Des tables de jeux de deauville aux cinq-étoiles de la Croisette en passant par le Fouquet's, le nom Barrière est devenu synonyme de luxe et de divertissement.
Ils en ont vu défiler, du beau linge, les établissements du groupe Barrière ! Bien avant l'invention de la jet-set et des people, ses palaces et casinos servent de terrains de jeu à la « Café Society ». Entre les Années folles et les sixties, l'appellation renvoie à un petit monde léger et brillant composé d'aristos fauchés, de milliardaires américaines et de capitaines d'industrie qui attirent à eux comme des aimants les artistes confirmés ou en devenir. Coco Chanel, André Citroën et Françoise Sagan en défrayent la chronique. Lorsqu'ils n'assistent pas à des fêtes somptueuses, on les retrouve sur les champs de courses ou autour des tables à roulette de deauville.
Car c'est là que tout a commencé, il y a cent ans, quand Eugène Cornuché décida de construire un casino puis un premier hôtel, le Normandy. Objectif : concurrencer Trouville, qui a alors les faveurs de la bonne société parisienne. La nouvelle station éclipse vite sa rivale, laquelle, avec Cabourg, avait inspiré « Le Balbec » de Marcel Proust. Après la Première Guerre, l'associé d'Eugène Cornuché, François André, se lance sur le même modèle à La Baule avec l'hôtel Hermitage inauguré en juillet 1926. Un an plus tard, il prend la tête de la Société des Hôtels et Casino de deauville, où il entreprend la construction de l'hôtel du Golf, puis du golf lui-même en 1929. Familier des riches et des puissants, l'entrepreneur conçoit pour eux des lieux de villégiature luxueux mariant le sport aux jeux. Bien avant l'ère du tourisme de masse, il plante son drapeau à Chamonix, Contrexeville et Le Touquet.
Entré dans le groupe en 1951, Lucien Barrière, neveu de François André, lui succède onze ans plus tard. C'est lui qui regroupe les établissements créés par son oncle sous une bannière à son nom, la Société Hôtelière de la Chaîne Lucien Barrière, qu'il enrichit de nouvelles installations à Dinard, Royan et Cannes - avec la rénovation du Majestic. Sur le modèle du Festival de Cannes, justement, il participe en 1975 à la création de celui de deauville, qui prend pour thème le cinéma américain.
37 casinos et 15 hôtels de luxe
Ses hôtels, lui et sa femme, Martha, y vivront toute leur vie, contribuant à crédibiliser le slogan maison « Tout faire pour la satisfaction et le confort du client ». Vingt-deux ans après sa disparition, le souvenir de Lucien Barrière reste vivace. Sa simplicité et son bon sens paysan fournissent la matière d'anecdotes pieusement consignées - par exemple sur le sens de l'économie qui lui fait éteindre les lampes dans les pièces inoccupées. Proche du petit personnel, il ne rate jamais le tournoi de foot des salariés de la station de deauville. Donnant l'exemple, toujours. « Ayant constaté que le restaurant était presque plein, je l'ai vu avec sa femme et sa fille renoncer à sa table et se contenter d'un sandwich au bar du Royal », raconte David Parré, entré à dix-huit ans dans le groupe, qu'il n'a jamais quitté et dont il dirige aujourd'hui les huit casinos du Sud-Ouest.
Familial, le Groupe Lucien Barrière l'est resté tout en continuant à grandir. Diane, fille adoptive de Lucien, acquiert le casino de Biarritz. C'est elle aussi qui choisit le décorateur Jacques Garcia pour rénover les établissements de la chaîne. Il leur imprime son style post-rococo et cossu, qui sied comme un gant au Fouquet's, la célèbre brasserie des Champs-Elysées à Paris, rachetée en 1998 et auquel Diane et son mari, Dominique Desseigne, vont ajouter un palace. A la mort de Diane en 2001, des suites d'un accident d'avion, Dominique a repris le flambeau, qu'il transmettra le moment venu à leurs deux enfants, Alexandre et Joy, troisième génération Barrière.
En attendant, ce manager play-boy, attentif à sa ligne (il ne boit pas une goutte d'alcool) a donné un formidable essor au groupe, notamment dans les jeux, poker compris. Le mariage avec la branche casinos du groupe Accor en a fait le numéro un du secteur en France. Voire en Europe. A la tête de 37 casinos, 15 hôtels de luxe et de quelque 130 restaurants et bars, le groupe Lucien Barrière pèse aujourd'hui plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et emploie près de 6.500 personnes.
A Marrakech et en Asie
Est-ce à sa formation de notaire qu'il faut imputer son amour de la pierre ? Toujours est-il qu'à rebours de la tendance actuelle dans l'hôtellerie, le Groupe Lucien Barrière est resté propriétaire de ses murs. « Nous ne cédons pas à la facilité consistant à céder le patrimoine immobilier », affirme Dominique Desseigne, faisant valoir que « lorsque le marché se retourne, on est bien content de ne pas avoir à payer des loyers ».
Inauguré l'an dernier, l'établissement de Ribeauvillé, au coeur du vignoble alsacien, marie toutes les composantes d'un « resort » : casino, hôtel 4 étoiles, salle de spectacles, auxquels s'ajoute un centre de balnéo et spa. Le tourisme champêtre est loin d'être le seul axe de développement futur du groupe. Dominique Desseigne a aussi entrepris son internationalisation avec l'ouverture, en 2009, du Naoura Barrière, un riad à Marrakech. En Asie, et plus particulièrement en Chine, c'est sous la marque Fouquet's qu'il prépare son déploiement. Porte-drapeau de la gastronomie et de l'art de vivre français, le nom devrait par ailleurs être décliné en un parfum et une gamme de produits dérivés commercialisée dans les casinos et les hôtels du groupe.
(source : lesechos.fr/VALERIE LEBOUCQ)