.
Le tribunal de commerce avait accordé un délai de neuf jours pour qu'un dossier de reprise soit déposé. Il n'en a rien été. Aujourd'hui, le bruit d'une reprise potentielle court toujours. Abel Djebbar, «dégoûté du milieu des casinos», s'est dit prêt à céder ses parts à 1 € symbolique. Verdict aujourd'hui.
*La police des jeux a relevé des fautes de gestion, incombant au directeur, qui aurait notamment ouvert seul des machines.
Beaulieu mise sur le «haut de gamme»
La crise que vient de traverser la profession n'a manifestement pas dissuadé le Groupe Casino du Golfe. Cet opérateur indépendant a investi beaucoup d'argent pour redonner à la Rotonde de Beaulieu-sur-Mer son lustre d'antan.
Près de 9 millions d'euros ont été nécessaires à la rénovation de cet établissement fermé depuis 2010 et la mise en liquidation judiciaire de son précédant exploitant.
«Casino à taille humaine»
Depuis la fin de l'année dernière, la Rotonde accueille de nouveau les joueurs. «Nous avons fait un pari, reconnaît le directeur de l'établissement, Antoine Herboux. Nous pensons qu'il y a un marché pour un établissement haut de gamme entre Monaco et Nice. Nous avons misé sur un lieu de prestige axé sur le jeu de table. Nous en avons dix. Ce qui nous donne théoriquement le droit d'exploiter 275 machines. Nous avons délibérément choisi d'en avoir 75. Nous misons aussi sur un bon niveau de restauration et un service attentionné. Nous voulons choyer nos clients dans un casino à taille humaine plutôt que de miser sur le volume.»
L'histoire dira si ce pari s'avère payant.
Monte-Carlo accuse une baisse sévère
Si la crise semble épargner l'économie monégasque, elle touche bel et bien les casinos de la Principauté. Au troisième trimestre 2014 - dernier chiffre communiqué -, le secteur jeux de la Société des bains de mer (qui a le monopole) se dégrade de 40 %. Sont notamment touchés les jeux de table.
Jean-Luc Biamonti, président délégué de la SBM, explique que «globalement, la fin d'année a été satisfaisante, sans plus. Le contexte général n'est pas au beau fixe en ce moment.»
En cause, les joueurs « locaux » qui ne sont plus au rendez-vous.
«Ce qui a changé, c'est notre clientèle traditionnelle, à commencer par les Italiens et les Français, moins dépensiers. On a perdu environ 70 % des joueurs transalpins.»
Les casinos de Monte-Carlo cherchent donc à séduire de nouvelles nationalités… d'Europe de l'Est notamment.
«Mais les données économiques de ces joueurs sont différentes. Faire venir le client lointain coûte cher. Et ce sont des habitués des casinos que l'on retrouve à Londres, Vegas ou Macao… Il faut être capable de leur donner les mêmes prestations que celles qu'ils trouvent ailleurs.»
Ainsi, le casino du Café de Paris est ouvert 24 heures sur 24 depuis le 5 juillet. «C'est globalement un succès», se réjouit Jean-Luc Biamonti. Dans cet établissement, cette nouvelle offre permet de pallier la baisse d'activité.
Menton veut s’inscrire dans la durée
Une enveloppe de 3.260.000 €. Astronomique pour le casino de Menton, niché entre le géant de San Remo et le célèbre établissement de la Principauté. Le groupe lucien Barrière n'a pas lésiné sur les moyens pour repenser entièrement son établissement casinotier.
«On veut rendre l'établissement encore plus attractif. Plus moderne avec une identité visuelle que le groupe souhaite développer dans le temps», se justifie Jean-Louis Arniaud, directeur général.
Le premier coup de pioche a été donné début février, pour une livraison dans l'été. Bientôt, donc, les fidèles joueurs pourront faire tinter les machines à sous, siroter une coupe de champagne tout en admirant la vue exceptionnelle sur… la Grande bleue. Comme en 1935.
« L'architecte l'avait imaginé comme ceci à la construction. On veut revenir aux sources architecturales.»
Pas question pourtant de replonger dans l'époque de l'avant-guerre. Le casino voit grand. Voit loin.
«On veut s'inscrire dans les quinze prochaines années et répondre au mieux aux nouvelles attentes des clients.»
Ils sont 300.000 chaque année à tenter de remporter le gros lot. Peut-être plus avec la création future de l'hôtel cinq étoiles dans le quartier de Garavan, pour l'heure bloqué par un recours.
«Il est dur d'évaluer l'impact que cela aura sur notre établissement, nuance Jean-Louis Arniaud. Mais tout ce qui contribue à améliorer l'attractivité de la ville est bon pour les acteurs économiques du secteur. Dont nous…»
A Cagnes-sur-Mer, Terrazur a trouvé sa place
Il est tout jeune le casino de Cagnes-sur-Mer. Âgé de six ans à peine Terrazur (groupe Tranchant) a su attirer une nouvelle clientèle. Des joueurs de passage comme des fidèles.
Esseulé dans la ZAC Saint-Jean, sur la pénétrante Cagnes-Vence, depuis 2009, il se trouve désormais au cœur d'un chantier pharaonique.
Celui de Polygone Riviera, centre commercial de 70.000 m2 qui sera livré en octobre 2015. Un chantier qui lui apporte bien des nuisances entre le bruit des marteaux-piqueurs, l'accès modifié, les déviations. Mais aussi un nouveau vivier de clients.
Une partie des 500 ouvriers qui travaillent sur le chantier sont originaires de Bretagne. Ils déjeunent et dînent au restaurant du casino. Et le soir, ils s'y retrouvent pour jouer.
À ce jour Terrazur (5.000 m2) accueille en moyenne 450 visiteurs par jour. Pour l'année 2013-2014 il enregistre une croissance du produit brut des jeux de 2,3% et un chiffre d'affaires de 18,2 millions d'euros.
Un succès dû «à la politique d'animation du casino» dixit le directeur Zaria Sorovic. Jeux gratuits, scooters, voyages à gagner, nouvelles machines, sont proposés tout au long de l'année.
(source : nicematin.com)