Le casino, une entreprise normale ? C’est ce que prétend Romain Tranchant, patron du Seven casino d’Amnéville et directeur général du groupe. A l’opposé de son bouillonnant père, il apparaît comme la force apaisante du groupe.
Il a ce côté prudent. Une personnalité qui ne se laisse pas facilement découvrir, même si elle se dévoile un brin facétieuse. Romain Tranchant, gestionnaire aux allures de gendre idéal, dans l’ombre, ou plutôt bien en place, dans les traces de son père, Georges, 84 ans. Le roi des casinos.
Romain, c’est le n°2 d’une fratrie de trois garçons. Benjamin et Sébastien, tous embringués dans l’aventure familiale. Lui, c’est le directeur général du groupe et ses 1 200 salariés, l’homme qui a permis de recoller les morceaux, à Amnéville, après dix années de guerre Tranchant père/Kiffer.
Des tribulations avec l’ancien maire d’Amnéville et ses conséquences actuelles, il ne lâche mot. Tout l’inverse de son père qui volontiers rejoue le film. « On portait à bout de bras l’irréalisme Kiffer. Il a créé le Kifferland, des activités mal conçues économiquement. Maintenant, il reste les scories. Et la nouvelle équipe hérite d’une machine infernale. Le site est devenu ingérable. Ça tire dans tous les sens.»
Gestionnaire et badin
La nouvelle équipe, les anciens amis devenus ennemis, le fils les a souvent en ligne. « J’écoute. » Conseiller de l’ombre, la politique ne le tente pas. Ce qu’il veut, c’est voir Amnéville rester en tête du groupe, quatrième établissement de France devant Deauville et Cannes, ex aequo avec celui de Bâle ! Alors, le pôle thermal et touristique d’Amnéville, il a tout intérêt à ce qu’il reste debout et ne s’écroule pas « tel un domino géant », comme le prédit son père. Même s’il sait que la situation politique est explosive, «?c’est Hiroshima là-bas! » La figure paternelle, forte, bouillonnante, omniprésente, elle a « ses avantages et ses inconvénients », balise-t-il. Il admet qu’il ne le laissait pas facilement décider. Aujourd’hui, pour les dossiers importants, « on en parle. On a nos complicités ». L’homme jure qu’il n’est pas susceptible : « J’ai du caractère, mais je suis souple. Ça ne sert à rien de se prendre la tête. Faut être cool. J’aime bien vanner ».
Vrai qu’il a ce côté œil rieur, dans un visage mobile hérissé de cheveux déjà gris. Toujours prêt à contourner la question par une répartie malicieuse. L’artillerie lourde, c’est pas son truc, lui préfère jongler. À 40 ans tout pile, il « pense avoir acquis de la maturité. J’ai plus de recul, plus de calme. Je ne vois pas les choses pareilles. ». Cool, quoi.
« Sans machines à sous plus de casinos »
Vu de l’extérieur, sa vie ressemble au long fleuve tranquille. « Un bon fils, confirme son père. Il me supporte. Un bon patron », assure-t-il en le regardant. Pragmatique, Romain a fait des études d’expert-comptable, « une formation complète ». D’autant qu’il avait déjà intégré le groupe. « Je travaillais tout en suivant mes études. J’ai pris les choses très en amont ».
Vingt-deux ans qu’il travaille dans le monde du jeu. Le groupe, créé en 1987, en compte vingt-cinq. Il a tout vu, tout suivi. L’arrivée des machines à sous en 1988, « c’était indispensable. Sans machines à sous, plus de casinos en France ». Les bandits manchots ont profondément changé la fréquentation et la typologie des clients, « ça a mis le casino à portée de tous, l’a rendu plus populaire ».
On s’interroge sur l’utilité de rendre plus accessible des établissements de jeux, titille l’homme sur ce métier pas comme les autres. Il balaye le tout d’un air badin, « ça ne m’a jamais dérangé. Je me sens responsable d’une entreprise. Je ne suis ni proxénète, ni trafiquant de drogue ! »
L’homme s’amuse : « Il y a des fichiers d’interdits de casino, mais on ne fait rien pour les addicts au shopping. » Plus sérieusement, il attaque : « La Française des jeux utilise de gros moyens marketing, nous pique des parts de marchés et tout ça, sans contrôle, ni programme contre les addictions ! » Lui, parle de casinos créateurs de lien social. « A Amnéville les après-midi, les gens viennent pour y passer du temps, discuter. » Rendez-vous à la troisième machine au fond à droite ? Avec quelques pièces en poche, tout de même !
Lui, ne touche pas au jeu. « C’est pas ce qui m’amuse le plus », dit-il. On ne saura pas ce qui l’amuse… pas touche à la vie privée.
« Le jeu, c’est inhérent à la nature humaine. Le jeu d’argent, c’est sa suite logique. » Une suite qui n’est pas forcément au mieux de sa forme économique. Romain Tranchant ne joue pas les pleureuses. Le groupe ne connaît pas d’endettement, mais admet la tendance baissière des revenus. « Faut se battre, donner envie aux gens de venir. En 2008, l’interdiction du tabac nous a fait perdre 20 %. Depuis, avec la crise, on ne l’a jamais récupéré. »
(source : republicai
n-lorrai
n.fr/Laure
nce SCHMITT)