Le procès du plus gros braquage de casino en 2011, à Ribeauvillé, s’est achevé hier avec la condamnation de cinq des six accusés : les deux auteurs, un frère du Strasbourgeois en fuite et deux sœurs du Colmarien qui travaillaient alors dans l’établissement. L’une a été reconnue coupable de complicité, l’autre de blanchiment.
Six jours d’audience auront été nécessaires à la cour d’assises du Haut-Rhin pour se prononcer sur le « complexe dossier » du hold-up commis au casino de Ribeauvillé, où 207 336 € avaient été dérobés le 15 mai 2011 au petit matin. Si l’ex-Strasbourgeois Adel Meddeb (33 ans) est toujours en fuite en Algérie, le Colmarien Yaunesse Ragragui n’a pas changé de discours, allant même jusqu’à présenter ses excuses aux six employés séquestrés : le braquage, c’était bien eux, mais la complicité de sa plus jeune sœur, en revanche… Complice, Hassna Ragragui ? La question a été au cœur des débats. Jugée pour un recel reconnu, mais surtout pour avoir donné des indications sur la sécurité de l’établissement où elle travaillait, la jeune femme (27 ans) a admis « ne pas avoir fait attention à ce qu’ [elle] racontait, mais sans savoir que cela servirait à commettre un braquage ». Condamnée hier à cinq ans de prison dont deux ferme, elle qui a déjà passé un an en détention provisoire n’est pas ressortie libre.
Quinze et dix ans pour les amis braqueurs
Fatiha la sœur aînée (40 ans), qui a reconnu avoir accepté que son frère rembourse les 10 000 € qu’il lui devait en se doutant de leur origine suspecte, a soutenu ne pas les avoir utilisés pour l’achat d’un appartement à Marrakech. La cour n’est pas allée dans ce sens, en retenant le recel et le blanchiment pour une peine de deux ans de prison avec sursis. Son frère Yaunesse a écopé de dix ans de réclusion et Adel Meddeb (en récidive) de 15 ans. Le frère cadet de ce dernier, Bahadin Meddeb, qui a reconnu avoir « réceptionné » 18 000 € cachés par son aîné au domicile familial, ne retourne pas en prison puisqu’il a déjà effectué les deux ans de prison ferme décidés par la cour, en plus de deux ans avec sursis. Enfin, son amie soupçonnée de recel a été acquittée. Les condamnations sont en deçà des réquisitions, sauf pour le fugitif et son frère : la cour a suivi l’avocat général Bernard Lebeau.
248 000 euros pour le casino
Les deux braqueurs et la complice devront verser solidairement 7 500 € de dommages et intérêts à chacune des cinq parties civiles. Les cinq condamnés devront indemniser ensemble (mais Fatiha et Bahadin « seule-ment » jusqu’à 10 000 € et 18 000 €) le casino à hauteur de 196 814 € (les billets volés n’ont pas été retrouvés), 10 522 € (les pourboires disparus), 20 000 € pour la « perte de recette » (l’établissement devant être fermé pendant dix heures après les faits), 6 157 € pour couvrir le suivi post-traumatique des victimes et 5 000 € pour préjudice moral au titre d’une atteinte à l’image. Le casino devra donc toucher 238 493 €, plus les 10 000 € restitués au juge par Fatiha.
Le verdict a été rendu dans le calme, aucun incident d’audience n’étant d’ailleurs à déplorer pendant cette semaine de procès, hormis l’expulsion de deux hommes de l’assistance, qui refusaient de montrer leur téléphone portable éteint.
Si Me Bergmann, conseil de Yaunesse Ragragui, n’interjettera pas appel, l’avocate de Hassna préférait ne pas exclure cette possibilité « à chaud ». Les autres condamnés n’ont a priori aucun intérêt à demander un nouveau procès. Au final, l’absence d’un des deux braqueurs laisse malgré tout « un sentiment d’inachevé » , comme l’avait souligné l’un des avocats de la défense. Cela dit, il aurait très bien pu ne pas y avoir de procès du tout, l’identification des braqueurs tenant à deux grains de sable dans un plan presque parfait : le fait qu’ils aient garé leur fourgon de location, auquel il manquait trois enjoliveurs, sur un parking voisin où ils n’avaient pas aperçu les caméras de surveillance… Ce vol à main armée, le plus lucratif de l’année par rapport aux dix autres commis dans des casinos français, fut aussi le seul où un auteur a été interpellé.
Bien sûr, on ne peut qu’imaginer la violence de ce qu’ont vécu les six employés séquestrés lors du braquage, sous la menace d’une hachette et d’un pistolet. Mais on comprend plus aisément l’appréhension qui pouvait monter à l’approche du procès : évoquer à nouveau ces souvenirs, devant l’un des agresseurs… Proches, certains des employés qui se connaissaient bien l’étaient déjà avant les faits, mais au-delà du traumatisme, cette expérience semble tous les avoir soudés par un lien difficilement descriptible : « Après les faits, on n’avait pas forcément envie d’en reparler beaucoup en famille, mais comme on a vécu la même chose, on se comprend sans avoir besoin de mots » , confiait l’un d’eux pendant une interruption d’audience. Lundi, au troisième jour du procès, lors d’une pause, l’une des victimes est même parvenue à en sourire « pour la toute première fois » , en faisant remarquer que l’astrologue du magazine télé avait vu juste en lui annonçant « une semaine tout sauf calme ». Un indice, sans doute, de la prise de distance difficile mais nécessaire que peut faciliter un tel procès. Après une semaine à aborder le fond des choses en se serrant les coudes sur les bancs de la cour, les parties civiles en sont ressorties éprouvées, mais globalement satisfaites du verdict, et avec l’envie plus vive que jamais d’ « enfin tourner la page ».
(source : lalsace.fr/Jean-Frédéric Surdey)