Les États de l'Union qui résistaient depuis plusieurs années aux oukases des libéraux de Bruxelles baissent désormais pavillon un à un. À son tour, la France s'apprête à casser son monopole public des jeux et à ouvrir la porte aux opérateurs privés qui campent depuis plus d'une décennie sur le net. Un projet de loi est en cours de finalisation et les premières autorisations devraient être délivrées à la fin de l'année 2009. Un délai bien trop long pour Partouche. Le numéro deux des casinos dans l'Hexagone a ouvert au mois de novembre sur la Toile un site dédié au poker.
Avant tout le monde
En 2007, Patrick Partouche, le PDG de ce groupe familial, a été condamné à douze mois de prison avec sursis pour avoir entretenu des liens commerciaux avec une société de jeux en ligne domiciliée à Belize, un pays confetti d'Amérique centrale (1). Il prend à nouveau le risque de braver la législation, sans doute pour forcer la main au gouvernement. L'État, via Michèle Alliot-Marie, la ministre de l'Intérieur, n'a d'ailleurs pas réagi. Contre toute attente, la Socodem, la société indépendante qui gère le casino de Gujan-Mestras en Gironde, est la seule à être montée au créneau.
Hier matin, elle a assigné le groupe Partouche devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris. Le magistrat ne rendra sa décision qu'en fin de semaine. Frédérique Ruggieri, l'exploitante de l'établissement girondin, demande à la justice d'ordonner la fermeture du site de son concurrent, ou pour le moins la suppression des pages consacrées au poker. Lourdement endetté, le groupe Partouche, dont l'action dévisse en Bourse, fonde de gros espoirs sur le développement des jeux en ligne, qui ont déjà séduit plusieurs centaines de milliers d'internautes en France.
Accessibles par les internautes de l'Hexagone, les sites de Bwin, Unibet et de bien d'autres contournent les législations et les fiscalités des États. En toute impunité. Ils fonctionnent avec des licences obtenues assez facilement à Malte ou à Gibraltar. Débordés par ces nouveaux venus, les casinotiers français pressent les pouvoirs publics de hâter le pas sous peine de se voir supplantés sur le net.
Concurrence faussée ?
À Gujan-Mestras, la Socodem sort la tête de l'eau après plusieurs années difficiles. Frédérique Ruggieri a toujours soupçonné le groupe Partouche, en position de monopole sur le bassin d'Arcachon, d'avoir usé de son influence pour freiner l'obtention des machines à sous nécessaires à la rentabilité de son établissement. Les sites de jeux en ligne annoncent du chiffre d'affaires supplémentaire, mais ils risquent aussi de vider les salles de poker des casinos traditionnels, déjà mis à mal par l'interdiction de fumer. Laisser un opérateur placer ses pions bien avant le top départ donné par la loi ne revient-il pas à cautionner une illégalité, à savoir une atteinte aux principes de concurrence ?
Hier, devant le juge des référés, le groupe Partouche n'a pas directement répondu à la question. Il a soulevé l'incompétence du tribunal de grande instance, un tel contentieux étant selon lui du ressort du tribunal de commerce. La Socodem soutient que l'hébergeur du site est français. Mais Partouche affirme que les pages litigieuses ont été mises en ligne par une société immatriculée à Gibraltar, à qui la justice hexagonale n'aurait pas le pouvoir de reprocher quoi que ce soit. Dans l'univers lucratif des jeux, les tapis verts ont de plus en plus la fibre baladeuse.
(1) Il a fait appel de la décision.
(source : sudouest.com/DOMI
nIQUE RICHARD)