Le coup d'envoi de l'ouverture des jeux d'argent en ligne en France est désormais fixé au mois de juin 2010. "Nous devons être prêts, avec des licences délivrées, pour la Coupe du monde de football", a déclaré Eric Woerth, le ministre du budget. La prochaine étape cruciale sera l'examen du projet de loi par les députés, les 7 et 8 octobre.
Cette ouverture programmée réveille des appétits. Jean-François Vilotte, futur président de l'Autorégulation des jeux en ligne (Arjel), estime à "une centaine, voire plus", le nombre de demandes de licences qui pourraient être déposées. Sachant qu'un opérateur devra demander une licence pour chaque type de jeu : paris hippiques, paris sportifs et poker. Confrontés à cette concurrence, les opérateurs historiques (PMU, la Française des Jeux, casinotiers), seuls habilités aujourd'hui à proposer des jeux d'argent, préparent leur riposte.
Déjà présente dans les paris sportifs en ligne, la Française des Jeux est prête à miser sur le poker pour étendre son offre. Un intérêt qui s'était concrétisé, en mai 2009, par la signature d'un contrat avec la société californienne cyber Arts, fournisseur de logiciels de poker.
Mais ira-t-elle seule ou avec un partenaire plus aguerri dans les jeux de cercle ? Une alliance avec le groupe Barrière fait partie des hypothèses. "Il y a une légitimité à s'allier avec la Française des Jeux dans le domaine du poker", reconnaît Dominique Desseigne, président du groupe Barrière, l'un des plus grands casinotiers français. S'il entérine ainsi l'existence de discussions et l'intérêt pour lui d'une telle alliance, il s'empresse toutefois d'ajouter que "tout le monde discute avec tout le monde".
Relais de croissance
Depuis début 2008, avec l'interdiction de fumer puis la dégradation du climat économique, et la montée en puissance des sites de jeux en ligne, les casinotiers ne cessent de tirer la sonnette d'alarme. Ils affirment que leur activité est en recul. "Nous avons besoin de relais de croissance. Le modèle économique des casinos est délicat. Nous avons perdu les gros joueurs fumeurs et les nouveaux joueurs dépensent peu", constate M. Desseigne.
Les groupes Barrière, Joa et Tranchant se sont associés pour lancer le "Super Casino Jackpot" en interconnectant 300 machines à sous réparties dans 100 casinos. Mais ils souhaitent aussi se développer sur Internet.
Or, contrairement au PMU et à la Française des Jeux, qui ont réalisé respectivement 540 millions et 219 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2008 grâce aux parieurs en ligne, cet exercice leur est a priori interdit jusqu'à la promulgation de la loi. Le groupe Barrière a choisi de lancer au printemps un site Internet, baptisé LeCroupier, basé à Malte et proposant des jeux de casino et du poker.
Quelle que soit l'issue des discussions entre la Française des Jeux et le groupe Barrière, l'Etat garde un oeil attentif sur une entreprise dont elle détient 72 % du capital et qui conservera le monopole en France sur les jeux de loterie. D'autant que la Française des Jeux, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 9,2 milliards d'euros en 2008, verse près de la moitié des 5 milliards d'euros de recettes fiscales prélevées annuellement sur le secteur des jeux d'argent.
Bercy estime que le mandat du président de la Française des Jeux, Christophe Blanchard-Dignac, qui arrive à échéance fin septembre, devrait être renouvelé.
Quant à la privatisation, maintes fois évoquée, on ignore si elle est d'actualité. "Ce n'est pas un sujet qu'on lie au projet de loi sur l'ouverture des jeux d'argent en ligne", a déclaré M. Woerth, ajoutant que "ce n'est pas un sujet immédiat".
(source : lemonde.fr/Laurence Girard)