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 Gambling France :  publication 
 LES POUVOIRS DES JEUX D’ARGENT, LES JEUX D’ARGENT & LE POUVOIR 
  La  dernière livraison de la Revue  Pouvoirs est consacrée  aux jeux d’argent
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     Le dernier numéro de la revue Pouvoirs (1) - la  	revue Française d’études constitutionnelles et politiques  	dirigée par Olivier Duhamel, Marc Guillaume et Claire Zalc - aurait  	pu s’intituler , Les pouvoirs  	des jeux d’argent,  les jeux d’argent & le pouvoir,  	tant il est vrai que la Politique des jeux – produit d’une lente  	construction historique – comme le précise Simon  	Georges (2) dans son article,  	révèle une tentative constante de maitrise étatique qui passe par  	la prohibition, l’interdiction/autorisation, pour aboutir à  	différentes formes de régulation/fiscalisation  toujours partielle  	et en construction, la dernière en date datant du 12 mai 2010 et  	concernant les jeux en ligne. Mais si cette loi,  note ce  	« fonctionnaire » (3), a recomposé la régulation des  	jeux et permis l’émergence d’un droit commun, elle a procédé  	à l’encadrement légal d’un secteur -  le gambling virtuel - qui s’est essentiellement développé au départ « en  	marge de l’intervention de l’Etat ».
 
  
     C’est sans doute pour cette raison que Jean-Pierre Alezra – le  patron  	de la Police des jeux - souligne  	(4) que la révolution des jeux par internet et la mondialisation  	ludique, favorisent « les dérives criminelles » de  	l’ensemble du secteur et qu’il convient de ne pas baisser la  	garde en matière de droit pénal et « d’adapter le  	dispositif français », qui repose sur un service d’enquête  	spécialisée, un arsenal législatif, un traitement judiciaire pour  	lutter contre toutes les formes de fraude et de mainmise du crime  	organisé dans le domaine du jeu.
 
  
     Mais par définition, cette « révolution  	numérique des jeux d’argent » (5),  que Christophe  	Blanchard Dignac ( PDG de la Française des jeux) analyse dans le détail  et  - c’est à souligner - dans un  	esprit d’ouverture  ( «  il n’y a pas dans ce domaine une  	opposition entre libéraux et interventionnistes…le débat ne fait  	que s’ouvrir » ) ne concerne pas uniquement la France . Francis Donnat maitre de requête  	au Conseil d’Etat, actuellement  	référendaire à la Cour de Justice de l’UE, détaille avec  	précision ( c’est sans doute l’article le plus didactique) les  	contradictions de la position Européenne. Il n’y a pas de texte  	de droit spécifique applicable en matière de jeux d’argent, qui  	ont été exclus du champ d’application de la directive sur le  	commerce électronique et aussi de celle relative aux services dans  	le marché intérieur. F. Donnat montre, avec de nombreux exemples,  	que faute de droit, c’est la « jurisprudence » de la  	Cour de justice de l’UE qui a progressivement forgé les règles.
 
  
     François Trucy ( Sénateur) -   après avoir analysé - en sociologue -  les multiples aspects  	du gambling, qualifié  	de « phénomène social majeur » (5),  rappelé  à  	l’opposition l’absence de variation significative des politiques  	des jeux suivant la couleur des partis au pouvoir, narré de manière  	critique la chronologie de la loi de mai 2010 qui s’est faite dans  	« l’urgence » décrétée par le gouvernement et le  	ministre du budget de l’époque (Eric Woerth) -  revient sur cet  	aspect européen du dossier. Après, avoir rappelé la «   	partie de bras de fer «  qui s‘est jouée entre l’Etat  	Français et l’UE et notamment le commissaire MC Creevy, après  	avoir reconnu «  qu’il n’est aisé pour un gouvernement de  	dire qu’il légifère sous la contrainte, fut elle européenne »  	le Sénateur du Var croit pouvoir espérer, que le « petit  	livre vert »  (6) de Michel Barnier soit « le document  	plus ou moins fondateur d’un début de politique des jeux dans  	l’UE. » 
  
     Retour salutataire en France avec l’article du  	professeur de droit Jean Louis  	Harouel  ( Paris 2 Panthéon Assas) qui  	montre que la longue histoire du jeu en France – de François 1° au pari en ligne (7)  	– est en fait l’histoire d’une longue prohibition, que l’Etat a su  	dépasser après de nombreuses vicissitudes, pour assurer la  	sécurité des jeux et des joueurs, tout en procurant «   	d’importantes ressources à la collectivité ». Assurément,  	 les principaux acteurs politiques  qui viennent d’autoriser les  	jeux en ligne et débattre dans les deux Assemblées, ne pensaient  	pas autrement que leurs prédécesseurs. En ce sens, il y a bien une  	continuité dans la Politique des jeux Française, malgré ses  	retards incohérences et contradictions, c’est celle de la  	continuité de l’Etat…Croupier, qui souhaite contrôler/exploiter  	ce « merveilleux impôt volontaire », ce que personne ne  	conteste. C’est la double casquette de l’Etat Croupier qui est  	contestée par certains, le montant de la fiscalité, l’aspect  	liberticide d’une partie de la réglementation, ensemble qui à  	terme peut être préjudiciable…à l’Etat lui même. 
  
     Mais cette longue histoire des jeux en France a  	laissé des traces «  décousues »  dans le droit privé,  	«  très imprégné des anciennes conceptions morales »,  	nous dit Pierre Yves Gautier dans un excellent article (8) Ce professeur ( Paris  	2 Panthéon Assas, auteur de Contrat Spéciaux, Defrenois 2011, dont un titre est consacré au jeu et pari)  	souligne qu’il serait urgent de recodifier le régime légal du  	contrat de jeu, coincé entre le «  vieux code civil »,  	conservateur du droit commun de la France sur ce chapitre et qui  	reste inchangé, alors que le droit spécial de plus en plus libéral  	s’épanouit en marge. 
  
     Curieusement, c’est à Guy  	Carcassonne, membre du comité de rédaction de la revue Pouvoirs - et qui à notre connaissance n’est pas un spécialiste du jeu -  	que nous devons l’article le plus enlevé de ce dossier consacré  	au gambling. Monsieur Carcassonne nous parle de jouissance, de plaisir, de  	risques, de temporalités existentielles car il a compris que le jeu  	recèle «  quelques mystères »(9) et ne correspond pas  	simplement à l’acte d’un acteur rationnel. Citation : «   	Plus de passé, plus d’avenir car seul existe l’instant présent  	et, si le sort est favorable, ce présent est celui d’une grâce. » 
  
     Il emporte également notre adhésion quand il  	souhaite « reconsidérer les idées reçues » sur les  	joueurs, par exemple celle que tout joueur est un « ludopathe  	en puissance ». La charge contre la doxa du jeu pathologie maladie est  	cinglante, sévère, justifiée. Ils se reconnaitront. Nous aurons  	moins l’impression de prêcher dans le désert désormais.  	Citation : «  La troisième idée reçue est celle selon  	laquelle le joueur cherche d’abord à perdre. Quoi que très  	répandue - on ne lui connaît pas d’autres sources qu’une  	psychanalyse à la hache. Qu’elle vienne de praticiens tout a fait  	étrangers au jeu et n’y comprenant rien ou qui, joueurs  	eux-mêmes, peinent à l’assumer, ou encore d’analystes qui  	n’ont été confrontés qu’à de vrais malades ou qui se  	craignent tels - elle est tout simplement absurde. »  
  
     Ce professeur de droit public ( Paris  	X Nanterre) ,qui a pris par  	ailleurs une position politique courageuse en 2009 sur «  tout  	ce qui dissimule le visage », conclut avec maestria :  	«  Non les joueurs ne sont pas les damnés de la terre, et il  	serait peut être temps de finir par l’admettre. »  © JP Martignoni , Lyon, France,   novembre 2011, 191 
  Notes
 
  
     Pouvoirs  	n° 139, Revue  	française d’études constitutionnelles et politiques,  	Les jeux d’argent, novembre 2011, 164 pages, Editions du Seuil
     Simon  	George , le droit public des jeux émergence et mutations d’une forme  	originale de maitrise étatique, ibid. 77-89
     Simon George est un pseudonyme  	utilisé par un fonctionnaire, docteur en droit public et  	spécialiste du droit du jeu, précise la publication
     JP Alezra & Véronique  	Degermann, Le droit pénal du jeu,  ibid. , 103-118
     Christophe Blanchard Dignac, le  	révolution numérique des jeux d’argent, ibid. 25-38
     Livre vert  	sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché  	intérieur, présenté par Michel Barnier (Commission européenne,  	Bruxelles, 24.3.2011, 39 pages)
     Jean Louis Harouel, de François 1°  	au pari en ligne, histoire du jeu en France, ibid. 5-14
     Pierre Yves Gautier, passions et  	raison du droit en matière de jeux d’argent, ibid. 91-101
     Guy Carcassonne, de quelques  	mystères du jeu, ibid15-23
     JP Martignoni-Hutin, une sociologie  	du gambling contemporain, ibid. 51-63
 
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