Les leaders du secteur ont attiré de nombreux joueurs, mais les dépenses de publicité plombent leurs comptes.
Un an après sa légalisation sur internet, le poker attire chaque semaine 300.000 joueurs réguliers. Loin du flop des partis sportifs, ses tables de jeu ont accumulé 6 à 7 milliards d’euros de mises en douze mois, auxquelles s’ajoutent 900 millions d’euros de droits d’entrée pour des tournois. Pourtant, ce n’est pas l’eldorado. «Avant la loi de mai 2010, le marché existait déjà de manière importante, dans l’illégalité, rappelle Jean-François Vilotte, président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel). Aujourd’hui, c’est le marché des jeux d’argent le plus actif. Mais après une forte croissance dans les premiers mois, il est en voie de stabilisation. Ce n’est pas anormal. Les joueurs de poker tournent très vite. De nouveaux joueurs remplacent d’anciens joueurs, qui arrêtent de jouer.»
En fait, une poignée seulement concentre l’essentiel du marché. «10% des joueurs représentent 80% du montant des mises, précise Jean-François Vilotte. Mais ces gros joueurs ne sont pas toujours les mêmes. Sur le marché français, d’un mois à l’autre, 50% des joueurs ne sont pas les mêmes.»
Selon lui, grâce à la nouvelle réglementation, les joueurs illégaux sont désormais marginaux. Pour autant, les sites agréés n’ont pas raflé la mise. Les leaders du marché perdent de l’argent après avoir lourdement investi en publicité. «Il n’y avait pas d’objectif de rentabilité pour l’année de l’ouverture, reconnaît Canel Frichet, directrice générale de Winamax, qui a investi près de 30 millions d’euros brut en pub télé et internet. L’objectif était de s’imposer comme la référence du poker en France et de recruter le plus grand nombre de joueurs dans les premiers mois.» Avec un tiers des parts de marché, plus d’un million de comptes joueurs, elle estime que l’objectif est atteint. «On parle moins du poker que des paris sportifs parce que la situation est comparativement meilleure. Mais elle est problématique, estime Nicolas Béraud, président de BetClic Everest Group, qui revendique 20% de parts de marché dans le poker. Comme la taxation est sur les mises, même un bon joueur gagne plus difficilement qu’avant de l’argent, ce qui incite les meilleurs à aller sur des sites étrangers. Le marché est resté stable au premier trimestre alors que c’est la haute saison du poker. La tendance sur six mois n’est pas encourageante.»
«40% de notre chiffre d’affaires»
«Le poker reste une niche, ce n’est pas un bien de consommation courante, ni une grande innovation, pondère un porte-parole de PokerStars France, dirigé par Alexandre Balkany. Nous ne nous attendions pas à une explosion du marché.» En un an, PokerStars s’est imposé comme le leader en France, revendiquant près de 40% de parts de marché, devant Winamax (le site de Patrick Bruel et Marc Simoncini). «C’est évidemment une grande réussite, poursuit ce porte-parole. Mais avec la fiscalité actuelle, il n’est pas possible de gagner de l’argent. Celui qui dit le contraire ment ! L’État prélève à la source environ 40% de notre chiffre d’affaires. En Italie, c’est deux fois moins. Soyons au minimum taxés comme que nos voisins européens.»
Pour les casinos, l’émergence du poker sur internet peut être un moyen d’attirer de nouveaux clients. «Participer à un tournoi dans un casino, c’est le rêve de tout joueur online», assure Nicolas Béraud. «L’écrasante majorité des joueurs vient du poker en ligne pour participer à des tournois car le bluff a une autre dimension dans la vie réelle que devant un écran!», affirme Laurent Lassiaz, président du directoire de Joa Groupe (20 casinos) qui a aussi son propre site de poker (3.000 joueurs environ inscrits). «Depuis 2007,le poker fait venir des gensqui ne fréquentaient pas les casinos, rappelle Laurent Lassiaz. Endeux ans, il s’est imposé comme le plus gros jeu de table, en chiffre d’affaires.» Pourtant, il constate aujourd’hui un essoufflement, qui correspond à la montée en puissance d’internet. «Cetteannée, les revenus du poker devraient être stables, alors qu’on était sur des progressions à deux chiffres en 2010 et 2009», regrette Laurent Lassiaz.
(source : lefigaro.fr)