Cet homme de 26 ans, salarié sur une plate-forme pétrolière et drogué aux parties de poker sur Internet, a perdu 100 000 € en quatre ans.
Julien est la preuve que ça n’arrive pas qu’aux autres. « Je me suis toujours demandé qui sont ces guignols qui se retrouvent endettés à cause de la dépendance au jeu. En 2008, j’ai commencé à fréquenter les casinos, puis j’ai joué au poker en ligne. Ç’a été l’engrenage. En quatre ans, j’ai perdu plus de 100000 € », témoigne ce jeune homme de 26 ans originaire d’Odos (Hautes-Pyrénées).
Endetté auprès de proches, brouillé avec d’autres, ce drogué du jeu a demandé en février 2011 à être interdit d’accès aux casinos, cercles et sites de jeu en lignes agréés. Or ce système censé le protéger de son addiction a connu des ratés.
« Mon client a quand même pu continuer à jouer au poker sur Internet. La situation a perduré en raison de l’inertie de l’administration », explique Me Emmanuel Ludot, qui vient d’obtenir une décision de justice sans précédent. Le 5 mars, le tribunal administratif de Pau (Pyrénées-Atlantiques) a enjoint au ministère de l’Intérieur de procéder à l’inscription effective et immédiate de Julien sur le fichier des personnes interdites de jeu, mettant ainsi en lumière les failles de ce dispositif préventif.
Les autorités ont estimé qu’il n’y avait pas d’urgence
Le jeune homme, employé sur les plates-formes pétrolières et disposant d’un bon salaire, n’a pas résisté à la tentation et a replongé. Malgré la promesse faite à son ex-petite amie d’arrêter, Julien s’est à nouveau connecté à partir de mars 2011 sur Internet pour de longues et coûteuses parties de poker. « Malgré ma demande d’interdiction, je pouvais ouvrir des comptes sous mon vrai nom sans que les sites me trouvent en consultant le fichier des interdits. En moins d’un an, j’ai perdu environ 40000 € », confie-t-il. Me Ludot a alors déposé une requête devant le tribunal administratif pour que le vœu de ce joueur « souffrant d’une grave addiction » soit enfin respecté.
De son côté, le ministère de l’Intérieur a estimé qu’il n’y avait pas d’urgence, soulignant qu’il s’était écoulé près d’un an entre la demande d’interdiction présentée par Julien et le signalement que celle-ci n’était pas appliquée. De plus, il a soutenu dans son argumentation que l’intéressé allait sur des sites non agréés et que sa mesure d’interdiction était effective.
La décision rendue le 5 mars lui a donné tort. Julien a vérifié s’il était enfin persona non grata sur les sites de jeu en ligne. « Jeudi, j’ai pu ouvrir un compte et jouer 80 €, puis j’ai été bloqué. La mesure d’interdiction semble fonctionner », confiait hier le drogué du jeu, soulagé.
(source : leparisien.fr/Geoffroy Tomasovitch)