Propos recueillis par Sylvain Mouillard
Un groupe d'experts de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a rendu publique ce mardi une «expertise collective» sur le jeu pathologique. En 2006, 30 millions de personnes ont joué au moins une fois dans l'année à un jeu de hasard et d'argent. Chez certaines personnes, le jeu peut devenir une addiction. Entretien avec le professeur Jean-Luc Venisse, du pôle universitaire d'addictologie et de psychiatrie du CHU de Nantes, qui a participé à cette expertise collective.
Pourquoi cette expertise? Les Français jouent-ils plus aux jeux de hasard et d'argent que les autres?
Non. Ils ont même tendance à jouer un peu moins que leurs voisins du fait de la réglementation française. L'Etat dispose en effet d'un monopole sur ce secteur. Mais la commission européenne souhaite l'ouvrir à la concurrence. Cela devrait augmenter le nombre de joueurs. Le véritable problème, c'est qu'on manque de données épidémiologiques pour connaître l'ampleur du phénomène dans l'Hexagone. Une grande enquête va débuter à la fin de l'année et durera deux à trois ans. Elle concernera environ 20.000 personnes et permettra de mieux s'occuper des joueurs en difficulté qu'on récupère parfois tardivement.
Qui sont ces joueurs?
Ceux qui perdent le contrôle de leur conduite de jeu et dont le cas devient pathologique. Ils peuvent jouer au casino, au PMU, à la Française des Jeux... Plus récemment, on a vu apparaître des jeux en ligne, comme le poker. On estime qu'ils seraient entre 300.000 et 600.000 «addicts» en France. Les jeux en ligne touchent davantage les jeunes. En revanche, le casino et les jeux de grattage concernent plus les seniors. Socialement, ce sont des catégories plus défavorisées économiquement qui sont touchées.
Quels sont les symptômes et les dangers de cette dépendance?
Il y a des signes de manque, de l'anxiété, des troubles du sommeil. Les joueurs abusifs peuvent mettre en danger leur vie professionnelle, sociale, familiale. Dans les cas les plus extrêmes, cela peut aboutir à des problèmes financiers. Certains se retrouvent même à la rue.
Comment traiter ces malades?
Comme pour toutes les addictions (alcoolisme, toxicomanie), le plus difficile est de reconnaître sa dépendance et ses difficultés. On pousse donc le malade à prendre conscience de l'ampleur des conséquences négatives de ses actes. On réalise aussi un travail important sur les croyances irrationnelles. Tous les joueurs ont par exemple l'illusion de pouvoir contrôler le hasard. D'autres en arrivent à personnaliser leur relation avec une machine à sous. L'objectif est d'aider la personne à réduire voire arrêter sa consommation, et à prévenir les rechutes en proposant des activités alternatives. On propose aussi une aide sociale, pour remplir les dossiers de surendettement.
Quelles sont les pistes à développer?
Il faut accentuer la recherche dans ce domaine, notamment au niveau sociologique. Mais aussi développer largement la prévention et les procédures d'aide, avec par exemple un numéro vert. Enfin, il est nécessaire d'augmenter le nombre de centres de prise en charge des joueurs à problème.
(source : 20minutes.fr/Sylvain Mouillard)