Les jeux seraient-ils définitivement faits pour les établissements de Vernet, Font-Romeu et Amélie ? Asphyxiés par les charges, ils pourraient se retrouver au tapis dès la rentrée.
Visage grave, sourcils froncés, Jean Peyrat accueille ce jour-là ses collègues de Font-Romeu et d'Amélie-les-Bains pour une réunion de crise. Placée sous l'égide de la sous-préfète de Prades, Mireille Bossy, cette séance de travail est destinée à mettre à plat tous les problèmes auxquels sont actuellement confrontés les trois derniers casinos indépendants des P.-O., aujourd'hui placés en redressement judiciaire. Le directeur de l'établissement de Vernet-les-Bains est catégorique. "Si rien n'est fait, si l'Etat ne prend pas en compte nos difficultés, je plie boutique à la rentrée". Un crève-cœur. "Vous vous rendez compte. J'ai 21 ans de jeu derrière moi. Ici : on a tout créé. Ce casino, c'est un investissement de 2 millions d'euros. Du jour au lendemain, je perds tout". Avec pour funeste corollaire les inévitables incidences induites sur l'emploi. José Gimenez, le PDG du casino de Font-Romeu, fait les comptes. "A nous trois : on pèse 28 CDI, 39 saisonniers et 2,2 M€".
Peu de chose, sans doute, au regard des cinq autres casinos du département adossés à de puissants groupes. Une peccadille, certes, à l'échelle de prestigieux autres casinotiers français. "Ils n'en sont pas moins un vecteur important de l'attractivité et de l'aménagement du territoire", plaide la sous-préfète. "Gare à l'effet cascade, renchérit Jean Peyrat. Aux conséquences dramatiques que la disparition de nos casinos aura forcément sur le thermalisme".
François Hollande alerté de la situation
Une situation alarmante qui s'explique en partie par les effets conjoints d'une fiscalité lourde et complexe, d'une réglementation tatillonne et une baisse générale de la fréquentation. "Les règles en matière de prélèvement sont les mêmes pour des casinos comme les nôtres, ou celui d'Enghien, par exemple, qui génère, lui, un chiffre d'affaires de 180 M€", constate dépité Antoine Gasquez, le directeur et propriétaire de l'établissement d'Amélie-les-Bains.
Des charges plus contraignantes donc à assumer lorsqu'il faut, parallèlement, encaisser de plein fouet, l'effet crise, le changement d'habitudes liées à la loi antitabac et l'impossibilité de mutualiser les fonctions. "Qu'il y ait un ou dix joueurs en salle, nous avons pour obligation d'employer au minimum cinq personnes différentes : un contrôleur aux entrées, un croupier, un caissier, un chef de table, un membre du comité de direction et accessoirement quelqu'un pour la sécurité".
La masse salariale fixe s'en trouve du coup, elle aussi, singulièrement alourdie. Consciente de la nécessité de trouver une "solution d'urgence", la sous-préfète s'est engagée à peser de tout son poids pour faire "remonter au niveau central" et sensibiliser les élus locaux pour qu'ils servent de relais. "Il faudrait pouvoir être en mesure de prendre une position de principe, se risque Mireille Bossy. Geler et étaler les prélèvements avant d'envisager une éventuelle refonte de la législation sur les jeux".
Pour sa part, José Gimenez en a déjà appelé au président de la République en personne. Courrier à l'appui. Avec copie au Premier ministre et au ministre du Travail. Pour l'instant, en vain.
(source : lindependant.fr/Jean-Luc Bobin)