Appel d'offres. La patronne du casino de Gujan-Mestras refuse le face-à-face avec un casinotier indépendant
Un petit moment de douceur dans le monde impitoyable des casinos ? Voire. Toujours est-il qu'un dernier rebondissement a eu lieu avant-hier dans le feuilleton de la reprise du casino de Soulac-sur-Mer. Frédérique Ruggieri, la patronne du désormais célèbre casino de Gujan-Mestras, a annoncé son retrait de la procédure d'appel d'offres lancé par la mairie de Soulac en mars 2009 pour obtenir la délégation d'exploitation de l'établissement.
À un mois de la décision finale, qui sera annoncée entre le 11 et le 20 janvier par le sénateur-maire Xavier Pintat, la décision a de quoi surprendre. « Il est devenu très délicat pour nous de faire face à un indépendant dont ce casino est la seule affaire », a déclaré Frédérique Ruggieri.
Exploité depuis cinq ans par Roland Léas, dont c'était le seul établissement, le casino est classé 181e sur 197. Touché par la crise, il avançait, cette année, une perte de 14,67 % au niveau du produit brut des jeux. Déjà candidat à sa propre succession en décembre 2008, le casinotier soulacais n'avait pu trouver un accord financier avec la mairie. Le prélèvement (12 %) de la mairie sur le produit brut des jeux proposé par Roland Léas n'avait alors pas convaincu Xavier Pintat et son Conseil municipal. Il faut dire que l'établissement rapporte, du seul fait des prélèvements, la manne de 300 000 à 400 000 euros à la municipalité. De quoi exciter la tentation de faire monter les enchères et d'atteindre le seuil maximum autorisé par la loi de 15 %.
Xavier Pintat avait donc octroyé une convention provisoire d'un an avec le casinotier et lancé un nouvel appel d'offres. L'opération semblait se montrer juteuse puisqu'au moins quatre candidats se sont montrés intéressés. Il s'agit, outre la Socodem dirigée par Frédérique Ruggieri, du groupe Partouche, et du groupe vikings dont le directeur Luc Leborgne est président du syndicat des casinos indépendants. Un syndicat dont Roland Léas est lui-même vice-président !
« La présence de Monsieur Leborgne laissait penser à un désintérêt du propriétaire pour son affaire et une volonté de sa part de passer la main », explique Frédérique Ruggieri. Seulement, les deux groupes (Partouche et vikings) ont retiré leur candidature, et il semblait désormais, à moins d'un nouveau coup de théâtre, que les deux casinotiers indépendants se retrouvaient face-à-face. Avec le retrait de Ruggieri, l'affaire semble entendue et en passe d'être gagnée pour Léas.
« C'était compliqué pour moi en terme d'éthique », confie la patronne de la Socodem. Mais aussi peut-être en terme d'image. Car, en Gironde, le casino de Gujan-Mestras affiche désormais après moult péripéties judiciaires une belle réussite en période de crise : 20 % de progression en 2009.
Quant à Frédérique Ruggieri, après avoir fait censurer par trois fois le ministère de l'Intérieur au tribunal administratif, après avoir déposé plainte contre X pour « favoritisme » (la commission rogatoire devrait s'achever cet hiver), elle s'est posée en championne de la lutte contre le monopole des grands groupes. Alors la prise du casino de Soulac ne risquait-elle pas de mettre en jeu cette réputation ? « J'avais un projet », répond-elle. Avant d'ajouter : « Face à un grand groupe, je ne me serais pas retirée... »
(source : sudouest.com/Yann Saint-Sernin)