De la Corée du Sud au Vietnam, de Singapour au Népal ou au Cambodge, les casinos poussent comme des verrues en Asie mais seuls les étrangers ont le droit de s'y ruiner ou d'y faire fortune.
En Asie, les gouvernements n'ont pas peur du paradoxe. Ils ont résolu par la proscription l'aporie socio-économique suivante : comment capter les sommes considérables brassées dans les salles de jeu sans favoriser des addictions massives dans la population ? Comment promouvoir l'emploi sans créer du désespoir ?
« Notre sentiment est que les Sud-Coréens ne sont pas mûrs pour vivre les jeux d'argent comme un simple loisir », explique Kim Jin-Gon, directeur du tourisme au ministère sud-coréen de la Culture. « Nous leur interdisons les casinos parce que les retombées négatives seraient trop importantes », assure-t-il.
Un choix cornélien quand on sait ce que rapportent les casinos : 38 milliards de dollars US (28,4 milliards d'euros) en 2012 pour Macao, seul territoire chinois autorisant les jeux d'argent. C'est loin, très loin devant Las Vegas, près de quatre fois le budget annuel du ministère français de la Culture et davantage que le chiffre d'affaires annuel du groupe de luxe LVMH.
Mais le coût des jeux d'argent est également astronomique en termes d'addiction, de familles brisées, de marginalisation sociale et d'activités mafieuses. Or les Sud-Coréens sont vulnérables à la ludomanie, pratique pathologique du jeu, affirment les autorités en s'appuyant sur l'affluence dans l'unique casino du pays autorisant les nationaux.
Situé, à dessein, à plusieurs centaines de kilomètres de Séoul, dans une région de montagne, il ne désemplit pas : ses revenus (1 200 milliards de wons, 847 millions d'euros) dépassent ceux des 16 autres établissements réservés aux étrangers.
Une manne financière supérieure à Las Vegas
Le Népal himalayen et le Vietnam communiste ne fonctionnent pas autrement. Le premier casino vietnamien a ouvert en 1992. Le pays en compte désormais sept qui ont généré 1 500 milliards de dongs (54 millions d'euros) de recettes fiscales l'an dernier. Les Vietnamiens, amateurs de paris clandestins, en sont interdits. Qu'à cela ne tienne, ils se rendent au Cambodge voisin dont les casinos prospèrent essentiellement grâce à eux.
Les Cambodgiens, cela irait presque sans dire, sont interdits de jeu à l'intérieur de leurs frontières et c'est tout naturellement au Vietnam qu'ils viennent dépenser leurs riels, la monnaie nationale.
Singapour, autre Mecque régionale des jeux d'argent, ne fait pas davantage confiance à ses citoyens mais la cité-Etat recourt à d'autres moyens que la prohibition : un droit d'entrée de 100 dollars de Singapour (60 euros) est censé dissuader les fauchés tentés de se refaire au bandit-manchot.
Les casinos du complexe Marina Bay Sands, inauguré en juin 2010, sont en revanche expressément interdits aux personnes ayant connu une faillite industrielle. Depuis 2011, la mesure est étendue aux chômeurs et aux personnes dépendantes de l'aide sociale. « Sur le plan social, nous pensons que ces dispositions sont efficaces mais c'est un peu tôt pour le dire avec certitude parce que les casinos ont ouvert il y a deux ans et demi seulement », admettait récemment le Premier ministre Lee Hsien.
Les casinos de Singapour ont généré environ 5 milliards de dollars US de revenus en 2011. Une manne qui aiguise les appétits financiers au Japon où les contempteurs de la prohibition font valoir que des millions de Japonais se rendent quotidiennement dans des salles de « pachinko », sorte de flipper-machine à sous.
Les Taïwanais, eux, pourraient eux avoir bientôt leur casino, les habitants des îles Matsu s'étant prononcés lors d'un référendum local pour l'ouverture du premier établissement de l'archipel.
(source :
paris-normandie.fr)