FRANCE = POLITIQUE DES JEUX
Comité consultatif du jeu, sénateur François Trucy, Arjel, Jean-François Vilotte, Observatoire des jeux, Colloque du 22 mars 2011 à la Maison de la Chimie…
L’ Observatoire des jeux de hasard et d’argent ne doit pas être un Observatoire « Croupion »
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JP Martignoni ( sociologue)
NB = IMPORTANT : L’installation de l’observatoire des jeux et la nomination de ses membres ( arrêté du 11 mars 2011, JO du 13 mars 2011) n’étaient pas connues au moment ou cet article a été rédigé.
· La
réinstallation du Sénateur Trucy à la tête
du Comité Consultatif du jeu ( CCJ) par François
Baroin, avec au minimum l’accord du Président de la
République, est intéressante à plus d’un
titre. Elle confirme l’opiniâtreté d’un
homme qui semble avoir fait sienne la devise,
si
on a une conviction, il faut la défendre coute que coute .
Curieux pays cependant que la France ou il faut en permanence
combattre, être dans le coup de gueule, la provocation - ou
posséder de sérieux réseaux
d’influence de différentes
obédiences -
pour arriver à ses fins. François Trucy ne demandait
pourtant qu’une chose simple : mettre en place la nouvelle
architecture prévue par la loi sur les jeux en ligne, après
de multiples débats parlementaires, colloques, auditions,
arbitrages…Cette réinstallation confirme aussi,
après
l’épisode
du soldat Woerth ,
que ce n’est pas forcément le « grand Amour »
en matière de
gambling au
sein de la Majorité, malgré le nom du successeur
« déjà » annoncé de
François Trucy : Jean François
Lamour .
Un peu d’ironie facile étant indispensable
pour traiter sereinement « ce monde très
tourmenté du jeu » ou les intérêts
financiers publics et privés sont tels, que tous les coups
semblent permis et toutes les stratégies possibles, même
les plus machiavéliques. La sociologie des logiques des
acteurs du champ ludique indiquant en la matière, que
les
dés sont souvent pipés et
que
les
jeux ne sont jamais faits.
· De
fait, cette réinstallation du Comité Consultatif du Jeu
remet en scelle l’Observatoire des jeux (ODJ) qui –
normalement – en sera son bras armé intellectuel et
scientifique. C’est une bonne nouvelle, sous réserve que
certaines conditions soient respectées. Cet observatoire doit
posséder les moyens de son indépendance s’il veut
informer objectivement le CCJ, l’ARJEL et au delà, la
Politique des jeux du gouvernement. Ce serait une erreur politique et
scientifique d’installer un Observatoire « Croupion ». D e
gauche à droite de l’échiquier politique, on
souligne depuis des lustres que les jeux de hasard en dur
et en ligne constituent un
grave problème de santé publique .
Alors, si c’est si aussi dangereux pourquoi tant d’hésitations
à mettre en place un Observatoire dédié ?!
qui devra en réalité travailler sur
l’ensemble des causes et conséquences sociales
du gambling et
pas seulement sur la question du jeu excessif.
· Cet
organisme doit donc être à la hauteur des enjeux
sociaux, économiques, fiscaux de l’ industrie des jeux,
qui correspond par ailleurs à un fait
social ,
historique et culturel qui concerne des millions de Français.
Les chiffres du gambling soulignent
d’évidence la nécessité d’un tel
Observatoire. Même si les casinos sont toujours à la
peine, - 2,1% la saison dernière, l’économie des
jeux a battu des records en 2010 : +22% à 26,3 milliards.
La Française des jeux « gênée par son
succès (A) » passe « pour la
première fois » la barre symbolique des dix
milliards. Les jeux en ligne légalisés depuis le 8 juin
2010 montent en puissance : 5, 012 milliards. Dans ce
secteur, si les paris sportifs semblent connaître
actuellement « un trou d’air [1]»
, le poker marche très bien et les paris hippiques progressent
avec une régularité constante
· La
France a tout à gagner en vérité de se doter
d’un véritable Observatoire consacré aux jeux de
hasard et d’argent en ligne et en dur et à la
socialisation ludique contemporaine ,
y compris vis à vis de l’Europe. Bruxelles veut des
informations fiables et commence à s’interroger sur les
vérités antinomiques douteuses de la doxa du
jeu pathologie maladie. La Commission Européenne cherche par
exemple à savoir si « le phénomène
d’addiction est plus répandu dans le jeu en ligne que
dans le jeu en dur. Certains
disent que c’est le cas, d’autres prétendent
l’inverse, déplore
t on à Bruxelles. [2]»
Nous ne sommes pas mécontents que la Commission s’interroge
ainsi désormais, ayant souvent dénoncé les
analyses contradictoires et opportunistes de la doxa sur
ce sujet. Cette interrogation européenne indique que la
question du jeu excessif - sa définition, sa mesure - doit
être traitée sérieusement et scientifiquement car
elle peut facilement être instrumentalisée .
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· Actuellement
la confusion des genres est totale. La Française
des jeux continue avec de gros moyens financiers son travail de
verrouillage pour occuper tout le terrain. Elle poursuit sa politique
de citadelle
assiégée et -
la meilleure défense étant l’attaque - essaie de
tout contrôler : financement de la doxa du
jeu pathologie maladie, communication permanente, instrumentalisation
des agences de presse et donc des médias sur la question du
jeu responsable, activisme marketing et commercial sans précèdent...
L’opérateur historique finance également les
associations SOS joueurs, E-enfance, SEDAP ( société
d’entraide et d’action psychologique), CRESUS Alsace
(surendettement social).
· La
Française des jeux essaie en réalité depuis
plusieurs années ( avec une accélération depuis
la libéralisation des jeux en ligne) de verrouiller
entièrement le volet recherche jeu pathologique, en finançant
notamment le centre du jeu excessif de Nantes dirigé par Jean
Luc Vénisse à hauteur de deux millions d’euros[3].,
soit la bagatelle de 13,11 millions de nos bons vieux francs.
La FDJ est le « partenaire fondateur »
du centre de Nantes. La Française des jeux vient par ailleurs
soudainement de verser 270 OOO euros à deux universités
parisiennes pour verrouiller le volet plus large : gambling &
sciences sociales. Christophe Blanchard Dignac (PDG de la FDJ)
instrumentalisant à cette occasion certaines conclusions de
l’expertise Inserm, qui invitait les pouvoirs publics ( et non
les opérateurs !) à mener des recherches sur les
jeux d’argent et à installer enfin un
Observatoire . Ne parlons même pas de l’enquête sur
« le caractère addictif des jeux en ligne »
réalisée par MM. Ladouceur/LEJOYEUX à Bichat et
financée également par la FDJ. Il y a ( il y
avait) bien au niveau de la recherche sur le jeu ( pour ne
parler que de ce volet du dossier) la mise en place d’un « Plan
B », sans CCJ et sans Observatoire. La Française
des jeux en conflits d’intérêts,
finançant la quasi-totalité des études sur les
jeux d’argent, nonobstant sa commande à
l’AFNOR, visant à auto définir la notion de « jeu
responsable », sans doute pour mieux la contrôler.
Toutes ces actions et tout cet argent engagé par l’opérateur
des loteries court-circuitent l’Observatoire des jeux, avant
même que celui ci ne soit installé et sans doute même
pour qu’il ne soit jamais installé. Sans la démission
de François Trucy le Comite Consultatif était enterré,
l’Observatoire également. Mais la
réinstallation du CCJ et de l’ODJ pourrait constituer
une victoire à la Pyrrhus si des actions fortes - concrètes
et symboliques - ne sont pas immédiatement annoncées et
engagées.
· Certes,
l’Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT) a réalisé
un « sondage » sur le jeu pathologique qui
n’est pas financé par la FDJ. Mais cette étude,
qui sera prochainement publiée, a été obtenue
dans des conditions douteuses et des temporalités curieuses.
Elle a été décidée dans l’urgence,
en pleine expertise Inserm, comme le financement fondateur du centre
de Nantes par la Française des jeux. Réalisée en
réalité par l’INPES d’octobre 2009 à
juin 2010 dans le cadre du Baromètre Santé,
ce sondage téléphonique semble
poser en outre de nombreuses questions épistémologiques
et scientifiques. Fondamentalement chacun en conviendra, en aucune
manière l’Observatoire des drogues ne peut
pas jouer le rôle qui incombe à un Observatoire des
jeux. Certes, l’Avis n° 113 du Sénat présentée
par Gilbert Barbier en novembre 2010 s’interrogeait un peu dans
ce sens dans le cadre du renouvellement des crédits de la
MILDT et de l’OFDT . Mais outre qu’on peut contester
le fait que l’Observatoire des drogues cherche « soudainement »
des relais de croissance dans l’industrie des jeux d’argent,
qu’on peut observer que cet Observatoire a encore beaucoup
à faire en matière de stupéfiants au regard de
la consommation de drogue en constante augmentation, on s’interrogera
sur la symbolique engagée pour l’économie des
jeux et les opérateurs, si l’Observatoire
des drogues et des toxicomanies devenait
l’organisme de référence en matière de
recherche sur les jeux de hasard, une passion ordinaire et populaire
qui concerne les loisirs et l’amusement des Français.
Certains voudraient faire apparaître les opérateurs de
jeu comme des dealers
– Française
des jeux et Etat Croupier en tête - qu’ils ne s’y
prendraient pas autrement ! Ne parlons même pas
de l’image associée faisant apparaître
les millions de français qui jouent comme des drogués
du jeu ,
qui serait désastreuse et surtout fallacieuse.
· Certes,
un certain nombre d’instituts de sondages ( CSA[4] et
Médiamétrie par exemple) - en l’absence
d’Observatoire des jeux - se sont lancés sur
le créneau des études sur le gambling .
Les pouvoirs publics , l’Arjel peuvent avoir la tentation
d’utiliser - voir d’instrumentaliser – des sondages
pour défendre leur bilan et leur politique des jeux. Mais les
autres acteurs du champ, et notamment les opérateurs privés,
ont également la capacité de financer des sondages qui
défendent leurs intérêts. Plus fondamentalement
les critiques actuelles sur les sondages, qui suivent le rapport
des sénateurs Portelli et Sueur sur « les sondages
et la démocratie », n’invitent pas l’autorité
publique à céder à cette tentation en matière
de jeux d’argent, domaine en outre particulièrement
difficile à investiguer. Car bien entendu ces critiques ne
concernent pas que les sondages politiques, que « le Sénat
veut désormais réglementer ’[5] »,
mais tous les sondages. Méconnaissance de la spécificité
du champ concerné, manque de rigueur méthodologique et
de représentativité, études réalisée
de plus en plus systématiquement par téléphone
ou on
line [6] redressements
qui permettent toutes les manipulations….En aucune manière
les instituts de sondage ne pourront se substituer à un
Observatoire, dans le domaine sensible des jeux de hasard et
d’argent.
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· Les
experts de l’Observatoire ( 8 personnes prévues dans la
loi mais dans notre
organigramme de préfiguration cet
organisme est appelé à monter en puissance autour de
différents pôles d’activités) doivent avoir
les moyens de travailler et c’est un travail à temps
plein. En outre, ils ne doivent pas être en conflit d’intérêts.
Le financement public majoritaire de l’Observatoire,
c’est le prix à payer pour son indépendance. On a
beaucoup parlé de Conflits d’Intérêts dans
le domaine politique. Ils existent également dans
le domaine de l’expertise ( climat, santé ,
médicament…). Par conséquent en aucune manière
les chercheurs responsables, les chargés d’études,
les spécialistes qui travailleront à
l’Observatoire des jeux ne doivent avoir de
relations contractuelles ou êtres financés directement
ou indirectement par la FDJ, le PMU, les casinos ou les opérateurs
privés de jeux en ligne. Cela exclut les « spécialistes » de
l’addiction ( réels ou auto proclamés) les plus
en vue qui sont actuellement déjà grassement
financés par les opérateurs, principalement par la
Française des jeux. Le cahier des charges de l’Observatoire
des jeux concernant les conflits d’intérets doit donc
être aussi conséquent que celui que possède
l’Arjel. Alors que le rapport de la Commission
Sauvé[7] est encore
chaud et que certains se demandent si « le
temps de la tolérance zéro[8] »
n’est pas venu en matière de conflits d’intérêts,
l’installation d’un Observatoire des jeux
permettrait d’en éviter de nombreux dans le
domaine de la recherche sur le gambling et notamment sur le
volet jeu pathologique. Car bien évidemment la
notion de conflits d’intérêt peut-être
« objective » et ne concerne pas que le cumul
des fonctions (public, privé) et l’enrichissement
personnel des hommes politiques ou des responsables publics.
· Le
gouvernement a semble-t-il compris en réinstallant le CCJ et
donc l’Observatoire des jeux qu’une saine régulation
doit s’appuyer sur la recherche, l’expertise, séparer
les compétences, s’il ne veut pas être accusé
d’être partisan ou sous la pression des opérateurs
ou d’autres acteurs du champ ( doxa, association, lobby,
groupes de pression néo-rigoriste..). Le fait que le
successeur annoncé de François Trucy – Jean
François Lamour – annonce[9] qu’il
travaille actuellement avec la députée socialiste
Aurélie Filippetti ( qui avec d’autres ténors
de la gauche, et notamment Gaëtan Gorce, sont fortement
intervenus dans les débats parlementaires de 2010) souligne
que la classe politique devrait pouvoir se retrouver sur cette idée
d’observatoire, qui travaillerait sans a priori sur les jeux de
hasard et d’argent et remettraient les compteurs à zéro
en matière de recherche, y compris sur le terrain du excessif.
Dans le cas contraire cela signifierait qu’il y a en réalité
une collusion droite/gauche – un jeu politique - sur le dossier
du gambling, malgré les joutes rhétoriques
antagonistes qui se sont déroulées au Sénat
et à l’Assemblée Nationale en 2010.
· Certes
la légalisation des jeux d’argent sur Internet ne peut
que renforcer l’acuité des questions sociétales
qu’entraîne l’économie du hasard
(conséquences sociales , santé publique…). Comme
ces problématiques (et notamment la question du jeu
«excessif », du taux de redistribution, du jeu des
mineurs et des personnes vulnérables…) ont largement
été mises en avant pour justifier l’ouverture
« maîtrisée » des jeux en ligne,
il convient qu’elles ne soient pas
instrumentalisées. En aucune manière les opérateurs
de jeux ne peuvent diligenter et financer des recherches sur l’impact
de leur activité comme ils le font actuellement - Française
des jeux en tête - pour influer directement ou indirectement
sur les décisions du Comite Consultatif. C’est désormais
à l’Observatoire des jeux de mener ces
investigations. Comme le CCJ a été
réinstallé, l’observatoire des jeux doit
désormais jouer un rôle central dans ces études.
Mais si c’est une coquille vide, il sera rapidement
qualifié d’observatoire
croupion et
ne pourra pas mener à bien ses nombreuses missions. Avec tout
le respect que nous devons à Hélène Gisserot
(Présidente du comité consultatif pour l’encadrement
des jeux et du jeu responsable : COJER) nous aurons à
faire à un COJER bis et non à un Observatoire. A
l’heure où certains questionnent le rôle
ambigu joué par les experts dans d’autres dossiers
(réchauffement climatique, grippe A H1N1, tabagisme passif…)
il convient que l’observatoire des jeux possède les
moyens de ses ambitions, afin de réaliser des recherches
pluridisciplinaires indépendantes, neutres et objectives. Si
l’Etat et la Majorité ont enfin le courage de jouer
franc jeu dans
ce dossier, ils seront gagnants au bout du compte et éviteront
bien des critiques, contentieux et polémiques ultérieures.
Si l’opposition revient aux affaires, elle pourra
également s’appuyer sur les travaux de cet
Observatoire pérenne pour
mener à bien sa politique des jeux.
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· Historiquement,
2010 restera pour la France l’année de la libéralisation
des jeux d’argent en ligne, prémisse probable à
une évolution similaire dans de nombreux autres pays,
Etats-Unis compris. Certes, cette « ouverture »
du gambling virtuel a été souhaitée «
maitrisée » par le législateur. Elle n’en
marque pas moins la fin d’une prohibition. Bien qu’illégaux,
des milliers de sites exploitaient depuis des lustres cette
situation, créant un marché gris qui autorisait toutes
les manipulations et souffrait d’accusations dont certaines
probablement légitimes ( insécurité des jeux,
possibilités de blanchiment, intérêts mafieux,
origine des capitaux, évasion fiscale…)
· Cette
prohibition – outre son aspect rétrograde vis à
vis du développement d’internet dans tous les secteurs
d’activité – mettait en outre la France
en contradiction vis à vis d’une volonté
européenne forte, de libéraliser les services et
d’offrir plus de concurrence aux consommateurs joueurs. Et
comme les deux opérateurs historique –
Française des jeux en tête une nouvelle fois –
s’étaient lancés fortement dans les jeux d’argent
en ligne, et pratiquaient par ailleurs depuis des années un
activisme commercial & marketing forcené ( en France et à
l’étranger) se
situant aux antipodes d’une politique des jeux limitée
et responsable ,
il a été impossible à la France et à
Bercy – nonobstant la question du jeu des mineurs ! - de
s’opposer durablement à cette volonté de l’UE
de manière logique et cohérente. A l’époque,
nous avions résumé la situation dans la formule :
«l’autorisation des jeux de hasard en ligne est dans la
logique des choses européennes et dans la logique
de l’ubiquité d’internet ». Après
bien des vicissitudes qui ressemblaient parfois à des
pantalonnades indignes de la France , un certain nombre de jeux en
ligne ont été autorisés dans un cadre
réglementaire bien précis. Mais la fin relative[10] de
la prohibition du gambling virtuel ne règle pas tous les
problèmes.
· Ainsi
on peut s’interroger pour savoir si « le marché
est devenu légal à 90% [11]»,
les paris illégaux « un phénomène
marginal [12]» comme
l’affirme le Président de l’Arjel ; ou si à
l’inverse « les sites autorisés ne
représentent pas plus de 30 % du marché en valeur des
jeux en ligne » et si « la loi sur les jeux en
ligne favorise la fraude[13] »
comme le précise Stéphane Courbit… haut et
fort. L’ouverture n’étant
pas totale, le cadre réglementaire très rigoureux aussi
bien pour les opérateurs que pour les joueurs, la question
doit être posée sans tabou. Le fait que Betfair n’ait
encore pas demandé de licence ne peut être ignoré.
Ce leader mondial des jeux en ligne estimant que le marché
français est le pire des marchés régulés
- « Il est apparemment ouvert mais on ne peut
rien faire[14](14).
Dans le même temps, on peut voir le « géant
américain du poker Caesars[15] »
établir un partenariat avec Lucien Barrière.
Mitch Garber (directeur général de Caesar) estimant que
« la France est un très grand marché du
poker[16] » On
peut également s’interroger sur la fiscalité
( taxation des mises et non des revenus nets) qui serait prohibitive
pour certains opérateurs et empêcherait de capter,
notamment en matière de poker, « les gros
joueurs qui sont à l’étranger[17]»
selon Tim Philipps, responsable Europe de Betfair.
· Il
serait important que l’Observatoire problématise ces
questions fondamentales, enquête, recoupe les informations et
statistiques pour éviter que ces dossiers ne soient totalement
instrumentalisées dans un sens ou dans un autre comme ils le
sont actuellement. Le CCJ pourra ensuite plus sereinement émettre
des avis et le gouvernement modifier le cas échéant sa
Politique des jeux. Il en va de même sur
l’excessivité dans le jeu qui doit constituer une
thématique prioritaire du programme de recherches de
l’Observatoire des jeux
· Ainsi
en ce qui concerne le taux de retour au joueur (TRJ) on sait qu’il
a été limité arbitrairement à 85% pour
les jeux en ligne afin ( c’est la thèse
officielle) de lutter contre l’addiction. L’ancien
ministre du Budget instrumentalisant dès le départ le
TRJ pour en justifier sa limite soulignant , sans en apporter la
preuve scientifique, que plus le taux de redistribution d’un
jeu était élevé plus ce jeu était
pathogène. Nous avions condamné à l’époque
cette instrumentalisation et le Sénateur Trucy était
intervenu également pour dire qu’Eric Woerth était
peut être allé un peu vite en besogne. Ce sera le rôle
de l’Observatoire de réaliser des études quanti
et quali sur cette question sensible qui doit être abordée
sans a priori et sans hypothèse pré ou sur-déterminée.
On voit en effet tout l’intérêt que peut avoir la
FDJ ( sous couvert de lutte contre l’addiction) d’
imposer un taux bas pour éviter de phagocyter ses jeux en dur
et surtout pour lutter contre les nouveaux entrants afin qu’ils
ne puissent pas offrir des taux attractifs. Plus globalement on voit
tout l’intérêt à terme pour l’ensemble des
opérateurs d’avoir des taux de retour bas,
intérêt qui s’oppose à celui des joueurs
qui rêvent au contraire à des taux de redistribution
généreux. Une des missions de l’Observatoire
serait donc de travailler sérieusement et sans aucun tabou
sur cette question complexe, notamment sur la question de
la corrélation entre TRJ et excessivité.
· De
la même manière on peut s’interroger
sur le caractère plus ou moins pathogène des différents
jeux de hasard. La doxa du jeu pathologie maladie a d’abord
affirmé que c’était la roulette et les jeux de
casino qui étaient le plus dangereux, instrumentalisant le
mythe du joueur freudien et
le symbole de l’enfer du jeu, le casino. Ensuite certains
psychologues et psychiatres ont décrété que les
machines à sous étaient particulièrement
addictives à cause de leur coté… répétitif !
Rapido est assez rapidement devenu le nouveau démon
pathogène de la doxa parce qu’il était…rapide
(sic) et à tirages fréquents. La FDJ a accusé le
coup pendant des mois mais a ensuite transformé ( la formule
est testée depuis quelques mois) le Rapido en
Amigo, grâce à la complicité active d’une
partie de la doxa du jeu pathologie maladie, partie prenante dans ce
« relookage sémantico marketing » au
mépris de toute déontologie. Désormais Amigo (
véritable clone du Rapido en réalité) ne serait
plus pathogène. Bien entendu pour les jeux d’argent en
ligne, la doxa du jeu pathologie maladie ( curieusement nettement
moins alarmiste sur le caractère addictif des jeux
vidéos[18] a
affirmé immédiatement qu’ils allaient être
forcément pathogènes et particulièrement
addictifs à cause de leur proximité domestique et leur
disponibilité permanente. ( bref tout ce qui fait l’intérêt
et la spécificité des jeux en ligne !) Mais comme
au sein de la communauté scientifique il y a un certain nombre
de personnalités ( et non des moindres) qui sont de plus en
plus « sceptiques[19] »
sur le concept d’addiction au jeu en ligne grâce à
l’avancée des recherches sur « la
dépendance[20] »,
la doxa continue régulièrement de pousser des « cris
d’alarme[21] »
en faveur de l’équation : jeu en ligne = drogue.
· Tant
que la critique des jeux d’argent et la volonté de
« soigner » et d’aider les joueurs
problématiques s’est cantonnée au travail d’une
association parisienne et à un centre de soins historique de
la capitale spécialisé dans la toxicomanie, cet
activisme relayé par les médias à
coup de titres racoleurs et de statistiques improbables ( « les
drogués du jeu », « le jeu est une
pathologie », « les joueurs
compulsifs »…) fut sans doute nécessaire.
Il servit de tambour, d’alerte à un Etat Croupier
exploitant lui même sans vergogne – Française des
jeux en tête - la poule aux œufs d’or,
sans trop se soucier des conséquences sociales et en termes de
santé publique de cette exploitation. Mais désormais
les choses ont bien changé. C’est à une
scandaleuse instrumentalisation du jeu excessif à laquelle
nous assistons. Comme nous avons pu dire que les jeux d’argent
étaient une affaire trop sérieuse pour qu’ils
soient laissés uniquement dans les mains des opérateurs,
on peut dire de la même manière que le jeu excessif est
une question trop importante pour qu’il soit laissé
uniquement dans les mains des psychologues et des psychiatres.
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· Pour
éviter que ces questions cruciales ne soient instrumentalisées
comme elles le sont actuellement (par les opérateurs ,
Française des jeux en tête et par la doxa du jeu
pathologie maladie ) et comme elles vont l’être avec une
plus grande acuité quand les « études »
en cours dont nous avons parlées seront publiées, il
faut de la mesure, de la recherche de l’expertise, de la
réflexion pluridisciplinaire scientifique
indépendante. Ce sera la mission fondamentale de
l’observatoire. Comme le précisait Jean-François
Vilotte ( avant que le sénateur Trucy ne soit réinstallé )
« il faut, pour évaluer correctement le marché
des jeux d’argent, notamment au regard des enjeux d’ordre
public et social, avoir une vision complète en intégrant
les jeux restés sous monopole. Tel est l’objet du Comite
Consultatif des jeux. Il est urgent qu’il soit
installé[22](22) »
De notre point de vue il est tout aussi urgent que l’Observatoire
des jeux le soit. Il permettra de définir les indicateurs
objectifs qui reflètent la réalité des pratiques
ludiques de nos contemporains, la typologie des joueurs ( en ligne et
en dur), la diversité de leur comportement, les logiques
ludiques des différents jeux, la problématisation de
l’excessivité dans le jeu qui n’est forcément
pas synonyme de pathologie mais qui s’inscrit dans une
biographie de joueur, les tranversalités ludiques etc…
Le Comite Consultatif sera mieux à même d’émettre
ses avis. L’autorité publique pourra le cas échéant
modifier sa politique en connaissance de cause.
· Certes
on peut s’interroger pour savoir si une Politique des Jeux
nationale sera encore possible pour le gouvernement quand cette
architecture sera complètement mise en place, nonobstant les
contraintes d’harmonisation européennes. Certains
s’interrogent pour savoir si ces organismes indépendants
( agences, commission, autorité de régulation,
observatoire..) ne sont pas trop nombreux. Ce à quoi Alex Türk
, président de la CNIL répond : « on
dit qu’il y en a trop mais on n’arrête pas d’en
créer de nouvelles : Hadopi, Arjel[23]«
D’autres plus fondamentalement craignent que la prolifération
d’autorités indépendantes « n’entrainent
une dépossession du politique par lui-même »
et « une vision parcellaire de l’action
publique [24] »
au détriment de l’intérêt général.
Sur ce registre certains observateurs ont vu la nomination d’un
commissaire du gouvernement à l’Arcep ( qui a ensuite
été annulée) comme une reprise en main du
politique sur l’instance de régulation des télécoms.
· En
matière de jeux si ces craintes et interrogations existent
aussi (et pourraient expliquer pourquoi le CCJ et l’observatoire
des jeux ont pris du retard), il nous apparaît qu’elles
ne sont pas justifiées. En ce qui concerne l’Arjel, elle
régule, applique une réglementation, ne définit
pas une politique des jeux. Pour le (futur) Comité des jeux,
comme l’a plusieurs fois rappelé le sénateur
Trucy , il sera simplement « consultatif ».
Quant à l’Observatoire des jeux il devra mesurer,
expertiser , analyser, dans le cadre épistémologique
de la neutralité scientifique. En final l’Etat ayant une
appréhension globale de l’intérêt général,
pourra donc toujours dessiner les grandes orientations d’une
Politique des jeux nationale qui - dans un cadre et un marché
ludique Européen et mondial en évolution - trouve
son équilibre, entre liberté, responsabilité...et
fiscalité.
· Certes
si le Parlement n’est plus « croupion »
, l’Etat reste le principal « croupier »
de l’industrie des jeux de hasard. Cette situation qui a des
raisons historiques entraine un paradoxe -
« le paradoxe de l’Etat Croupier » - qui
rend difficile la mise en place d’une Politique des jeux
responsable parfaitement cohérente. Croupier, l’Etat
l’est triplement, par les activités et on
pourrait dire l’activisme de la Française des jeux, par
l’impôt et la fiscalité, parce que c’est lui
qui édicte les règles du jeu. Consciente que cette
triple casquette porteuse de conflits d’intérêts
était désormais trop large à porter, les
pouvoirs publics ont prévu – dans ce domaine
comme dans d’autres – la mise en place d’une
autorité de régulation ( qui fonctionne), d’un
comité consultatif ( en construction). Il convient
qu’ils parachèvent le travail en installant un
Observatoire des jeux au dessus de tout soupçon qui possède
des moyens propres au moins égal à celui de
l’Observatoire des drogues. Ce serait un signal et une étape
importante. L’étape suivante consisterait à
mettre en place une Autorité unique du marché ludique (
un marché de plus complexe, de plus en plus mondialisé
et en croissance constante) comme il en existe par exemple pour les
marchés financiers (AMF). La classe politique aura ensuite
matière à s’interroger sereinement pour savoir si
l’Etat doit enfin se désengager de l’exploitation
directe d’un des piliers important de l’industrie du
vice, et donc abandonner sa fonction la plus contestée d’Etat
Croupier, ou si elle doit au contraire précieusement la
conserver.
· Sans
avoir eu la prétention de nous mettre sur le même
plan que le Sénateur Trucy, nous sommes à l’origine
– avec Marc Valleur ( Directeur de Marmottan) et Christian
Bucher ( Psychiatre) de l’initiative intellectuelle et
scientifique ( antérieure aux deux rapports sénatoriaux)
qui a abouti à l’inscription d’un Observatoire des
jeux dans la loi sur le gambling virtuel votée en 2010. Deux
tribunes dans le quotidien économique Les Echos (juin 2001,
décembre 2003), plusieurs contributions dans la Revue
Espaces[25] et
des dizaines d’interventions médiatiques en témoignent.
Au moment ou se prépare le colloque du 22 Mars à la
Maison de la Chimie sous le haut patronage de François Baroin,
au moment ou le sénateur Trucy s’apprête à
réaliser un ultime ballet marathon d’auditions
au Palais du Luxembourg du 29 mars au 1° avril , notre devoir
était d’intervenir à nouveau fortement pour
défendre cet instance pour laquelle nous nous sommes battus
une bonne partie de notre vie et pour laquelle nous avons de grandes
ambitions qui dépassent largement des intérêts
strictement personnels.
Jean-Pierre
G. Martignoni-Hutin (Lyon- France)
Mars 2011
@jean-pierre.martignoni@univ-lyon2.fr
(A) D’après
France Soir du 28 janvier 2011 la Française des jeux aurait
dans son bilan de l’année 2009 « raboté
ici ou à les chiffres pour rester en dessous ( de la barre des
dix milliards d’euros), de peur de choquer »
l’opinion. La barre des 10 milliards de CA aurait donc été
franchie en 2009 et non en 2010 comme l’ont affirmé
les médias. Cette information qui n’engage que
France-Soir n’a pas été confirmée par la
FDJ…
[1] Christophe
Palierse : « Le marché des paris sportifs en
ligne connaît un trou d’air « (
Les Echos du 3 mars 2011)
[2] Alexandre
Counis : « Jeux en ligne : Bruxelles
prépare un Livre Vert très consensuel « (
les Echos, 13 janvier 2011)
[3] Versé
par la Française des jeux au centre du jeu excessif dirigé
par JL Vénisse pour la période 2007-2015 ( communiqué
de presse de la FDJ, 12 avril 2010)
[4] Le
CSA a réalisé un sondage « on
line « sur « les internautes et
les jeux d’argent « (CSA, communiqué de
presse janvier 2010)
[5] Patrick
Roger : « Le sénat veut règlementer
les sondages politiques « ( Le Monde du 15 février
2011)
[6] Lire
à ce sujet l’excellent entretien d’Alain Garrigou
( Professeur de sciences politiques à Paris Nanterre) réalisé
par Thomas Wieder ( Les Echos du 15 février 2011) Il montre
l’absence de rigiueur méthodologique des sondages
notamment de ceux réalisés par téléphone
ou on line, qui sont de plus en plus nombreux pour faire des
économies. !
[7] Emeline
Cazi : « Des règles strictes pour lutter
contre les conflits d’interets : la commission Sauvé
remet son rapport à Nicolas Sarkozy « (
Aujourd’hui en France, 26 janvier 2011)
[8] Valérie
de Senneville : « Conflits d’interets :
le temps de la tolérance zéro » ( Les Echos
du 8 février 2011)
[9] Aurélie
Filipetti et moi même conduisons une mission sur l’application
de la loi dont les cponclusions devraient être rendues fin
avril « ( IgamingFrance du 21 février 2011)
[10] Certains
jeux et non des moindres ( machines à sous , vidéo
poker, loteries, jeux de grattage…) sont soit purement
interdits sur la toile ou ne sont pas ouverts à la
concurrence
[11] Interview
de JF Vilotte : « Le marché des jeux en
ligne est devenu légal à 90% »
(lepoint.fr du 9 décembre
2010)
[12] Interview
de JF Vilotte : « Paris en ligne illégaux :
un phénomène marginal »( Le
Républicain Lorrain.fr du
28 janvier 2011)
[13] Interview
de Stéphane Courbit : « La loi sur les jeux
en ligne favorise la fraude » ( par M. Visseyrias, I.
Letessier, lefigaro.fr du
28 novembre 2010)
[14] Christophe
Palierse : « Pour le britannique Betfair, la France
est le pire des marchés régulés » (
Les Echos du 8 février 2011)
[15] Christophe
Palierse : « Le géant américain du
poker Caesars mise sur Barrière « ( Les Echos du
10 février 2011)
[16] Christophe
Palierse : ibid. ( Les Echos du 10 février 2011)
[17] Christophe
Palierse , ibid., ( Les Echos du 8 février 2011)
[18] Tristan
Vey : « L’addiction aux jeux vidéo
reste complexe et marginale « (Le figaro.fr du
24 novembre 2010)
[19] Anne
Jouan : « Addiction au jeu en ligne : les
neuroscientifiques sceptiques « ( Le Figaro.fr du
6 juillet 2010)
[20] Franck
Niedercorn et Catherine Ducruet : « Drogues et
dépendance : de nouvelles pistes «
( Les Echos du 9 décembre 2010)
[21] Anne
Jouan : « Paris et jeux en ligne : le cri
d’alarme des psychiatres « ( Le Figaro.fr le
6 juillet 2010)
[22] Interview
de JF Vilotte : « Paris en ligne illégaux :
un phénomène marginal »( Le
Républicain Lorrain.fr du
28 janvier 2011) Confer également le discours de JF
Vilotte ou il précise à propos du Comite
consultatif des jeux : « Cet organisme clé
d’observation, d’analyse et de propositions sur la
politique des jeux en France est primordial pour aborder les
prochaines échéances et phases de développement
de ce secteur de manière cohérente «
(Cérémonies des vœux de l’Arjel, 21
janvier 2011, page 8)
[23] Interview
d’Alex Türk par M. Bellan et N. Rauline ( Les Echos
du 8 février 2011)
[24] Editorial
de Jean Francis Pécresse : « Un problème
d’autorités « ( Les Echos du 8 février
2011)
[25] "
Prolifération des jeux d'argent, misère de la
recherche " (Les Echos , « le point de vue
de JP Martignoni», 25 Juin 2001,60) “Un
observatoire pour une politique des jeux ” (Espaces
tourisme & loisirs n°210, décembre 2003, 16-20)« La
nécessité d’une réelle politique des jeux
« (Les Echos du 26,27décembre 2003, p.10, “Idées”
« le point de vue de « )