Ce fut le braquage de casino français le plus lucratif de l’année, avec près de 200 000 € dérobés à Ribeauvillé le 15 mai 2011. Si l’un des auteurs présumés a fui en Algérie, l’autre est jugé depuis hier à Colmar devant la cour d’assises, avec quatre autres accusés
Une dizaine de braquages avaient été perpétrés dans des casinos de l’Hexagone lors des douze mois précédant celui de Ribeauvillé, une série impressionnante le plus souvent attribuée à des bandes lourdement armées, comme de l’autre côté de la frontière, à Bâle, un peu plus d’un an avant les faits. Mais ce 15 mai 2011, ce sont deux hommes munis d’un pistolet et d’une hachette qui ont dérobé le butin le plus important de l’année dans un casino français, en n’hésitant pas à menacer et séquestrer six employés.
Dix mois ont été nécessaires aux gendarmes avant de procéder à l’interpellation de huit personnes, soupçonnées d’être impliquées à des degrés très divers. Cinq d’entre elles sont finalement jugées depuis hier devant les assises, en plus du fuyard, forcément par défaut (lire encadré ci-contre). La cour ne se penchera qu’à partir d’aujourd’hui sur les faits : hier, elle a examiné le parcours de vie des accusés, tandis que la présidente Laurence Glesser a lu l’ordonnance de mise en accusation en rappelant bien que « cet exposé ne saurait préjuger de la culpabilité des uns et des autres ».
Le pistolet sur la nuque
Il en ressort toutefois que 196 814 € ont été dérobés : près de 139 000 € dans des caisses de machines à sous et 58 000 € dans le coffre, sans compter 10 000 € de pourboires qui auraient également disparu. D’après les caméras de vidéosurveillance de la commune puis de l’établissement (à l’intérieur, ces dernières ont été recouvertes de peinture noire), le duo a stationné un fourgon sur un parking voisin au centre équestre, peu avant 5 h du matin ce dimanche-là. À 6 h 22, le visage recouvert d’une cagoule et d’un casque de moto, tous deux ont menacé, avec le pistolet sur sa nuque, une employée qui venait de garer sa Peugeot : tout en répétant ne pas lui vouloir de mal, ils ont dérobé sa clé de voiture et son badge d’accès, et l’ont contrainte à ouvrir la porte de service avant de lui nouer les mains, de la bâillonner et de lui demander de les conduire dans la salle de comptage des recettes, qui mène au coffre-fort.
Deux des trois employés qui s’y trouvaient, puis deux femmes de ménage arrivées plus tard, ont été à leur tour ligotés et bâillonnés, les oreilles recouvertes de casques antibruit trouvés sur place, tandis qu’un cadre membre du comité de direction a été sommé d’expliquer le processus d’ouverture du coffre, qui impose de composer deux fois un code à dix minutes d’intervalle. Toujours en pointant l’arme de poing vers sa nuque, les malfaiteurs en ont profité pour lui faire ouvrir les caisses de recettes des machines à sous, en exigeant de commencer par celles du bas, les mieux fournies, ce qui n’a pas manqué d’intriguer le responsable…
Un détail décisif
Comme ils venaient de répandre un produit de nettoyage dans le local du coffre non ventilé, ils ont renoncé à y enfermer les prisonniers et les ont laissés, presque tous sans leurs entraves, dans la salle de change (équipée d’un téléphone qui a ensuite permis au responsable de donner l’alerte). Ils ont alors « emprunté » la Peugeot de l’employée, puis l’ont aspergée d’huile qui se trouvait dans le coffre, avant de disparaître avec le fourgon. Il était 7 h 13. Aucune des six victimes n’a vraisemblablement reçu de coups.
Les traces ADN ne se révélant pas probantes et les auditions ne suffisant pas à identifier des suspects, comment les enquêteurs ont-ils pu remonter jusqu’aux braqueurs présumés ? C’est en remarquant, sur une bande vidéo de la commune, que le fourgon d’une société de location était dépourvu d’enjoliveurs sur trois roues, qu’ils ont pu remonter jusqu’au véhicule et à un jeune homme, qui a déclaré l’avoir loué pour le compte d’un ami strasbourgeois : un détail décisif. Âgé aujourd’hui de 33 ans, ce dernier est l’accusé actuellement en fuite. En effet, la section de recherches a constaté qu’il était en contact régulier ces derniers temps avec un Colmarien de 37 ans, qui a fini par reconnaître leur participation. Deux des sœurs de ce dernier, qui travaillaient au casino, comparaissent aussi : la cadette pour complicité et recel, et l’aînée pour recel et blanchiment. Tandis que le frère du Strasbourgeois et l’une de ses amies comparais-sent pour recel. Les cinq accusés présents sont-ils impliqués dans tous les faits reprochés, et dans quelle mesure ? La cour se donne jusqu’à mercredi prochain pour éclairer les choses, puis trancher. Les accusés encourent 20 ans de réclusion, sauf le fugitif et son frère, en récidive, qui risquent la perpétuité.
Du côté des victimes, quatre sur six se sont constituées parties civiles, ainsi que le casino. Le butin n’a pas été retrouvé, mais la sœur aînée a remis 10 000 € qui, selon elle, en proviendraient.
(source : lalsace.fr/Jean-Frédéric Surdey)