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« LE PAYS DU POKER » VIENT D’EFFECTUER UNE OPERATION LIBERTICIDE SPECTACULAIRE « CONTRE LE POKER »… EN ligne :
dernier épisode d’une histoire du gambling américain, qui a toujours oscillé entre prohibition et légalité du commerce des jeux
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Jean-Pierre G. Martignoni-Hutin ( sociologue)
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Le pays du poker, des machines à sous, des casinos, le pays ou se trouve la « Mecque du jeu » ( Las Vegas) et Atlantic City, bref le pays du jeu les Etats-Unis, vient d’effectuer « une opération coup de poing»(1) - spectaculaire et inattendue - contre le poker…on line. Alors que la France poursuit, comme de nombreux pays, sa politique « d’ouverture maitrisée » des jeux d’argent en ligne, dont le bilan un an après l’adoption de la loi est loin d’être négatif (2) l’Amérique – « le pays de la liberté » - (sic) inculpe onze cadres des plus importants sites de poker (Absolute Poker, Full Tilt poker, PokerStars) dont les Présidents fondateurs risquent jusqu’à 2O ans de prison. Quand on clique sur ces sites en « .com », on tombe sur une page ( voir annexe A) qui précise leur saisie par le FBI et le Department Of Justice. Ironie de l’histoire cette action liberticide contre le poker en ligne qui a déjà un nom – le Black Friday - , est annoncée le jour même ou Barak Obama lance une stratégie pour « renforcer la sécurité des échanges sur le Net et favoriser la croissance du commerce électronique » (3)
Certes, le « pays de l’Oncle Sam » nous a déjà souvent surpris par ses paradoxes, pour ne pas dire ses contradictions et antinomies et cela dans de nombreux domaines : violence, arme, drogue, nourriture, obésité, religiosité, système de vote archaïque, philanthropie sur fond de richesse et de pauvreté, crises et scandales immobiliers & financiers à répétition – affaire Madoff - que la planète toute entière doit ensuite supporter. Mais dans le même temps, il a toujours su nous séduire par sa culture, sa liberté, son patriotisme, sa générosité son sens des affaires et son énergie. Bref l’Amérique, c’est quand même « le pays du business et de la liberté d’entreprendre » ou, en principe, c’est le libéralisme et la concurrence qui régit le monde des affaires, non la prohibition et le monopole.
Sur le terrain spécifique du gambling les ETUN ont en outre une histoire riche et singulière. C’est le pays qui a permis à Charly Fey - l’inventeur des machines à sous – de populariser son célèbre « bandit-manchot » (4). Machine diabolique mais qui invite « à prendre sa vie en main » et apporte l’essentiel du volume d’affaire de nombreux casinos dans le monde, notamment en France et aux ETUN. « L’Amérique ludique » c’est fondamentalement le pays qui a construit en plein désert du Nevada, un temple babylonien consacré au jeu : Las-Vegas. Alors on aime ou on aime pas « la cité du péché » - sin city - qui fascine et dans le même temps effraie (5) mais n’en reste pas moins le symbole d’une « hyper Amérique » (6) qui n’a peur de rien et se reconstruit sans cesse. Certes, l’histoire de cette ville comporte sa dose - et même son overdose - de violences et de « corruptions » (7) racontées dans le célèbre film de Martin Scorsese . Mais c’est justement à travers la liberté, la fin de la prohibition, la légalité du commerce du jeu devenu industrie, que la ville ou Bugsy Siegel a construit son célèbre Flamingo, a pu se débarrasser peu ou prou de ses « démons mafieux ». Mais il est vrai que cette interdiction du poker en ligne et son actualité judiciaire et policière doit nous rappeler que « l’histoire du jeu en Amérique » a toujours oscillé entre prohibition et légalité », même si en final c’est souvent la liberté du business qui l’a emporté.
Alors bien sur, « chacun fait ce qui lui plait » et nous n’avons pas de leçon à donner à un Etat, qui en a pourtant si souvent donné à la planète en matière de liberté et de commerce. On peut juste s’étonner qu’un pays qui aime tant le poker en dur, possède un si grand nombre de tables de poker (elles se comptent par centaines dans les casinos), rassemble sans doute le plus grand nombre de joueurs de poker offline et online, organise les compétitions les plus prestigieuses ( les World Series Of Poker, WSOP, de Las-Vegas), « un pays qui a le poker dans la peau et dans sa culture », soit (pour l’instant) aussi rétrograde en matière de poker en ligne.
Deux conclusions s’imposent et doivent donner matière à débat, y compris en France ou tout est loin d’avoir été résolu, « malgré » la loi d’ouverture maitrisée du 12 mai 2010, « à cause » de cette loi diront certains...
1/ Sur le registre de l’ordre publique, de la lutte contre les intérêts mafieux, le blanchiment, la fraude bancaire…les ETUN sont forcément dans leur bon « droit » vu que les jeux sur internet sont interdits depuis 2006 outre atlantique. Mais faire une loi prohibitive à l’heure d’internet, c’est très difficile à appliquer, c’est pas naturel, complexe, ça coute cher et il y aura toujours des failles. L’usine à gaz apparaît rapidement, les avocats se frottent les mains. En outre loin d’exclure les intérêts mafieux, la prohibition les attirent comme des mouches, nonobstant le manque à gagner fiscal, conséquence naturelle de mesures liberticides.
2/ Sur le registre économique, l’affaire est plus complexe. Les questions sont les suivantes et concernent les Etats-Unis pour cette actualité du poker mais également la France. Un Etat peut il durablement utiliser la prohibition pour réguler économiquement un marché ? Qui doit réguler l’économie d’un marché, une fois que celui a été peu ou prou libéralisé, comme c’est le cas en France pour les jeux d’argent sur internet. Pour la première question les ETUN viennent de répondre en prenant des mesures liberticides contre le poker. Mais il ne fait de doute pour personne, vu l’anachronisme et la contradiction évidente vis à vis du poker en dur, que le lobbying des « barons » de Las Vegas ( très actif au Sénat américain depuis plusieurs années sur cette question) n’est pas étranger à cette prohibition d’un autre temps et à ses conséquences juridiques. L’ordre publique a certainement bon dos dans cette affaire. La réalité est plus prosaïque. Les casinotiers vegasiens défendent leur activité en dur. Ils ont peur de l’avenir et violent « les lois naturelles du business américain ». Pour la deuxième question qui concerne la France, la situation est différente vu que nous sortis pour partie de la prohibition des jeux en ligne, mais sur le fond l’ambivalence de la régulation est identique. Si chacun s’accorde à trouver « légitime » la régulation qui concerne l’ordre publique, les conséquences sociales, le jeu des mineurs, la sécurité et la sincérité des jeux, la lutte contre les intérêts mafieux, l’argent sale… ; celle qui concerne « l’économie des jeux » apparaît beaucoup moins « naturel » dans une économie de marché. Doit-on réguler l’économie d’un marché… dans une économie de marché ?. Le Black Friday ne doit pas simplement nous permettre de montrer du doigt « nos amis américains », il doit être l’occasion de poursuivre le débat sur ces deux volets de la régulation des jeux.
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© JP Martignoni , Lyon, France, 22 avril 2011
notes
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« Opération coup de poing contre le poker en ligne aux Etats-Unis » ( Les Echos du 18 avril 2011)
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JP Martignoni : « Le succès des jeux d’argent sur internet : premier bilan, premiers indicateurs, premières typologies » (19 avril 2011, 7 pages) sur www.lescasinos.org ( 20 avril 2011)
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Virginie Robert : « Washington veut protéger les transactions en ligne » ( Les Echos du 19 avril 2011)
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JP Martignoni : Ethno-sociologie des machines à sous : que le hasard vous serve mais préparez-vous à l’accueillir « (Paris, L’Harmattan, 2000)
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JP Martignoni : « Casinos = En France : Rien ne va plus...mais les jeux ne sont pas faits. A l’international : paris sur l’avenir et crise économique » sur www.lescasinos.org (5 janvier 2011, 7 pages) et sur www.igamingfrance.com : « Macao pèse quatre fois plus lourd que Las Vegas » ( 7 janvier 2011)
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Sally Denton & Rogeer Morris : « une hyper Amérique : argent, pouvoir, corruption ou le modèle de Las Vegas « ( Edi. Autrement frontières, 2001/2005, 537 pages)
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Sally Denton & Rogeer Morris , ibidem
annexe A/