Les sujets du blocage des sites et de l’indemnisation des fournisseurs d’accès reviennent dans un tout récent rapport parlementaire dédié à l’ARJEL. Le document porte sur l’application de la loi dédiée à l’ouverture des jeux d’argents et de hasard en ligne et est signé Aurélie Filipetti et Jean-François Lamour.
Selon ce dossier, depuis juillet 2010, 19 mises en demeure ont été adressées à des sites par l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne. Seulement 16 ont été révélées à la presse (Globet, Interwetten, Jaxx, Betfred, 888sport, 10bet, 32Red, Betsson, Bet24, Stanjames, Centrebet, Betcris, Boylesports, Paddy Power, Stryyke et Jetbull). La plupart ont obtempéré, exception faite de StanJames (qui a finalement bloqué les joueurs géolocalisés en France), et de 5Dimes.
Les ordonnances de blocage doivent être publiées, non divulguées
Pour ces derniers, à chaque fois, le tribunal a condamné les FAI à bloquer sous astreinte le site. D'autres décisions sont encore attendues « Le TGI de Paris se prononcera dans les prochains mois sur trois autres demandes de l'Autorité, qui vise désormais le filtrage de deux casinos en ligne étrangers (Oddsmaker et Digibet) et du site de paris Bet4Fight, hébergé en France par OVH. »
Le rapport parlementaire regrette d’abord que seules des fuites permettent à la presse de se pencher sur ces débats (PC Inpact avait diffusé les minutes de l’affaire StanJames et la décision 5Dimes.)
Du coup, les deux députés demandent que « les ordonnances de blocage [soient] rendues publiques dans la presse spécialisée et sur Internet », sauf si le juge discerne un risque de préjudice disproportionné pour les parties aux procès.
nettoyage des moteurs de recherche
Le rapport indique également que l’ARJEL « a noué des contacts avec les moteurs de recherche sur Internet (Google, Yahoo, Bing,...) afin de leur demander de déréférencer les sites non agréés condamnés au titre de l'article 61 de la loi. Un courrier d'information leur est adressé dès l'obtention d'une décision de justice favorable ». On ne sait pas à ce jour si ces demandes visent Google.fr plutôt que Google.com ou si le moteur pousse le détail jusqu’à analyser l’IP de l’utilisateur pour filtrer les résultats.
Un blocage imparfait, simplement dissuasif
Dans tous les cas, Aurélie Filipettit et Jean-François Lamour considèrent que ces solutions sont imparfaites et cantonnent le blocage dans une démarche avant tout dissuasive.
Les deux parlementaires rappellent l’attendu de principe de la décision StanJames : « Il appartient aux fournisseurs d'accès de prendre toutes mesures de nature à permettre l'arrêt de l'accès au service en cause, soit toute mesure de filtrage, pouvant être obtenu, ainsi que les défendeurs l'exposent, par blocage du nom de domaine, de l'adresse IP connue, de l'URL, ou par analyse du contenu des messages, mises en œuvre alternativement ou éventuellement concomitamment de manière à ce qu'elles soient suivies de l'effet escompté sur le territoire français ».
Mais ils soulignent aussi que toutes les principales mesures de blocage sont frappées d’inconvénients fracassant leur efficacité (filtrage par DnS, blocage par IP, filtrage d’URL, DPI). Une affirmation qui tranche avec celle de l'ARJEL qui estime "aisées" ces mesures de blocage.
Le rapport parlementaire fait totalement l’impasse sur l’analyse de l’avocat général de la CJUE qui a déclaré illicites de telles demandes de blocage ou de filtrage trop généralisées.
Le décret sur la compensation des FAI n'est toujours pas publié
Par contre il regrette que les « modalités de compensation aux opérateurs des surcoûts n’ont toujours pas été précisées par décret ».
Un rappel : la loi sur la régulation du jeu d’argent en ligne renvoie à un décret le soin de définir les modalités d’indemnisation des FAI dans la mise en place du blocage. Or, dans l’affaire StanJames, la justice avait justement refusé aux FAI d’être remboursés faute de publication de ce décret.
« Ce décret n’est toujours pas paru, ce qui a donné matière aux FAI pour faire appel de la première ordonnance Stanjames rendue par le TGI de Paris » précise le rapport parlementaire qui note que « ce retard est assez étonnant et peut s'expliquer par les réticences de l'État de prendre en charge ce type de coûts, même s'ils sont relativement modestes. Le juge de première instance ayant jugé que la loi était suffisamment précise pour permettre d'ordonner le blocage, même en l'absence de décret, il est à craindre à moins que la décision soit réformée en appel que le pouvoir réglementaire s'abstienne de publier le décret ».
La situation rappelle un peu celle de l’HADOPI, sauf que pour cette dernière, c’est la jurisprudence non la loi qui prévoit cette prise en charge des coûts. Depuis lors, les FAI, auxiliaires contraints de l’HADOPI, transmettent à cette dernière des factures, exception faite de SFR qui travaille bénévolement. Aucune de ces facture n’a été honorée par l’Hadopi ou le ministère de la Culture.
(source : pci
npact.com/Marc Rees)