MAISONS DE JEU Le face-à-face des deux géants européens
Qui l'eût cru? La Suisse, pays encore interdit aux maisons de jeu il y a trois ans, sert aujourd'hui de champ de bataille aux deux géants européens. Enjeu: le Valais et ses casinos, dont celui de Zermatt (fermé depuis Noël), ainsi que Saxon, qui a dû arrêter ses activités en juin 2002 et licencier ses 72 employés, n'ayant pas obtenu la concession fédérale. Berne lui avait préféré Montana et Zermatt, des «casinos de montagne» à la place de celui de la plaine du Rhône, à Saxon, un «casino de ville».
Mais la roulette tourne et les perdants d'hier pourraient bien être les gagnants de demain. Appartenant à la bourgeoisie zermattoise et, pour un quart, à la Saarland Spielbank, un établissement bancaire allemand, le Casino de Zermatt n'a pas rouvert ses portes à Noël («Le Matin dimanche» du 4 janvier). Le président de la commune bourgeoise, Andreas Biner, cherche depuis lors un repreneur aux reins solides. Il s'est tourné tout naturellement vers les deux géants français, le groupe Lucien Barrière et le groupe Partouche, les deux leaders européens.
Tour de passe-passe?
Le groupe Partouche, qui était encore numéro un européen il y a un mois avant de se faire devancer par son concurrent Barrière, a décliné l'offre pour une bonne raison. Après avoir ouvert le Casino du Lac à Meyrin en juillet dernier, Isidore Partouche a réinvesti des fonds dans le Casino de Saxon, que l'on croyait pourtant condamné à jamais. L'opération a été combinée avec l'achat de l'Hôtel du Parc, à Martigny (VS), via une OPA sur la Compagnie Européenne des Casinos. Partouche débourse même 200 000 francs par an pour le seul entretien de la vénérable bâtisse datant de 1861, a confié le président du Casino du Lac, l'avocat-notaire fribourgeois Albert Nussbaumer, à la Tribune de Genève.
Un député valaisan, Laurent Léger, souhaite relancer le dossier sur le tapis vert politique et a déposé une interpellation au Grand conseil valaisan. Selon lui il suffirait de transférer l'autorisation d'exploiter de Zermatt à Saxon si le casino zermattois ne remplit plus les conditions légales. Un avis que ne partage pas Me Nussbaumer: «Chaque demande de concession répond à des critères propres. Avec ou sans Zermatt, Saxon est à nos yeux parfaitement viable.»
Valaisans du Bas contre Valaisans du Haut? Le tour de passe-passe nécessite toutefois l'accord de la Berne fédérale: «Dès que 5% du capital social d'une maison de jeu change de mains, nous avons notre mot à dire», confirme Jean-Marie Jordan, le nouveau directeur du secrétariat de la Commission fédérale des jeux. «Les concessions ont été délivrées pour cinq ans en 2001, il faudra attendre 2006 pour que le Conseil fédéral réexamine la situation.»
L'appétit de Barrière
En attendant, pour éviter de voir la balance trop pencher en faveur de Partouche, Barrière étudie le rachat du Casino de Zermatt ou des 25% en mains allemandes. Zermatt rouvrant ses portes, les chances de Saxon baisseraient d'un cran.
La question est brûlante à Paris. Le président du groupe Barrière, Dominique Desseigne, ne veut pas se prononcer avant quinze jours. Une réorganisation du réseau des casinos de Barrière en Suisse est aussi dans l'air. Avec le rachat d'accor Casinos en janvier dernier, c'est un groupe de trois maisons de jeu qui lui appartient désormais: Montreux et ses grandes tables aux côtés de Fribourg et Courendlin (JU). Et peut-être bientôt Zermatt pour un carré d'as?
(source : lematin.ch/OLIVIER GRIVAT)