· Le fondateur du groupe éponyme est un visionnaire
· A 74 ans, il veille sur sa fortune
· Il est à l’origine des projets les plus fous
A le voir, avec son petit short bleu, ses baskets blanches, de marque, et sa chemise ouverte, laissant entrevoir quelques muscles du ventre, décontracté, souriant comme s’il recevait de vieilles connaissances autour d’une tasse de café cassé au lait, on se dit que Sol Kerzner a quelque chose de terriblement normal.
Pourtant, dans ce dédale de matériaux de construction et de labyrinthe de la première phase du chantier Mazagan Beach Resort, couvrant 254 ha où 400 ouvriers se croisent entre 6 heures et 21 heures tous les jours, au fond d’une minuscule salle, c’est bien avec le magnat du tourisme mondial que j’ai rendez-vous, ce mercredi 5 août, en début d’après-midi.
Jambes croisées, affaissé sur une chaise, la même que l’on retrouve dans tous les bureaux aménagés à la va-vite sous la pression des marteaux-piqueurs ou le vrombissement des perceuses, on pourrait presque oublier que l’homme qui me reçoit est l’un des plus puissants du monde. Sa fortune est estimée à plus de 17 milliards de dollars. L’entretien se passe sous le regard bienveillant de celle que ses collaborateurs appellent affectueusement Marie-Béa, pour Marie-Béatrice Lallemand, PDG de Mazagan Beach Resort. Une dame dont on dit qu’elle aime les challenges. Cette quinqua, au caractère bien trempé, fait l’unanimité autour d’elle. Elle veille et surveille les rares interviews que Sol Kerzner a accordées au Maroc. Sans aller jusqu’à interrompre son boss, elle se donne le droit d’intervenir sur des questions qui fâchent.
Au-delà, Sol Kerzner a l’air tout ce qu’il y a de plus banal. Sous ses dehors de patron déphasé, il a l’œil sur tout ce qui touche à son business. Encore plus depuis qu’il a perdu Butch, un de ses 5 enfants, dans un accident d’hélicoptère en 2006 en repérage d’un site naturel en République dominicaine, âgé alors de 42 ans qui devait reprendre le flambeau. C’est lui qui est à l’origine du projet Mazagan Beach Resort. Il ne parle pas de ce qui reste pour lui comme une terrible épreuve. Mais depuis, il a compris que sa retraite était encore pour plus tard. Sa longévité est entretenue par une heure de jogging quotidien et un régime alimentaire ultra léger. Preuve: une salade «zaalouk» agrémentée de quelques tranches de tomates fraîches, des feuilles de laitue, des rondelles de carottes et des olives… menu du jour pour staff et visiteurs.
Il vient de loin
De toute évidence, sa seule drogue à lui, à 74 ans, c’est de se lancer dans des projets qui rivalisent de gigantisme. De mémoire, les témoins de son temps vous citent Beverly Hills Hotel à Durban, sa première grande réalisation en 1960 et premier 5 étoiles en afrique du Sud où il a vu le jour un 23 août 1935 de parents d’immigrés russes.
Depuis, les choses sont allées vite. Beaucoup plus vite. Le Sun City, un projet de 4 hôtels sur un site aride où il a fait planter 1 million d’arbres à une centaine de kilomètres de Johannesburg, est à ce jour le plus ambitieux des resorts sur le continent. Son lac artificiel avec vagues, deux parcours de golf et son centre de loisirs doté d’une salle de spectacle de 6.000 places et un casino font la réputation du site. De même, son hôtel de 1.600 chambres à Dubaï, sur un îlot artificiel en forme de palmier.
De son vrai patronyme, Solomon Kerzner, le fondateur du groupe Kerzner voit tout en grand. Le gotha mondial du showbiz et des affaires l’a appris à ses dépens quand, pour la soirée d’inauguration de l’Atlantis Dubaï, il imagina un carton où figurent les maquettes réduites de la tour Eiffel, de l’Empire State Building, du Taj Mahal, de la pyramide de Gizeh… L’idée: présenter ce bijou comme la «nouvelle merveille du monde». Le cocktail inaugural a coûté la bagatelle de 20 millions de dollars. Sol Kerzner, c’est fou!
Qu’en sera-t-il de l’inauguration de Mazagan Beach Resort prévue le 31 octobre prochain? Sur ce haut lieu, promu déjà au rang de destination du tourisme mondial, Sol Kerzner ne se dégonfle pas. Mon but: «offrir une expérience unique aux clients». Le message est reçu, cinq sur cinq.
(source : leconomiste.com/Bachir THIAM)