Propos recueillis par Johan Deschamps pour capital.fr
Après de longs mois de négociations, le groupe partouche est enfin parvenu à s'entendre avec ses banquiers. Le président Patrick partouche explique pour Capital.fr les conséquences de cet accord. Il revient aussi sur la diminution des taux de prélèvement des jeux et commente l'ouverture annoncée des jeux en ligne. Enfin, il esquisse un premier bilan pour l'exercice qui vient de s'achever.
Capital.fr : Vous venez enfin de trouvez un accord avec vos banques pour le refinancement de votre dette (298,1 millions d'euros NDLR). Pourquoi les négociations ont-elles été aussi longues ? Concrètement, comment cela va se traduire pour le groupe partouche?
Patrick partouche : Oui, ça a pris du temps et pour une raison simple ! D'un côté, vous aviez le groupe partouche et de l'autre, un pool composé de 17 banques avec 4 anglo-saxonnes dont 2 ont fait faillite, et tout cela était piloté par Natixis dans un climat où les établissements bancaires ne se faisaient plus confiance. Même si les négociations ont parfois été viriles, nous avons obtenu trois années supplémentaires pour rembourser notre dette.
Capital.fr : Comment comptez-vous vous y prendre ?
Patrick partouche : Nous n'avons pas le choix, nous devons vendre des établissements car nous voulons nous désendetter rapidement. Vous savez, d'un casino en 1973, le groupe partouche en comptait 55 en 2008. La famille partouche qui possède 71% de la société a mis plus de 35 ans pour la construire et aujourd'hui je n'ai pas d'autre choix que de vendre des actifs.
Capital.fr : Cela sera-t-il suffisant ?
Patrick partouche : L'ensemble de notre parc immobilier a été évalué en 2008 pour 420 millions d'euros. Je pense que sa valeur à la casse n'est pas inférieure à 300 millions aujourd'hui. Il faut que sur cette somme, nous puissions récupérer une centaine de millions d'euros. Et si dans deux ans, je peux être à zéro dette, j'aurai zéro scrupule. Cette situation me rappelle la citation de Rudyard Kipling "si tu peux voir détruire l'ouvrage de ta vie et, sans dire un seul mot, te mettre à rebâtir, tu seras un homme, mon fils ".
Capital.fr : Comment le groupe partouche a-t-il pu en arriver là ?
Patrick partouche : C'est simple, quand nous nous sommes endettés pour racheter Européenne de Casino et le groupe Divonne, nous dégagions alors un excédent brut d'exploitation de 148 millions d'euros. Mais depuis l'interdiction de fumer instaurée le 1er janvier 2008, près d'un quart de notre chiffre d'affaires est parti en fumée et notre excédent brut d'exploitation est tombé à 80 millions d'euros, nous mettant dans une situation délicate mais prévisible.
Capital.fr : Que voulez-vous dire ?
Patrick partouche : Lorsque les négociations sur le tabac ont commencé, j'avais prévenu qu'une telle interdiction pouvait faire perdre aux casinos entre 20% et 25% de leurs recettes. Nous avions alors sollicité une dispense en expliquant que nous nous adressions à des majeurs, que les casinos étaient une cours de récréation pour adultes consentants et que cela éviterait la recrudescence des parties clandestines. Cet argument a été entendu en Belgique où nos joueurs peuvent fumer dans nos 4 établissements, mais pas en France. Le syndicat FO s'est insurgé en expliquant, selon leurs analyses, que travailler dans un endroit fumeur réduisait la vie de 6 ans. Les croupiers se sont plaints et l'interdiction de fumer dans tous les lieux publics a été votée. Et ce que j'avais dit est arrivé ! En deux ans, nous avons perdu un quart de notre chiffre d'affaires, licencié 420 personnes et fermé un établissement.
Capital.fr : Comprenez-vous les actionnaires qui se disent déçu du titre partouche et qui s'étonnent que vous ayez refusé l'offre du promoteur Michel Ohayon quand il proposait 21 euros par action ?
Patrick partouche : Je comprends que les actionnaires aient des montées d’adrénaline. Je n'ai pas vendu parce que l'entreprise est avant tout une affaire de famille. Il était hors de question que le groupe soit démembré. Et vendre ? Je ne suis pas à un milliard près. L’argent n’est pas mon moteur ! Les actionnaires qui ne sont pas sortis quand le titre était à 20 euros, il ne faut pas qu'ils se plaignent. Si on achète du partouche, ça monte, ca descend, c'est la valeur la plus sport du marché français, c'est du casino a la Bourse.
Capital.fr : Vous bénéficiez depuis peu, comme tous les casinos, de la baisse du barème du principal prélèvement sur le Produit Brut des Jeux. C'est une bonne nouvelle pour votre groupe ?
Patrick partouche : Le produit brut des jeux n'avait pas été réactualisé depuis 1986 et nous restons taxés à 60%, où se trouve la bonne nouvelle ? Ce n'est qu'un petit peu de justice fiscale, une compensation, un chiffon rouge que le gouvernement agite … alors qu'il nous a refusé les machines à sous et les tables sur le net, ce qui fait notre identité. En revanche, le jeu de poker, notre particularité, il le donne à tout le monde ! Bercy est juge et partie. Il a mis le métier sous coupe réglée. Ce dispositif d'ouverture des jeux en ligne profite en grande partie à la Française des jeux et un peu au PMU.
Capital.fr : Le groupe partouche est-il prêt pour l'ouverture de ce nouveau marché ?
Patrick partouche : Comme Cassandre, j'ai vu arriver les jeux en ligne dès 1997. J'ai prévenu les autorités des risques que cela pouvait apporter mais elles ne m'ont pas entendu. En 2001, j'ai lancé le site casinopartouche.com pour montrer à l'Etat ce qui se faisait déjà. C'était un acte purement politique. J'ai reçu une plainte de la Française des Jeux alors qu'ils avaient le droit de faire des jeux en ligne. Il a fallu la cassation pour prouver mon bon droit !!! J'ai donc porté plainte en 2003 contre l'Etat devant la Cour européenne de justice contre le monopole de la Française des Jeux. Pour le moment, l'Etat fait exactement comme si les jeux en ligne n'existaient pas alors qu'ils se multiplient. Comme je défends mon groupe, nous avons aussi un site que j'assume, car finalement il n'y a toujours pas de règlementation pour les jeux en ligne. Mais le jour où l'Etat lancera son appel d'offres pour l'attribution des licences, le groupe partouche aura le doigt sur la couture du pantalon et demandera une licence en bonne et due forme.
Capital.fr : Envisagez-vous de nouer un partenariat comme le font certains de vos concurrents sur le net ?
Patrick partouche : Non, pas pour le moment, nous n'en avons pas besoin. Nous avons une filiale opérationnelle, partouche Interactive, une chaîne de télévision, Cash TV sur CanalSat et nous exploitons 130 tables de poker dans nos établissements, qui séduisent 750.000 clients. Nous avons aussi une application du jeu sur iPhone et surtout nous organisons le partouche Poker Tour, l'événement le plus important en France et un des principaux en Europe. D'ailleurs, nous allons retransmettre la finale dotée d'un prix de 2 millions d'euros en direct sur Eurosport le 22 novembre. Vous le voyez, nous sommes prêts, je n'ai plus qu'à faire les derniers réglages mais notre site de poker est déjà référencé comme le deuxième site de poker indépendant au monde avec 250 clients actifs 24 heures sur 24.
Capital.fr : Quel bilan tirez-vous de l'exercice qui vient de s'achever ?
Patrick partouche : On sort d'une mauvaise série mais j'ai encore des jetons et une chaise pour affronter les concurrents même s'ils ont de plus gros tapis. Je pense que nous avons touché un point bas cette année mais il aura fallu deux ans pour encaisser le choc. Notre plan d'économies nous a permis de réduire nos coûts de plus d'une dizaine de millions d'euros, ce qui va limiter le recul du résultat opérationnel. Quant à notre filiale partouche Interactive, elle montre aussi des signes encourageants. Ouvrez l'œil lors de la prochaine publication des comptes annuels.
Capital.fr : Les rumeurs d'augmentation de capital qui circulaient dernièrement ne sont donc plus d'actualité ?
Patrick partouche : Il y en aura peut-être une ou non. En Bourse, tout a été dit sur le groupe partouche, la partie financière, la partie stratégique et notre connaissance du métier. Du coup, je ne parle plus aux analystes financiers. Je parle aux banquiers et aux actionnaires. Tout peut arriver dans le jeu mais vous savez, le groupe partouche n'est pas à l'abri d'une bonne nouvelle.
(source : capital.fr/Johan Deschamps)